Excursion du 29 mai en CHAMPAGNE MANCELLE

L’objet de cette excursion a été de parcourir une partie de la Champagne du Maine, région située au contact de la Sarthe et de la Mayenne. L’histoire de ce territoire, et tout particulièrement du prieuré d’Auvers-le-Hamon, est très liée à celle des seigneurs de Laval et a fourni des clés pour l’identification du premier Guy.

Prieuré et église d’Auvers-le-Hamon.

Auvers-le-Hamon : prieuré

La commune d’Auvers-le-Hamon a réservé à la SAHM un accueil particulièrement chaleureux auquel ont participé activement le maire M. Jean-Pierre Legay, son adjoint M. Alain Boulais, le président de l’Association du Patrimoine d’Auvers-le-Hamon M. Jean-Marie Arnoult et Mme Marie Fourrier, historienne. M. Legay a présenté sa commune et notamment les travaux réalisés dans le prieuré, récemment acquis par la collectivité. Puis la parole a été donnée à Sébastien Legros qui, en s’appuyant sur une vidéo-projection grâce au matériel mis à notre disposition, a présenté la place du prieuré d’Auvers dans la connaissance du premier seigneur de Laval et de sa politique.

A partir des 3 chartes médiévales qui relatent la fondation du prieuré d’Auvers-le-Hamon, il s’agit de comprendre les tenants et les aboutissants de l’installation d’un groupe de moines manceaux en Champagne mancelle vers 1050. Le sujet avait déjà retenu l’attention des historiens lavallois à la fin du 19e et au début du 20e siècle : leur dispute avait alors surtout porté sur l’identification du fondateur du prieuré, dont le nom énigmatique, « Guido de Danazeio » pouvait renvoyer à Guy Ier de Laval. Il s’avère aujourd’hui que cette identification semble la bonne, même si l’interprétation qu’en faisaient alors les érudits locaux doit être prolongée : si le toponyme « Danazeio » se rapporte sans doute au lieu de Denneray, dans la commune d’Avoise, à proximité d’Auvers, il est sans doute un peu rapide d’affirmer catégoriquement que Guy Ier de Laval était un seigneur originaire de cette région. Sa parenté reste en effet trop méconnue pour être définitif en la matière : tout au plus peut-on supposer ses liens avec des groupes de parenté sans doute assez prestigieux par leurs ascendants carolingiens, et rayonnant tant dans le Haut-Maine que dans le Bas-Maine, sans pouvoir affirmer un ancrage unique.

Pour autant, ce Guy Ier était bien possessionné près d’Auvers et il n’est donc pas surprenant de le voir gratifier localement les moines de la Couture en leur offrant des biens, à Auvers, pour fonder un prieuré dépendant de leur abbaye. Une telle fondation n’est toutefois pas seulement un acte d’affirmation seigneuriale locale : c’est aussi le résultat d’une tractation géopolitique par laquelle le seigneur de Laval cherche aussi à compenser, en Champagne mancelle, les atteintes qu’il avait faites subit aux moines de la Couture à Laval, et un rapprochement diplomatique avec le comte du Maine, dont il tenait localement les biens remis aux moines manceaux. A cela s’ajoute, évidemment, des motivations d’ordres religieux et mémoriels, qui confirment toute la richesse historique de ce type de fondation.

Mme Fourrier a présenté ensuite l’église priorale, édifice important qui conserveéglise Auvers le Hamon une nef romane charpentée, flanquée d’une tour massive voûtée d’ogives dans la seconde moitié du 12e s. Le chœur et le transept sont une reconstruction faite vers 1866. L’intérêt majeur de l’édifice réside dans son décor peint. La phase la plus ancienne (13e s.) est aujourd’hui lacunaire et comprenait un Jugement dernier dans la partie nord-ouest de la nef. Mais l’essentiel du décor aujourd’hui visible résulte d’une campagne des années 1530 ou du début des années 1540. L’élément le plus connu est une illustration du Dit des Trois Morts et des Trois Vifs, conte moral dont les premières traces, en peinture et en littérature, remontent au 13e s. Outre une série de saints, il faut mentionner deux belles scènes relatives à l’enfance du Christ : la Nativité et la Fuite en Égypte.

À l’issue de cette visite, la SAHM est revenue se réfugier dans le prieuré pour y pique-niquer, en raison de conditions météorologiques rafraîchissantes. M. Arnoult a mis à profit ce moment pour compléter l’histoire du prieuré, en présenter l’évolution architecturale et les problèmes archéologiques posés. Nous nous sommes quittés en remerciant les représentants d’Auvers pour cet accueil si riche et sympathique et en souhaitant que la SAHM puisse rendre la pareille à cette dynamique association locale.

Pont de Poillé-sur-Vègre.

Un court arrêt devant le pont de Poillé a permis à Jacques Naveau d’évoquer l’ancienneté de ce site de gué, emprunté dès l’antiquité par la voie de Tours à Corseul qui franchit l’Erve à Saulges et la Mayenne à Laval. Le pont construit au moyen âge, à six arches en arc brisé, est assez bien daté, ce qui est rare pour ce type d’ouvrage. On sait en effet, par un épisode des combats de Duguesclin, qu’il n’existait pas encore en 1370, tandis qu’il est mentionné en 1390.

Église de Pirmil.

On rencontre à Pirmil, au 13e s., la présence du seigneur de Laval et de son entourage (famille d’Anthenaise). L’église Saint-Jouin, donnée vers la fin du 11e s. à l’abbaye de Saint-Vincent du Mans, a été reconstruite à la fin du 12e s. et constitue un bon exemple d’édifice de transition entre le roman et le gothique.

Cet édifice, présenté par Jacques Naveau, offre des caractères inhabituels Pirmil , chapiteaupour une église rurale : voûtement complet et importance du décor sculpté. Le voûtement du chœur, en cul-de-four surbaissé, fait place dans la nef à des voûtes d’ogives bombées de type angevin (ou « Plantagenêt »), contrebutées par de gros contreforts à l’extérieur. La réalisation de ces dernières s’inspire des voûtes achevées en 1168 dans la cathédrale du Mans sous l’épiscopat de Guillaume de Passavant. En revanche, c’est vers l’abbaye de la Couture qu’il faut se tourner pour trouver l’origine des personnages ornant la retombée des ogives, parmi lesquels on reconnaît le dieu Janus (symbole du passage) près de l’entrée, saint Michel, saint Étienne et deux ecclésiastiques (l’évêque et le curé commanditaire des travaux ?). Vers l’est, ces personnages font place à des grotesques dans le goût des années 1200. Le décor des chapiteaux à entrelacs ou feuillages est caractéristique du Maine, en-dehors d’un unique chapiteau historié de modèle ligérien.

Deux chapelles latérales ont été ajoutées entre 1534 et 1548. Celle du nord comprend une voûte à clé pendante due à Jean de Lépine, sans doute l’architecte du château de La Flèche, et bien documentée par les comptes de la fabrique.

Le mobilier, très riche, comprend un crucifix de 1563, trois tableaux réalisés en 1639-1640 par le peintre manceau Julien Beaudoux et une belle série de statues, essentiellement des terres cuites mancelles du 17e s.

Église de Chevillé.

L’église Notre-Dame, présentée par Jacques Naveau, église de Chevilléest un édifice roman de la première moitié du 12e s. offrant l’intérêt d’être très peu remanié et bien conservé. Elle comprend une nef unique, un transept à absidioles, ce qui est plutôt rare dans les édifices ruraux du Maine, un chœur à abside demi-circulaire et une tour à la croisée. Il faut y voir probablement l’influence d’une église voisine, plus importante mais moins bien conservée, celle de Brûlon, dépendant comme Chevillé de la Couture du Mans. L’usage systématique du grès roussard est un trait de la Champagne-du-Maine, même si l’on trouve ailleurs ce matériau mais généralement en moins grande abondance.

La nef n’a pas été prévue pour être voûtée, ce qui apparaît dès l’extérieur dans la rareté et la minceur des contreforts. En revanche, le voûtement du chœur et surtout du transept est un caractère peu courant dans la région et souvent tardif. La croisée se distingue par la présence d’une coupole sur trompes, fait également inhabituel. Les absidioles communiquent avec le chœur, tandis que l’on ne trouve pas de « passages berrichons » entre le transept et la nef, sans doute en raison de l’étroitesse de cette dernière.

Une épitaphe gothique rimée, datée de 1541, est scellée dans le mur nord de la nef. Outre un crucifix en bois, il faut signaler un groupe de statues en terre cuite, l’ensemble de ce mobilier remontant au 17e s.

Église de Cossé-en-Champagne

L’église Notre-Dame, autre édifice roman et autre dépendance de la Couture du Mans, a été présentée à la SAHM par Mme Marie-Claude Morand, maire de Cossé. Après avoir expliqué comment la découverte des peintures murales et les contacts enrichissants avec la restauratrice, Mme Véronique Legoux, ont éveillé en elle une véritable passion pour ce monument, Mme Morand fait porter l’essentiel de la visite sur le très beau décor de la chapelle sud, réalisé dans la première moitié du 15e s. La qualité et l’état de conservation de cet ensemble exceptionnel ont décidé les Monuments historiques à privilégier cette phase. Les décors postérieurs ont été déposés, sauf à l’entrée de la chapelle où la peinture initiale est en moins bon état et où l’on découvre l’étonnant patchwork que constituent les repeints successifs.

église Cossé en Champagne

Le thème général est la dévotion à Notre-Dame. Deux scènes sont particulièrement bien conservées et émouvantes, le Couronnement de la Vierge et l’Intercession, où Marie montre son sein à son fils pour demander sa clémence au moment du Jugement. Des saints sont représentés à l’entrée de la chapelle, sur le mur sud ou sous les scènes principales. L’ensemble est couronné par un concert d’anges peint sur la voûte en berceau brisé.

Des sondages dans la nef montrent l’importance du potentiel artistique encore caché sous l’enduit de chaux. La passionnante aventure de la redécouverte du décor de Cossé continue et la SAHM s’associe aux vœux de Mme Morand pour que les moyens nécessaires à son déroulement soient mis en œuvre, pour le plus grand bien de notre département.

 

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