Excursion du 20 septembre en Charnie –
En ce dimanche 20 juin, les risques de pluie et les élections n’ont pas découragé une trentaine d’adhérents à se risquer dans la forêt de Charnie, jusqu’au village de Bouillé. La route départementale 161 construite en 1883 traverse ce qui fut un château et nous découvrirons quelques aspects de cette forteresse, fractionnée en plusieurs propriétés privées, grâce à nos accompagnateurs locaux, monsieur de Vernou ainsi que madame et monsieur Rochard. Qu’ils soient ici remerciés, ainsi que madame Plumas qui a autorisé la visite de certains bâtiments.
La déambulation a débuté au porche, devant un plan réalisé par monsieur Alain Rousseau, habitant de Bouillé, à partir du plan cadastral. Ce dessin a permis de mieux comprendre la complexité du site dont même les spécialistes n’arrivent pas encore à trouver toutes les clés. Il serait souhaitable que Bouillé soit de nouveau examiné par un étudiant dans le cadre d’une thèse ou d’un mémoire d’histoire.
La description qui en est faite au 17e siècle souligne l’étendue du domaine et du château qui augmenté successivement, ressemblait plutôt à une ville qu’à une maison particulière ; ce dernier aurait été détruit pendant la guerre de Cent ans pour être reconstruit de 1490 à 1510. On mentionne au 17e siècle corps de logis, où il y a plusieurs accompagnements et logements de salles basses et hautes, chambres et antichambres, cabinets, cuisines, offices, caves au-dessous, une chapelle au bout dudit accompagnement, une grande cour close de murailles, trois cours aux environs d’icelle; écuries, terrasses, portes cochères, pont-levis et planchettes et fossés revêtus de fortes murailles; une basse-cour composée de plusieurs bâtiments et écuries, granges et étables; tous lesdits bâtiments couverts d’ardoises; jardins, vergers et issues joignant ledit château; trois avenues revêtues de bois de haute futaye; deux jeunes bois de haute futaye proche les avenues, nommés les Semés, contenant environ trois arpens, au milieu desquels est un bâtiment logeable avec une chapelle, nommée la chapelle du Semé, fondée sous le nom de Saint René.
Ce que nous visiterons correspond bien à la description donnée par l’abbé Angot au début du 20e siècle : Entre ces édifices plus ou moins ruineux, les fondations des bâtiments principaux s’enchevêtrent dans tous les sens, et, quoiqu’on ne puisse plus reconstituer leur ensemble, laissent l’impression d’une des plus regrettables dévastations commencées par les éléments et achevée par les hommes. Le logis étant déjà en ruine au 18e siècle, on retrouve nombre de matériaux en réemploi tant sur site que dans les bâtiments des fermes environnantes.
En oubliant oubliettes et souterrains, mais en suivant le parcours de la visite, nous allons ici souligner quelques éléments représentatifs de ce puzzle architectural.
La grande dépendance perpendiculaire à la route et dont le pignon Sud est en fausse équerre, s’appuie au Nord sur un bastion défensif dont quelques embrasures de tir pour armes à feu sont encore visibles. Cet édifice, qualifié de grange dîmière, a été remanié au 17e siècle et-présente un fruit important sur la base du mur-pignon Nord.
Le porche est un édifice datant de la reconstruction puis modifié au 18e et au 19e. Le porche central qui était traversant, est masqué dans sa partie nord par un appentis. La porte piétonne qui double la charretière est cachée sous les enduits.
En suivant le chemin de randonnée qui longe la muraille, nous arrivons dans l’angle Nord-Ouest où sont conservées des ruines d’un bastion (photo ci-contre). Les embrasures de tir couvert ont été percées en oblique de manière à croiser les feux des autres bastions. Notons que ce croisement est également réalisé entre les deux niveaux de l’édifice. Comme tous les autres systèmes de défense du site, nous avons ici des exemples de transition entre la fortification médiévale et celle bastionnée du 17e siècle.
Un ouvrage défensif a été recouvert lors du comblement des douves. Lors d’une transformation architecturale, les portes cochère et piétonne ont été complétées au 16e siècle par un ouvrage construit dans la douve. Il n’en existe plus que la partie inférieure, transformée en cave à vin, constituée par une sorte de galerie desservie par un escalier intérieur et dotée de cinq niches de tir présentant des ouvertures circulaires surmontées d’une mire.
A la base de la tour Nord-ouest, une vaste salle servant de débarras, présente en clé de voûte un oculus en pierre de taille. A l’extérieur, comme pour les autres tours, des traces d’arrachement permettent d’imaginer le développement du mur d’enceinte. Dans l’état actuel d’occupation, il est difficile de dater les différentes ouvertures qui desservent la salle.
Nous suivons alors la douve qui a été éloignée de l’enceinte par suite de comblements. Des arcs de décharge et de possibles ouvertures ponctuent le mur, éventré à plusieurs endroits. Le même questionnement quant aux accès se pose dans la tour Sud-ouest, en bordure de route, transformée également en habitation.
Après un coup d’œil à la porte piétonne, uniquement visible de la route, nous nous dirigeons vers la tour Sud-est, dite tour du trésor, car elle abritait les archives du château. Construite à la fin du 15e ou au début du 16e siècle, elle a été restaurée vers 1930. C’est une belle construction sur trois niveaux qui a la particularité de présenter une base en forme de cœur dont la pointe est tournée vers la douve. Une datation par dendrochronologie situe la charpente entre l’automne 1612 et le printemps 1613. En contre-bas de la tour, un passage voûté de très belle facture partage l’appellation de chapelle ou de nymphée, avec une préférence pour cette dernière. Faisant face à cette construction et en fond de prairie, existe un bastion qui pourrait être le pendant de celui décrit en début du parcours.
La fin du circuit nous ramène à la grange tout en jetant un œil au bâtiment dit du corps de garde, en bordure de route. Fortement remanié, il pourrait abriter une embrasure de tir à cylindre ou à rotule, permettant le pointage d’une arme à feu tout en étant bien protégé.
L’après-midi a débuté par la visite des extérieurs du château de Saint-Nicolas, en compagnie du propriétaire, monsieur Loïc Jane. Situé dans la forêt à proximité de la D210 en direction de Blandouet, cette grande maison a été construite en 1881 par Alphonse Dumey, un riche parisien et conseiller à la cour des comptes, pour servir de rendez-vous de chasse comme en témoigne la présence d’un chenil. Se référant aux styles des 16e et 17e siècles, il s’affranchit de la symétrie et se rapproche du style des résidences de villégiature. Le dessin de la façade principale met en évidence les fonctions internes. Le vestibule est fortement marqué avec la porte surmontée d’un grand oculus. On remarque les hautes baies dont certaines sont courbes et la très grande fenêtre située à l’arrière, s’ouvrant sur la forêt de Charnie. Une minuscule chapelle existait au pignon arrière d’une dépendance.
La journée a été clôturée par une visite à la chapelle de St Nicolas. L’origine de la dédicace de cet édifice est inconnue si ce n’est le fait que ce saint était très honoré à la fin du 11e siècle. Le bâtiment actuel présente plusieurs campagnes de construction ou reconstruction. La partie inférieure du mur nord du chœur de la chapelle pourrait remonter à la période romane. Fondé au début du 12ème siècle, l’édifice a été reconstruit et modifié au fil des siècles ; il a été vraisemblablement repris au 15e siècle, puis, au 17e ou au 18e siècle, le chœur est légèrement élargi vers le sud et la nef pourrait également dater de cette période. Le ressaut à la base du mur Nord est probablement le vestige du mur initial. Placée au pignon, la croix pattée du 12e siècle est également un vestige du premier édifice.
La fondation de cet ermitage serait due à St Alleaume, que certains disent venir de Flandres, et qui fonda en 1109 le monastère de femmes d’Étival-en-Charnie avec le soutien de Raoul de Beaumont, vicomte du Maine. Alleaume dit encore Adelerme, Adelhem ou Adelin mourut vers 1152 et aurait été enterré dans la chapelle de Moncor puis à Étival. Sa statue en bois peint, du 15e siècle, ainsi que toutes les autres statues sont classées au titre des monuments historiques.
Sur les murs Nord et Est du chœur, on discerne des décors peints représentant une dizaine de personnages parmi lesquels il est possible d’identifier un St André dans l’embrasure de la fenêtre axiale. Cette visite s’est achevée par la légende des pains de St Alleaume, contée avec talent par monsieur Rochard.