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Dès son origine, l’homme a employé le matériau pierre, d’abord et pendant des millénaires pour fabriquer ses outils, puis dès le Néolithique et jusqu’à nos jours pour construire des édifices capables de défier le temps. Cette relation culturelle multiséculaire entre le matériau et les hommes, et plus spécialement dans la Mayenne craonnaise a fait l’objet de la conférence décentralisée donnée par J.-C Meuret pour la SAHM à Craon, samedi 13 février.
C’est un biface du Paléolithique recueilli à Livré-la-Touche qui constitue le plus ancien témoin de cette relation. Du Néolithique témoignent ensuite nombre de haches polies, faites le plus souvent de dolérite armoricaine ; on constate que la pierre circule déjà à longue distance. Mais dès cette époque, des édifices sont déjà réalisés en pierre, ce sont les mégalithes à destination funéraire et cultuelle, tels le monument de la Cahorie, ou l’enceinte des Fontenelles à Bouchamps, qui n’ont cependant pas été fouillés. Phénomène original, on observe pour cette époque la présence d’une très longue ligne de menhirs disposée d’Est en Ouest le long de la vallée du Chéran , et prolongée en Bretagne par les mégalithes du chemin des Sauniers. Il est tentant d’y voir les jalons d’un grand axe de circulation armoricain : c’est en effet à l’extrémité de celui-ci que se voit le dolmen angevin à portique de la Roche-aux-Fées (35), témoin d’influences culturelle venues de l’Est, depuis le Saumurois. A l’Age du Bronze en même temps qu’apparaissent les premiers outils de métal, on fabrique des succédanés de pierre telles les belles haches marteaux à perforation de Cossé ou de la Chapelle-Craonnaise. De la même période datent les premières meules dormantes à céréales. A l’âge du Fer, hors des murs des oppida comme peut-être celui de Moulay, on n’utilise encore que peu la pierre à bâtir dans nos régions ; mais à la Glannerie en Athée, comme sur bien d’autres établissements ruraux de l’Ouest, les Gaulois du IIe s. av. J.C. emploient des cailloux pour caler les poteaux de leurs maisons. Grand progrès technique, c’est à ce moment qu’apparaissent aussi les premières meules rotatives à céréales ; ici, elles sont réalisées en granit. |
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Le dernier chapitre de la video conférence a enfin été l’occasion d’aborder un sujet souvent négligé et pourtant riche de perspectives de recherche, tant en archives que sur le terrain, à savoir l’habitat vernaculaire, c’est-à-dire rural et traditionnel. Là, il apparaît très vite que dans les franges modestes de la population de cette région, comme partout dans l’Ouest, l’habitat de pierre ne supplante celui de bois et de terre que très tardivement. Les demeures paysannes les plus anciennes ne remontent guère avant les années 1500. Un exemple remarquable en est fourni par la Hayère en Brains-sur-les Marches, maison mixte d’une tradition très ancienne, voire protohistorique, associant une partie habitée en pierre et une partie en pans de bois à destination agricole. La première -pensée pour la montre- possède porte en plein cintre à claveaux multiples, fenêtre à linteau de pierre et visages sculptés d’un couple, salle basse à cheminée sur pignon et beau linteau de bois sculpté, et chambre haute avec fenêtres à coussièges. Mais la seconde toute de bois et terre sur solins isolants de pierre, qui présente une grande maîtrise dans la mise en œuvre de l’ossature charpentée, atteste de l’ancienneté et de l’enracinement des techniques de construction en bois. Ce n’est qu’un exemple et d’autres modèles d’habitats ruraux de pierre vont se développer jusqu’au XIXe s. et même XXe s. constituant tout le tissu de l’habitat rural, qu’on peut encore observer aujourd’hui, malgré les stigmates des transformations, des abandons, ou des restaurations. Il y a là tout un champ d’enquête et de recherche encore presque vierge, au moins pour cette région de la Mayenne.
Au total, la présentation a été l’occasion de constater que la pierre mise en œuvre de main d’homme est tout sauf un matériau inerte. On observe au contraire que déjà, dès les origines, les outils de pierre contiennent et expriment à la fois, la pensée de l’homme, et ses modes de vie. Plus tard les premiers monuments mégalithiques traduisent une volonté de marquer le paysage et matérialisent une pensée religieuse qui va bien au-delà de la simple réalité géologique. Enfin, à partir du début de notre ère, et surtout du Moyen-Age central, la pierre s’impose peu à peu dans la construction. Elle devient alors le support et l’expression visuels du pouvoir, celui des vivants dans les manoirs et châteaux, celui des morts dans les nécropoles et cimetières, celui des dieux dans les temples et églises. Jean-Claude Meuret, MdC à la retraite, Université de Nantes |