L’objectif principal de cette rencontre était de proposer une (re)découverte de l’ensemble de la décoration intérieure de cette église, en mettant en évidence le rôle central joué par Jacques Alexandre Ménard du Hallay, curé de la paroisse de 1743 à 1773.
Comme dans tout monument de cette ampleur, il existe des codes de lecture fournissant de précieuses clés d’interprétation sur sa respiration au fil du temps.
● Aspect extérieur.
Une brève déambulation autour des murs extérieurs est l’occasion de prendre conscience du contraste saisissant entre l’austérité du bâtiment et la richesse de sa décoration intérieure.
L’observation du chevet permet d’assister en direct à la naissance au 11e s. d’un modeste sanctuaire roman, dont les trois absidioles hémicirculaires en grès roussard témoignent d’une évidente parenté avec les ruines de l’église de la Cassine, située à 5kms près de la commune de Forcé.
Cette analogie architecturale renforce l’hypothèse d’une rivalité pour l’emplacement de deux paroisses à l’origine de deux bourgs distincts, avant que ne s’impose le choix de Bonchamp (évolution soulignée par la toponymie : de Malo Campo [« mauvais champ »] à Bono Campo [« bon champ »]).
Le bâtiment connaîtra plusieurs agrandissements successifs : d’abord au 12e s., puis au 17e s. sous l’effet de l’édification d’une première chapelle latérale ; enfin, la nef sera prolongée au cours du 18e s., comme le révèle une suture aisément repérable dans la maçonnerie.
● Origines, personnalité et œuvre de Jacques Alexandre Ménard du Hallay.
Issu d’une famille de notables fortunés, le nouveau curé, arrive du diocèse d’Angers (il a le titre de chanoine de la Trinité), qui a toujours entretenu des rapports étroits avec Bonchamp, en raison du rôle de l’abbesse du Ronceray chargée, depuis la fondation du prieuré d’Avesnières par Guy II de Laval, de la perception des dîmes. (Voir à côté de l’église, le bâtiment de l’ancienne grange dimeresse, en cours de travaux dans le cadre de l’actuelle restructuration du centre-ville).
Doté d’une forte personnalité, selon l’abbé Angot, il manifesta beaucoup d’obstination dans la défense des intérêts matériels de sa paroisse et consacra toute sa fortune à l’embellissement de l’église. Une récapitulation de ses initiatives est mentionnée sur une plaque en cuivre apposée dans le chœur, indiquant qu’il fut enterré sous le seuil d’entrée du sanctuaire.
● Vue d’ensemble de l’intérieur de l’église.
Cartouche au-dessus de la porte d’entrée
L’ornementation dominante est celle d’un style baroque tardif d’époque Louis XV, qui se caractérise par une profusion de stucs dorés et de lambris gris rocaille, parsemés de visages d’angelots joufflus, évoquant plutôt l’intérieur raffiné d’un salon aristocratique.
Gravé au-dessus de la porte d’entrée, un cartouche renfermant une fulmination de l’Apocalypse [« HORS DE CE SAINT LIEU LES IMPUDIQUES LES IDOLATRES ET TOUS LES MENTEURS »] est orienté vers le haut-relief situé au fond du chœur, représentant un autre motif célèbre de ce dernier livre du Nouveau Testament.
- Chapelles latérales et retables.
Les deux chapelles latérales furent érigées à un siècle d’écart et sont rehaussées de retables inspirés de l’esprit de la Contre-Réforme et ornés de motifs dont la composition est mise en valeur par l’usage harmonieux de matériaux locaux : tuffeau des bords de Loire et marbre des carrières d’Argentré et de St Berthevin.
Celui de la chapelle du nord (dite « de la Vierge »), construite en 1639, est attribué à l’architecte lavallois Tugal Caris et sera reproduit par souci de symétrie, près d’un siècle plus tard en 1731 dans la chapelle sud (« Ste Anne »).
Les chapelles plus modestes des croisillons nord et sud sont décorées de petits retables en bois du 17e s.
- La chaire en fer forgé (1768).
Pièce maîtresse de la décoration et considérée comme le joyau emblématique de l’église, elle est réalisée en 1768 par l’artisan serrurier lavallois Jean-Baptiste Lafosse et constituée d’une cuve inférieure galbée se terminant par un cul-de-lampe et surmontée d’un abat-voix en forme de grande couronne fleurdelisée.
Dans la partie basse, sont incrustés trois médaillons aux effigies des saints patrons du curé Ménard (St Jacques, St Alexandre, St Mainard), tandis qu’une inscription atteste de la signature de l’artisan : LAN 1768 JAI ESTE FINI PAR LAFAUCE PENDANT LA PROCURE DE JOSEPH BOUCHER, lequel, charron de son état, réalisa la porte en bois communiquant avec la sacristie, décorée du bas-relief du Bon Pasteur.
- Une thématique récurrente : le mélange des attributs royaux et divins.
Fervent adepte de la doctrine théocratique de l’époque, assimilant la personne du Roi à la représentation de Dieu, le curé Ménard a pris soin de diffuser cet enseignement à plusieurs endroits dans son église, en entremêlant avec insistance les marques du pouvoir royal (baldaquins de couleur pourpre, dont les draperies nouées de cordelières retombent en larges plis) et les symboles de la présence divine (nuées prolongées de rayons lumineux ornés d’anges).
Trois occurrences principales de ce syncrétisme peuvent être notées :
Sacraire (détail porte)
- sur le bas-relief du mur situé face à la chaire montrant un évangile ouvert
- sur le plein relief en bois qui surplombe le chœur en retrait du mur-diaphragme, représentant la vision d’un agneau étendu sur un livre à sept sceaux, tirée du livre de l’Apocalypse
- sur la porte du « sacraire » (armoire métallique renfermant le « trésor » de l’église : pièces d’orfèvrerie et reliques diverses …) décorée d’une croix dont les quatre extrémités se terminent par des fleurs de lys (véritable allégorie du « Christ-Roi »).
N.B. Pour de plus amples détails, se reporter à l’article paru dans le dernier numéro (97) de L’Oribus : « Jacques-Alexandre Mesnard du Hallay, curé de Bonchamp de 1743 à 1773 »
Michel FERRON
Photos : M. Fleury, J. Poujade.