Une vingtaine d’adhérents ont bravé le vent froid pour venir sur la commune de Saint-Laurent-des-Mortiers, successivement au château de la Juquaise et à l’église St Laurent.
A l’origine il existait un château féodal au Grand Brûlon. Fin 17e siècle, il restait une maison, une grange, et un jardin dans lequel il y avait la chapelle, le tout environné de douves. A l’exception de la chapelle, tout a été démoli et les pierres ont servi à construire les dépendances de la Juquaise. Le château de la Juquaise a été construit en 1770 par Charles Dugué de la Rivière, architecte à Château-Gontier.
Dans un aveu de 1787 le domaine est ainsi décrit : « la maison de la Jucaize, la maison du colon, l’aitrage, les jardins entourés de douves où autrefois était le château de la Jucaize, joignant les pelouses qui sont maintenant au-devant du château de Brûlon ».
L’ancienne chapelle avait été bâtie en 1628 et contenait les monuments de la famille de Brûlon. Totalement abandonnée et même profanée, elle a été dessinée dans cet état par T. Abraham (Cf. A. Joubert, les épitaphes de l’enfeu des Gaultier de Brullon, BCHAM, 1880-1881, p. 151 – 174, photo ci-contre).
Parmi la lignée familiale, nous retiendrons Jean, seigneur de la Jucquaize, chevalier de l’ordre du Roy et procureur de Sa Majesté en la sénéchaussée et siège présidial de Château-Gontier, maître des requêtes ordinaire de la reine, fils aîné de messire Jean Gaultier de Brullon, chevalier, seigneur du dit lieu, et de dame Elizabeth Eveillard. Jean Gaultier de Brûlon est en grande partie l’auteur des inscriptions qui ornent les quatre enfeus disposés dans la chapelle.
En 1895, la chapelle actuelle est déplacée et les mausolées y sont transférés comme le mentionne une plaque apposée à l’intérieur : « AUJOURD’HUI 20 MAI 1895, L’ANCIENNE CHAPELLE DE BRULLON QUI TOMBAIT EN RUINES A ÉTÉ DÉMOLIE ET TRANSPORTÉE A LA JUCAISE AVEC SES MATÉRIAUX MONUMENTS ET INSCRIPTIONS TELLE QU’ELLE ÉTAIT AUTREFOIS DU TEMPS DE L’ANTIQUE MANOIR DE BRULLON. LES OSSEMENTS RELIGIEUSEMENT RECUEILLIS ONT ÉTÉ DÉPOSÉS DANS UN COFFRE EN CHÊNE ET PLACÉS SOUS LE MONUMENT DES VILLEPROUVÉS ».
Le logis seigneurial de la Juquaise est inscrit à l’inventaire des monuments historiques depuis le 18 mai 1993.
Le retable et l’autel ont été refaits à l’identique au 19e siècle dans le style du 17e, en tuffeau et marbre. Surune console latérale un groupe de l’Éducation de la Vierge méritera une recherche plus approfondie.
Quatre monuments occupent les côtés de la nef. Le premier à gauche est le tombeau surmonté d’une contre-table de Suzanne de Villeprouvé, seconde épouse de Jean Gaultier dont la table horizontale porte l’épitaphe ainsi que celle d’une de ses filles, Anne Élisabeth, morte en bas âge. Les deux dernières lignes PONEBAT VXORI …. qui figurent dans l’Épigraphie de la Mayenne de l’abbé Angot, ne sont pas représentées sur le monument. On peut également y lire l’épitaphe de leur fils mort à 19 ans à son retour de la campagne du Rhin en 1676. Y sont représentés les blasons des deux familles : celui des Gaultier sera sur tous les monuments : d’azur à une rose d’argent accompagnée en chef de deux étoiles d’or et d’un croissant de même en pointe.
Le monument suivant est en quelque sorte un cénotaphe destiné à célébrer la mémoire des ancêtres de Jean Gaultier : l’épitaphe est en lignes longues et l’éloge en vers, sur deux colonnes.
Lui faisant face, le troisième monument abrite le cœur de Jean Gaultier père ; son corps ayant été inhumé dans l’église de Saint-Laurent.
Le dernier enfeu, premier sur le mur de droite, est celui de Marie de Chazé, première épouse de Jean Gaultier, décédée en couches en 1649. Son cœur ainsi que le corps de son « posthume » reposaient dans le caveau de l’église St Remi de Château-Gontier.
L’abbé Angot (Cf. Épigraphie de la Mayenne, T2, p. 304) émet l’hypothèse d’une réalisation de ces monuments par François Langlois en les comparant avec l’autel Ste Barbe de Saint-Martin-de-Connée. Celle-ci est contestée par D. Eraud qui attribue la réalisation plus certainement à un atelier angevin et peut-être à Jean Simon, auteur des enfeus des seigneurs de Racappé dans l’église de Ménil (Cf. MAH n°30, p. 136).
La chapelle recèle également deux vitraux armoriés ainsi que la représentation sur bois des blasons des familles alliées des Gaultier de Brûlon : de Quatrebarbes, Éveillard, de la Lande, de Razilly, du Boul et bien d’autres.
Nos remerciements à M. et Mme Rocca-Serra pour nous avoir permis cette visite.
Nous sommes ensuite accueillis par M. Louis Dubourdieu, président de l’association de sauvegarde de l’église paroissiale de St Laurent, association à l’activité exemplaire.
Cet édifice est mentionné pour la première fois en 1120 dans le cartulaire du Généteil mais on peut voir dans le mur sud de la nef et dans le pignon de la chapelle sud un appareil en épis datable du 11e siècle. Cette dernière structure indique que l’église primitive présentait un plan en croix latine. Le même mur sud présente plusieurs ouvertures murées dont deux petites fenêtres très étroites. Le clocher du 12e siècle, parmi les plus anciens du département, est implanté à la croisée de transept, il a des ouvertures géminées dont certains éléments pourraient être du réemploi d’éléments gallo-romains.
Le chœur est à chevet plat ; il a probablement été construit au 13e siècle car il masque les ouvertures du clocher.
Au 15e siècle, il a été créé un bas-côté au mur nord. Détruit, il se devine par la trace des arcades. Les autres transformations de cette époque sont les portes et les contreforts de la chapelle sud, la fenêtre à redents du mur sud ainsi que les arcs de la croisée de transept et des absidioles.
Le 17e siècle a vu le percement des baies en plein cintre et la réalisation du retable de St Sébastien.
En 1793, suite à un accrochage entre « Bleus » et Chouans : les fagots enflammés par ces derniers pour déloger les gardes républicains retranchés dans le clocher ont provoqué un incendie qui s’est propagé dans la charpente de la nef. La partie ouest de cette nef a été reconstruite au 19e siècle.
De part et d’autre de la grande porte figurent les plaques mentionnant l’abbé Louis Bault, noyé à Nantes en 1793 et l’abbé André Duliou, guillotiné à Laval le 21 janvier 1794.
Le chœur a été refait vers 1850. Il est orné des statues des Quatre Évangélistes qui encadrent une statue monumentale de St Laurent représenté traditionnellement avec la palme du martyr et le gril, instrument de ce dernier.
Près de la porte sud, la pierre d’annonce ou babillarde en haut de laquelle le garde champêtre lançait les avis à la population, notamment à la sortie de l’église, est un chapiteau gallo-romain retourné.
Le clocher abrite la cloche Laurence, fondue en 1782 par Jean Tichant « natif de la paroisse et baillage de la Marche en Lorraine » et restaurée en 2016.
Nos remerciements à M. Dubourdieu qui a si bien su nous faire partager son enthousiasme et ses connaissances de la commune ainsi qu’à M. Henri Boivin, maire de St Laurent et à son épouse, qui nous ont fait l’amitié de nous accompagner dans cette visite.
Photos : M. Fleury.