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| Grand fossé d’enclos qui pourrait avoir été bordépar un talus parementé |
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| Céramique découverte dans le grand fossé d’enclos |
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Le diagnostic réalisé à Villaines-la-Juhel en avril-mai 2010 a permis de mettre en évidence, dans une zone jusqu’ici peu renseignée, une vaste occupation protohistorique à multiples aspects.En premier lieu, on notera la mise au jour d’un enclos protohistorique de près de 10 m par 8. Dans sa partie centrale sont apparues 4 fosses présentant des degrés de rubéfaction divers, laissant présager la présence d’urnes cinéraires. Le comblement du fossé a livré des charbons de bois que le Centre de Datation par le RadioCarbone de l’Université Lyon I a calé entre le 6è et le 4è siècle avant n. è.
L’occupation la plus importante se situe sur une large zone centrale où la densité des structures devient parfois étonnante, même si, bien sûr, celles-ci ne sont pas forcément strictement contemporaines.
En premier lieu, un vaste fossé rectiligne qui s’étend sur plus de 75 m de long, traverse du nord au sud l’emprise du projet de contournement. Ce fossé, daté de la Tène ancienne et/ou finale, mesurait dans un état primitif environ 10 m de large pour près de 3,00 m de profondeur et présentait du mobilier jusqu’à environ 25 cm du fond. Le recreusement postérieur présentait du bois gorgé d’eau, ce qui permet d’espérer la conservation de matériaux normalement périssables.
Le comblement final du fossé est intervenu dans le second quart du 2è s. ap. n. è. (assiettes, coupelles et coupes issues principalement de l’atelier de La Graufesenque, datables de la période 40/70 jusqu’à 130/160 ap. n.è.).
Enfin, un alignement de gros blocs de grès a été observé à l’extrémité ouest du fossé. Ces blocs semblent avoir subi un équarrissage. Leur existence pourrait suggérer un talus parementé adjacent au fossé, comme on en connaît sur le site de Paule (Côtes-d’Armor).
Le site se développe ensuite vers l’ouest et vers le nord. Un ensemble de structures fossoyées curvilinéaires a été mis au jour dans la partie ouest. Elles s’apparentent à des vestiges connus sous l’appellation d’ « enclos en trou de serrure », datées de la fin de l’Âge du Bronze et du début du premier Âge du Fer. On pourrait dès lors avoir une frange ouest dédiée aux morts qui pourrait signaler la limite de développement du site sur ce côté.
Plus à l’est, semble se développer une zone à forte concentration de bâtiments sur poteaux de bois, certains étant associés à de vastes fosses ou de bâtiments excavés dont certaines, qui présentent un comblement rubéfié, pourraient être le témoin d’activités artisanales.
Au final, cette zone densément occupée, de part et d’autre de la RD 113, semblerait associer à la fois des éléments liés à l’habitat et à l’artisanat, à une frange ouest dédiée à un espace peut-être funéraire (enclos en trou de serrure). Le tout serait structuré par un vaste réseau de fossés parcellaires.
Plusieurs structures archéologiques, notamment le grand fossé, ont livré des blocs de grès, souvent de l’ordre du mètre et pesant plusieurs centaines de kilogrammes. Ils semblent que ces blocs bordaient les talus, peut-être sous la forme d’un véritable parement de façade. Outre le fait que ces blocs soient exogènes à l’endroit où ils ont été découverts, il faut souligner qu’ils montrent, pour beaucoup, des traces de mise en forme.
Quelques éléments permettent d’envisager la présence d’une carrière, dont la tranchée 97 aurait recoupé les déblais. En effet, le décapage de la tranchée 97 a livré de très nombreux blocs de grès de May dont certains remontent ensemble. Ces blocs massifs montrent très nettement des traces probables d’extraction. Aucun élément chronologique n’est disponible pour ce secteur ; toutefois la présence de nombreux blocs de grès de May en contexte schisteux dans la partie sud du diagnostic, dont plusieurs montrent nettement des traces de mise en forme, permet d’envisager une datation contemporaine du site tout proche.
Pour conclure, le large fossé de La Tène ancienne et/ou finale amène de nombreux questionnements : quelles sont ses limites, dessine t’il un retour, possède-il un talus parementé, …. ? Sa taille évoque le site de Saint-Symphorien à Paule dans les Côtes-d’Armor. Sans vouloir comparer trop avant Villaines à la prestigieuse forteresse aristocratique bretonne, il est néanmoins intéressant de constater des similitudes. La position des deux ensembles est sensiblement identique : sur un site de hauteur, permettant une vision large et dégagée sur le paysage alentour. On remarquera également la présence d’un vaste fossé d’enclos (2,50 m de profondeur à Paule, 2,80 m à Villaines), qui pourrait, comme à Paule, avoir été bordé par un talus parementé ? Enfin, on pourra noter que comme Paule, Villaines se situe vraisemblablement à l’époque du Second Age du fer à proximité de la limite supposée entre plusieurs territoires : celui des Diablintes, celui des Sagiens et celui des Cénomans. Enfin, dans les 2 cas, on note la présence toute proche d’une carrière.
Les sites à enclos du Second Age du Fer commencent à être bien connus dans la région des Pays de la Loire et au delà dans l’Ouest de la France. Toutefois, l’occupation de Villaines se singularise par la densité des structures et par la puissance de l’un de ses fossés.
Ce site semble donc prendre une place importante dans le paysage du Second Age du Fer, aussi bien en Mayenne que dans la région des Pays de la Loire.
Sylvaine Morin |