EXCURSION du 25 OCTOBRE à AZE : Le BURON, l’EGLISE ST SATURNIN

C’est sous le soleil que plus de quarante adhérents se sont retrouvés au Buron d’Azé. Accueillis par les propriétaires, M. et Mme Janvrin, ils ont pu admirer les vestiges de ce qui fut une splendide église abbatiale des Franciscaines.
L’après-midi s’est poursuivi par une visite de l’église d’Azé commentée par Jacques Naveau.
La société renouvelle ses remerciements aux propriétaires du Buron.

 

L’ancienne église du Buron.

En 1593, les habitants de Château-Gontier, par crainte des huguenots et sous les ordres du maréchal de Boisdauphin, font raser le faubourg. L’année suivante, ce même Boisdauphin achète la terre du Buron afin d’y faire construire un nouveau monastère. La première pierre de l’église est posée le 11 juillet 1594 et le 16 avril 1600, Charles Miron, évêque d’Angers la consacre.

L’installation des religieuses du tiers-ordre régulier franciscain dites Cordelières, s’étale sur plusieurs années mais se révèle faste grâce aux donations et aux nombre de postulantes. Le monastère affirme son rayonnement en envoyant plusieurs religieuses prendre des fonctions à responsabilité dans d’autres monastères de Sarthe et du Maine-et-Loire.

Le monastère s’enrichit. Les archives mentionnent de nombreuses rentes et fondations et on parle des splendeurs du mobilier : stalles sculptées, tapisseries, statuaire. Tout ceci laisse un peu perplexe par rapport à la règle franciscaine basée sur la pauvreté mais au fil des années, de nouveaux bâtiments sortent de terre. Le nom de Corbineau figure sur un mémoire de travaux.

En septembre 1791 le Directoire du district de Château-Gontier  fait établir un état des lieux complet du monastère : inventaire des biens, effectifs, arrêt des comptes. L’inventaire ne mentionne aucune des richesses que l’on prête au monastère. Pour la période 1788 – 1790, la balance est même déficitaire.

En 1792, les religieuses sont expulsées et incarcérées. La communauté des Cordelières a vécu.

Une enquête administrative de l’an I propose « cette maison et son enclos peuvent être employés vittement en blanchisserie ».

Restés sans affectation particulière, les bâtiments restent propriété communale et en 1815 « le maire propose le Buron, ancien couvent, pour un établissement éventuel d’étalons ».

A partir de 1834, il connaîtra 8 propriétaires et une transformation en dépendance agricole.

AZE (2) AZE -ancienne chapelle du Buron (10)

La visite de l’édifice permet d’en apprécier les proportions, la qualité du portail monumental (inscrit ISMH) et de l’architecture initiale mais aussi de se poser des questions qui trouveront peut-être réponse dans l’avenir :

– présence de pots acoustique dont la mise en place est peut-être liée à la présence d’une tribune et d’un orgue ainsi que le passage de cette tribune dans un bâtiment perpendiculaire.

– réalisation postérieure des fenêtres latérales du chœur avec arc brisé ( !)

– présence d’ouvertures rectangulaires dans le mur sud de la nef, d’un possible jubé,

– la structure en plein cintre près du portail monumental était-elle une fontaine ( ?).

La liste est encore longue sans parler des éléments du mobilier dispersés entre l’église d’Azé, Saint-Jean et le couvent de l’Olivier de Château-Gontier, Précigné et Courbeveille.

Sources :
Dictionnaire de la Mayenne, Angot, T1, p. 464, T4, p. 156
– Épigraphie de la Mayenne, Angot, T1, p. 43-44
– SAHM, MAH n°18, 1995, p. 205-241, Les dames Cordelières du Buron, J-P. Bauchet
– BCHAM ; 1879, TI, p. 58-68 ; 1932, T XLVIII, p. 40-50 et Gauchet, 1930, p.232-237,
– AD53 : Séries B, J, H, L et Q

https://ahrf.revues.org/12203

 

L’église Saint-Saturnin d’Azé.

L’église d’Azé ayant été donnée vers 1097 à Saint-Nicolas d’Angers, l’abbaye y fonda un prieuré. Sébastien Legros, dans Moines et seigneurs dans le Bas-Maine (PUR 2010), montre comment cette fondation s’inscrit dans la rivalité entre les seigneurs de Château-Gontier et la puissante famille des Mathefelon, seigneurs d’Azé. Il cite également l’exemple de Guy de Daon, prieur d’Azé pendant une dizaine d’années au 12e siècle, qui illustre le recrutement du prieurat dans la petite aristocratie locale et le caractère souvent temporaire de la charge.

Le caractère principal de l’église d’Azé est son dédoublement. Contrairement aux exemples de La Chapelle-Rainsouin ou de Neau, où l’on a ajouté une vaste chapelle au flanc de l’édifice, c’est véritablement une seconde église, aussi vaste que l’église primitive, que l’on voit accolée au nord. Ces deux parties étaient reliées, à l’époque de l’abbé Angot, par une file de colonnes en bois, remplacée au 20e siècle par des arcades dont l’aspect pseudo-médiéval ne doit pas faire illusion.

La partie la plus ancienne peut être attribuée aux moines de Saint-Nicolas et remonte à la première moitié du 12e siècle selon Jacques Mallet (L’art roman de l’ancien Anjou, Picard 1984). La construction a commencée par la nef unique, initialement plus large que dans son état actuel comme l’indique le décentrement du porche et de l’arc triomphal. Elle se prolonge par la croisée du transept, couverte d’une coupole selon un modèle diffusé à partir de Saint-Jean-Baptiste de Château-Gontier. On remarque les pendentifs inhabituels, en forme de pyramides inversées, permettant de passer du plan carré de la travée à la coupole circulaire.

La croisée supporte une tour comprenant un étage d’arcatures aveugles (très fréquent en Anjou) surmonté par un étage un peu plus étroit dans lequel s’ouvrent des percements à arcs géminés. La forte corniche en glacis qui les sépare (comme dans les églises angevines de Cunault et du Vieil-Baugé) ainsi que la moulure d’archivolte continue, encerclant la tour, atténuent l’aspect vertical de cette dernière.

AZE (12) AZE -église (10)

Le transept comprend deux absidioles orientées. Son bras nord a été détruit lors de l’agrandissement de l’église mais son absidiole subsiste. Le chœur, nettement plus bas que la nef selon une typologie habituelle en Anjou, comprend une travée droite voûtée en berceau et une abside un peu plus étroite voûtée en cul-de-four. La structure des absidioles reprend celle du chœur, avec lequel elles ne communiquaient pas à l’origine bien qu’elles lui soient accolées.

Il subsiste des peintures de la deuxième moitié du 12e siècle et du 13e siècle dans l’absidiole sud : deux paons affrontés de part et d’autre d’une source jaillissante, le Christ en majesté, Joseph devant Pharaon et une frise ornementale.

Un retable de 1627, remonté dans le bras sud du transept, provient du couvent de franciscaines du Buron à Azé. Sa belle statuaire est attribuée à l’atelier angevin de Pierre Biardeau.

La partie nord de l’église comprend une nef unique, un chœur à chevet plat et une chapelle latérale datée de 1646 sur la clé de l’arc d’entrée. On attribue habituellement cet agrandissement au 16e siècle (opinion formulée par Jacques Mallet qui n’approfondit pas la question) ou au 17e (sans doute à cause de la date portée sur la chapelle). Il faut noter que le retable majeur, daté de 1634, est antérieur à cette chapelle, indice que cette dernière ne peut servir à dater l’agrandissement. Il comprend un tableau de l’Adoration de la Croix originaire, lui aussi, du couvent du Buron.

Les éléments architecturaux observables à l’extérieur nous amènent à une toute autre datation. La façade présente deux porches : celui de la première moitié du 12e siècle, en plein cintre et à deux rouleaux, et celui de l’agrandissement, de même conception mais en arc brisé. Entre les deux, une avancée centrale reposant sur une haute arcature aveugle et percée de deux fenêtres occupe toute la hauteur de cette vaste façade et en renforce le pignon.

Un second porche en arc brisé, semblable au précédent et encadré par deux fenêtres hautes et étroites terminées en plein cintre, existe sur le côté nord de l’agrandissement. Ce dernier comporte un chevet droit d’un modèle courant en Anjou dans la deuxième moitié du 12e et au 13e siècle, à fenêtre allongée en plein cintre.

La typologie du chevet, celle des porches et fenêtres, l’architecture du renfort au centre de la façade, tout cela nous amène à situer l’agrandissement non au 16e-17e siècle, mais au 13e siècle, voire dès la fin du 12e. Il resterait à expliquer de tels travaux. L’hypothèse venant à l’esprit serait la volonté de distinguer l’église prieurale de l’église paroissiale. Dans la grande majorité des cas, cette séparation entre l’espace monastique et celui des fidèles s’est faite plus simplement par la reconstruction des chœurs dans de plus vastes dimensions, comme on l’observe dans bien des églises mayennaises.

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