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L’abbaye territoriale de Saint-Maurice d’Agaune : 1500 ans d’histoire et de TrésorsC’est au cours d’un stage de deux mois dans la Fondation des Archives de l’abbaye Saint-Maurice d’Agaune que j’ai découvert cette petite ville du Valais et cette communauté de chanoines réguliers.De la cité d’Agaune à l’abbaye Saint-MauriceLa ville de Saint-Maurice se situe dans la partie francophone de la Suisse, au sud de Lausanne dans le canton du Valais. Construite entre la falaise et le Rhône, sur une artère majeure entre la France et l’Italie. Saint-Maurice est aussi un évêché qui regroupe cinq paroisses représenté par l’abbé de l’abbaye territoriale Saint-Maurice d’Agaune vieille de 1500 ans.Les nombreuses traces archéologiques et quelques manuscrits comme la Passion des martyrs d’Agaune par Eucher, évêque de Lyon du VIe siècle, permettent d’éclairer les premiers temps de la cité d’Agaune. Un premier foyer de peuplement s’installe auprès d’une source qui jaillit au pied de la falaise. Sa position stratégique de verrou de la vallée du Haut-Rhône se confirme à l’époque romaine, les romains y établissent une garnison militaire et un poste de douanes, ils y perçoivent l’impôt le « quarantième des Gaules » sur les marchandises transitant entre la Gaule et l’Italie.Selon Saint Eucher, vers 285, parmi ces troupes romaines comptant 6500 légionnaires, certains sont natifs de Thèbes en Haute Egypte, dont Maurice, chef chrétien d’un des détachements de la légion thébaine. Arrivé dans la plaine, Maurice et d’autres légionnaires, refusèrent de pourchasser des chrétiens comme l’exigeait le gouverneur romain Maximien. Ils sont décapités à Verroliez. Un siècle plus tard, Les restes de Maurice et de ses compagnons sont recueillis par Théodule, le premier évêque du Valais. Entre la fin du IVe et le Ve siècle, une petite communauté s’installe auprès des tombeaux des martyrs thébains. Ce champ des martyrs devient un centre de rayonnement chrétien avec Sigismond patrice et roi des Burgondes (entre 515-523) qui fonde une abbaye vers avril-mai 515. Cette dernière est inaugurée le mardi 22 septembre 515 en présence d’Avit évêque de Vienne et de Maxime évêque de Genève. Ce roi chrétien, réunit un groupe de moines destinés à chanter la louange perpétuelle du Seigneur, la laus perennis. Cette première basilique devient un lieu très fréquenté par les pèlerins de Gaule, d’Italie et de Germanie. Les rois mérovingiens et carolingiens protègent ce site en raison de son rôle de gardien des cols alpins.
Plusieurs évènements fragilisent et construisent la jeune communauté, les Lombards en 574 et puis les Sarrasins en 943 saccagent la ville et l’abbaye. En 824, les moines sont remplacés par des chanoines séculiers, en 1032 la ville passe sous l’autorité de la maison de Savoie et devient une châtellenie. En 1128, à lieu une réforme très importante, les chanoines séculiers sont remplacés par des chanoines réguliers suivant la règle de Saint-Augustin et qui se perpétuent aujourd’hui. En 1611, un rocher s’écrase sur l’église abbatiale, les chanoines quittèrent les abords de la falaise pour édifier l’actuelle basilique (1614-1624). En 1693, un incendie se déclare dans le fournil de l’abbaye, le trésor et les archives sont épargnés, mais la bibliothèque abbatiale dont la richesse équivalait celle de Saint-Gall part en fumée.
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L’abbaye de Saint-Maurice d’AgauneLa communauté de Saint-Maurice regroupe actuellement une quarantaine de chanoines réguliers qui ont été ordonné prêtre. La hiérarchie de l’abbaye est commune : un abbé élu par l’ensemble des chanoines, un prieur, un économe, un maître des novices. La moitié des chanoines ont une ou plusieurs paroisses à charge, les autres s’occupent des offices ou du jardin.Dès sa fondation, la basilique a été construite au pied de la falaise et de la source. Les bâtiments communautaires s’articulent autour du clocher du XIe siècle, le seul vestige médiéval de cette abbaye. Un magnifique baptistère a été aménagé sous le clocher et le chœur est célèbre pour les deux rangs de chaires en bois de 1708. En vue de l’application du Concile du Vatican II, plusieurs chapelles furent ajoutées à gauche du transept où tout un ensemble de vitraux, retraçant l’histoire de la légion thébaine du départ de Thèbes à la création de l’abbaye, a été imaginé par Edmond Bille entre 1949 et 1950.Un site archéologique majeur La longue histoire de l’abbaye implantée sur le même lieu depuis son origine est propice à des découvertes archéologiques. Les fouilles effectuées entre le XIXe siècle et 2005, mettent en avant les fondations de huit églises (IVe – Xe siècles) et des catacombes. L’ensemble de ce site, le Martolet, est actuellement protégé par un toit ingénieux suspendu aux rochers.Les fouilles récentes effectuées sur l’avenue d’Agaune en face de l’abbaye et de la Basilique, ont mis à jour une église des VIe-VIIe siècles et très probablement détruite par les Sarrasins au Xe siècle en raison d’une importante couche de cendre. Un palais épiscopal ou abbatial devant l’abbaye de 500m2, constitue une autre découverte majeure qui confirme l’importance politique de Saint-Maurice à l’époque médiévale.
Le trésor et les archives de l’abbaye Saint-Maurice Un trésor exceptionnel (IIe s. avant J.-C. – XXIe siècle) En dépit de multiples destructions et incendies, l’abbaye a su conserver de nombreux témoignages d’une longue fidélité au culte de saint Maurice de toutes époques : mérovingien, carolingien, gothique et contemporain. La plupart de ces reliquaires sont encore utilisés aujourd’hui notamment le 22 septembre, fête de Saint-Maurice et de ses compagnons martyrs thébains. Ce trésor « miraculé », figure parmi un des plus beaux d’Europe occidentale. Toutes les pièces du trésor sont analysées et font l’objet d’une restauration complète à l’aide de l’électrochimie depuis les années 2000. Denise Witschard en est la restauratrice. Elles sont exposées au public, on peut notamment admirer un vase de Sardonyx (IVe siècle) donné par Saint Martin, un coffret dit de Teudéric (milieu VIIe siècle) qui serait un don du pape Eugène Ier (654-656). Le Trésor compte aussi une aiguière attribué à Charlemagne (IXe – Xe s.), mais qui pour des raisons historiques, aurait plutôt été donnée par Charles le Chauve, petit-fils de Charlemagne. De nombreuses chasses sont aussi conservées, comme celle des enfants de Sigismond.
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10 siècles d’archives, dévoilé en l’an 2000Cette notion de « Trésor » s’applique aussi aux archives. Ce sont 400 mètres linaires qui ont été mis à la disposition du public dans les années 2000. Le chanoine et archiviste Olivier Roduit, a décidé d’ouvrir les archives de l’abbaye, conscient de leur valeur historique. Elles sont conservées dans une pièce annexe de la salle capitulaire, appelée l’ « armarium ».Cette pièce a été spécialement construite pour accueillir les archives lors de la reconstruction de l’abbaye au début XVIIIe siècle, le sol est en pierres polies du Rhône et du sable. Le climat très stable est propice à une bonne conservation des archives. Les chanceliers responsables de l’administration de l’abbaye semblent être peu intervenus dans le classement des archives avant l’entreprise colossale du chanoine Charles. Chanoine à Saint-Maurice de 1746 à 1782, il a classé durant 20 ans les archives de l’abbaye et afin de les ranger, il a fait réaliser un meuble de 76 tiroirs et un inventaire détaillé.L’abbaye recèle des pièces prestigieuses grâce à sa longue histoire : des authentiques de reliques des VIe – VIIIe siècles, un acte de 1268 concernant l’investiture d’un moulin par le sacristain de l’abbaye Saint-Maurice, ce dernier a même gardé la plume qui a servie à transcrire cette charte. On peut également noter, le Minutarium majus est un codex qui regroupe 343 actes notariés des années (1268-1272).Être archiviste à l’abbaye Saint-MauriceLa Fondation des Archives de l’abbaye Saint-Maurice
Fondée en juin 2000, elle a pour but d’appuyer l’abbaye Saint-Maurice d’Agaune pour assurer la sauvegarde, le classement et la mise en valeur de ces archives historiques millénaires. Elle est financée par des dons privés et publics. Elle s’est installée au dernier étage du Collège de l’abbaye. L’équipe se compose de deux archivistes, un technicien de numérisation, un informaticien et d’un spécialiste de la conservation et de la restauration. Ils emploient des stagiaires et des civilistes pour les aider dans leurs diverses tâches et pour les former aux métiers de l’archivistique. Afin de se faire connaître et surtout de préserver leurs fonds, les documents sont numérisés et décrits dans une fiche, l’ensemble est mis en ligne à la disposition des chercheurs. Méthode de travail Les archives de l’abbaye ont déjà fait l’objet de rares études universitaires et scientifiques avant la création de la Fondation en l’an 2000. Aujourd’hui, sujets d’études par les universitaires de Lausanne et de Genève grâce à la numérisation. Pour travailler sur les fonds anciens des tiroirs Charles : l’ouvrage de Galbreath documente les sceaux conservés dans les tiroirs Charles et Rémo Becci dans le cadre de sa thèse à l’École des Chartes a publié les actes du chartrier de l’abbaye entre 1128 et 1292. Il reste beaucoup à écrire et découvrir dans les sources de cette abbaye. Pendant ces deux mois de stage, j’ai travaillé sur les documents originaux très divers des fonds médiévaux (Xe – XVIIIe s.) et contemporains (XIXe – XXIe s.): fonds d’un chanoine de Saint-Maurice décédé en 2010, fonds des Jeunesses Musicales du Collège de l’abbaye (JMU 500). Une reconnaissance de biens du XIVe siècle transcrite sur un rouleau (REC 110). Puis sur les possessions françaises de l’abbaye, fonds du prieuré Saint-Maurice de Senlis (CHA 59), fonds du prieuré de Semur en Auxois (CHA 58), fonds du château de Bracon, en Franche-Comté (CHA 57), fonds des mines de sel de Salins (CHA 56) et fonds sur les rentes du camail (CHA 54). En fonction des fonds, deux méthodes de travail a été adoptées : pour les fonds contemporains, classement classique en suivant un plan de classement préétablis, éliminations et reconditionnement des différentes pièces dans des boites avec Ph neutre. Les articulations du plan de classement sont mises en ligne à la disposition du chercheur en respectant les normes archivistiques, ISAD(G). Et pour les fonds des tiroirs Charles, chaque pièce fait l’objet d’une notice descriptive pour les éléments diplomatiques externes tels que les sceaux et internes pour les parties du discours. Conservation et conditionnement Les documents contenus dans les Tiroirs Charles font l’objet d’un traitement particulier. Les parchemins roulés restent tels quels, les chartes scellés pliées sont dépliées et intégrées dans des boites sur mesures permanentes et le sceau calé. Les parchemins sont séparés des papiers, mais l’ensemble de ces pochettes sont remises dans le tiroir concerné. Conclusion 14 mars au 16 juin 2014, Exposition sur le trésor de l’abbaye Saint-Maurice au Musée du Louvre (Paris) 28 août 2014, conférence sur « Saint-Augustin en Mayenne » à Basougers (Mayenne) 22 septembre 2014, début du jubilé du 1500e de l’abbaye Saint-Maurice, Saint-Maurice d’Agaune, Suisse 22 septembre 2015 : célébration du 1500e de l’abbaye Saint-Maurice, Saint-Maurice d’Agaune, Suisse Pour en savoir plus : – Andenmatten B., Hausmann G., Ripart L. et Vannotti F., Ecrire et conserver, Album paléographique et diplomatique de l’abbaye de Saint-Maurice d’Agaune (VIe-XVIes.), Savoie, 2010. – Baiocco, S. et Morand M.-C., Des Saints et des hommes, L’image des saints dans les Alpes occidentales à la fin du Moyen Âge, Milan, 2013. – Brocard, N, Vannoti, F. et Wagner A., Politique, société et construction identitaire : autour de saint Maurice (Besançon, Saint-Maurice, 29 septembre-2 octobre 2009), 2011. – Fleck, P., Chanoines Réguliers de Saint-Augustin, des témoins pour notre temps, Strasbourg, 1997. – Roduit J. et Stucky G., La Basilique de l’Abbaye de Saint-Maurice, Saint-Maurice, 1999. – Roduit O., Notre Dame du Scex. La chapelle dans la falaise, Saint-Maurice, 2001. – Thurre D., Le Trésor de l’Abbaye de Saint-Maurice, Saint-Maurice, 2008. – Wermelinger O., Bruggisser P., Näf B. et Roessli J.-M. (éd.), Mauritius und die thebäische Legion, Saint-Maurice et la légion thébaine, Actes du colloque de Fribourg, Saint-Maurice et Martigny, 17-20 septembre 2003, Fribourg, 2005. Site sur le 1500e de l’abbaye Saint-Maurice d’Agaune : www.abbaye1500.ch Site de la Fondation des Archives historique de l’abbaye Saint-Maurice : www.aasm.ch |