Cet article est un résumé des interventions de monsieur Michel Hubert. La suite du compte rendu paraitra dans la lettre de septembre.
La commune d’Aron tire son nom de celui de la rivière qui traverse le bourg. La commune recèle des témoins d’un passé lointain comme la Pierre-Saint-Martin, l’allée couverte de la Petite-Giraudière et la stèle gauloise actuellement placée dans le jardin du presbytère.
Le nom d’Aron apparaît dans différents cartulaires du 12e siècle dont ceux d’ Évron et de Fontaine-Daniel.
Au 14e siècle Aron Bruandi, Aron-le-Bruant résonne du marteau des forges, puis du bruit des métiers à tisser sans oublier en 1944, de celui des canons lors des combats du mois d’août.
Les forges.
Aron est un village dédié à la métallurgie sur une très longue période, puisque l’origine de cette activité locale remonte à l’époque gauloise et gallo-romaine. On fabriquait donc déjà du fer à cette époque à Aron, précisément dans la partie NE de la commune, entre la route de Marcillé et la N 12, dans le secteur des Oyères qui sera visité l’après-midi.
Le minerai de fer était traité sur place, en particulier dans la Lande des Minerais qui borde le bois des Vaux. Il était grillé puis réduit en grain ; ensuite il était disposé par couche en alternance avec du charbon de bois dans une petite structure construite en argile et en forme de cheminée appelée bas-fourneau. Avec ce système, le fer est volontairement maintenu à l’état pâteux à une température inférieure à son point de fusion (1500° environ), ceci afin d’éviter de produire de la fonte considérée comme un déchet dans ce système. Cette masse pâteuse de fer est impure et contient des restes de scories, il faut donc la reprendre dans une forge pour l’épurer et la compacter.
Il est possible que cette activité sidérurgique se soit poursuivie au Moyen-âge. Quelques toponymes caractéristiques de cette époque semblent l’indiquer : la Lande des minerais, la Févrie.
L’installation des grosses forges hydrauliques date de la fin du 16e siècle. Dès son origine, l’usine sidérurgique d’Aron comprend les 3 unités traditionnelles qui constituent ce genre d’établissement.
Elles fonctionnent toutes grâce à l’énergie hydraulique qui anime les soufflets, marteaux et divers autres mécanismes. Ce sont successivement :
–‐ Le haut fourneau qui produit de la fonte,
–‐ La forge d’affinerie qui transforme la fonte en fer,
–‐ La fenderie où le fer est laminé, débité en barres selon certains gabarits.
La première fenderie était située au bord de l’Aron, face au cimetière sur la route de Mayenne. Elle rejoint le site de l’actuelle mairie au milieu du 17e siècle.
Tout cet ensemble aurait été édifié vers 1590 par Urbain II de Laval-Boisdauphin, maréchal de France.
En 1718, le domaine est acheté aux descendants d’Urbain II par Louis Pouyvet de la Blinière lequel acquiert aussi en 1740 le haut fourneau et la forge d’Hermet sur Mézangers.
En1768, l’ensemble est revendu au négociant lavallois, Pierre Le Nicolais. Son fils Pierre décède en 1848 sans postérité. Le partage de ses biens entre ses cousins germains et neveux fait l’objet de contestations et d’un jugement auprès du tribunal civil de Laval. L’ensemble est vendu aux enchères et acheté par le député Auguste Garnier, lui-même maître de forge.
Entre temps, un nouveau maître de forges, Louis Bigot avait pris la direction de l’usine en 1835. Il est à l’origine d’une transformation complète des forges et de son système d’exploitation. Elles étaient en mauvais état et en particulier la fenderie. Il abandonne le système traditionnel dit « Wallon » pour adopter le système moderne dit « Anglais ».
Le traité franco-anglais de libre échange signé en janvier 1860 donne le coup de grâce à cette industrie locale. La forge d’Aron travaille au ralenti en 1862 et cesse toute activité en 1864. Chailland ferme en 1862, Orthe et Moncor en 1870, Port-Brillet résiste jusqu’en 1882 puis se spécialise dans la seconde fusion.
La filature.
À la suite de la vente judiciaire des forges, débute une première période qui va durer une trentaine d’année (1865-1897) pendant laquelle la forge devient une filature de chanvre puis de coton avec une succession de 3 entrepreneurs.
En premier lieu, les ateliers sidérurgiques sont totalement démolis, seuls subsistent les aménagements hydrauliques, la maison du maître de forge et les maisons ouvrières. Le gros marteau et son enclume sont récupérés par Port-Brillet.
Le nombre d’habitants du quartier des forges qui avait chuté de 129 à 74 habitants au moment de la fermeture se redresse avec la nouvelle activité mais sans rattraper le niveau précédent.
Le coton remplace le chanvre. La filature profite certainement d’une conjoncture favorable pour l’activité cotonnière, qui est due à la perte de la région textile de l’Alsace annexée par l’Allemagne en 1871. Ventes et faillites se succèdent jusqu’à la reprise par Eugène Chantepie fils en 1897. La filature devient une manufacture de tissus élastique. Ce n’est pas une nouvelle création, mais un transfert d’activité industrielle de Mayenne sur Aron qui emploie environ 70 personnes.
La reprise après 1945 reste faible. Elle est rachetée en 1953 par M. Creste qui la modernise complètement et renoue des relations commerciales avec les stylistes et couturiers parisiens. Elle redevient prospère et retrouve son niveau ancien d’emplois.
Lors du décès de M. Creste en décembre 1970, l’entreprise est rachetée par Boussac-DMC qui la délocalise sur son usine de Flers. L’usine d’Aron ferme ses portes en 1971. La propriété est alors démantelée.
Le village ouvrier.
Il constitue un petit village séparé du bourg proprement dit. Encerclé par des murs et de l’eau, il a sa propre boulangerie, son propre lieu de culte avant le 19e siècle, et surtout ses habitants dépendent de l’usine où ils travaillent. La population varie au fil de l’alternance des périodes fastes avec la fermeture des forges puis de la filature.
Le combat d’Aron : 6 au 12 août 1944.
Le 6 août, quelques éclaireurs américains arrivent à Aron. Les drapeaux tricolores fleurissent aux fenêtres, et les aronnais ont la conviction que leur village est libéré mais l’arrière-garde allemande revient sur Aron vers midi pour y exercer son rôle de résistance et de protection. Le combat s’engage et le bourg est repris par les Allemands dans l’après-midi.
En soirée, les allemands décident de mettre le feu au bourg et à la scierie. Un duel d’artillerie s’engage. Entre temps, les américains avaient progressé au nord-est, et la 2ème DB du général Leclerc s’apprêtait à investir Alençon ; l’armée allemande risquait d’être encerclée et elle décide l’évacuation du bourg qui se termine le samedi 12 août.
Avec 31 victimes civiles, 50 foyers sinistrés, 9 fermes, l’église, le presbytère et l’école incendiés, cette petite commune est considérée comme la plus sinistrée du département.
La pause de midi a été l’occasion de visionner des films numérisés, tournés par M. Henri Hubert. Il s’agit du grand retour de Notre-Dame de Boulogne (1945), la pêche de l’étang de Beaucougray, la visite du nonce apostolique Mgr Roncalli et celle du général de Gaulle en 1946.
Le Château d’Aron
Lorsqu’en 1659 Madeleine de Souvré, veuve de Philippe de Laval-Bois Dauphin rend aveu au cardinal Mazarin, duc de Mayenne, le château d’Aron se présente sous la forme d’un corps de logis, d’une grosse tour, ainsi que de dépendances et jardins, le tout enfermé dans un double fossé en eau et de murailles, également en ruine.
Ce n’est qu’un manoir rural, un logis toutefois enclos de murailles et fossés. On peut supposer que ces fortifications datent de la guerre de cent ans mais que leur résistance au temps ou un manque d’entretien ont fait péricliter trois siècles après. Une montrée de 1654 précise que la tour, la plupart des dépendances ainsi que l’entrée sont en ruine et couverts de lierre. On estime d’ailleurs les bâtiments à leur valeur en tant que matériaux de réemploi, pierres de taille ou bois de charpente.
De tout ceci il nous reste la tour et l’emplacement de fossés.
A l’époque des documents mentionnés ci-dessus, la tour possède 3 niveaux desservis par un escalier à vis inscrit dans l’épaisseur de la muraille, le tout couvert d’une charpente et d’une toiture, soit :
- La cave,
- Une chambre au-dessus,
- Une chambre haute sous charpente.
Aujourd’hui, la dite cave est la salle basse, la charpente a disparu et la chambre haute se résume à la plateforme. Le tout a été sauvé par les travaux initiés en 1990.
Les archères sont orientées vers l’ancienne route de Jublains, l’escalier se développe du côté de la cour car la muraille s’en trouve affaiblie. Des traces d’arrachement ainsi qu’un arc de décharge indiquant un ancien accès sur la courtine, désignent l’emplacement de la muraille disparue.
Nous ne nous attarderons pas plus sur la tradition locale qui veut qu’Eugène Sue y ait écrit le Juif errant.
La mention de guérites dans la montrée, la comparaison avec d’autres édifices similaires ont permis à monsieur J.H. Bouflet, ancien architecte des bâtiments de France pour la Mayenne, de proposer des hypothèses de reconstitution de la tour (voir ci-contre) et de disposition des bâtiments.
Pour plus de renseignements, lire La tour d’Aron, par J.H. Bouflet, Mayenne archéologie histoire n° 18, pages 135 à 147, SAHM, 1995. Publication encore disponible au siège de la SAHM.
L’Église paroissiale
Avant de parler de l’église paroissiale, il faut mentionner la stèle gauloise qui a été trouvée dans les fondations de cet édifice et placée dans le jardin du presbytère.
L’ancienne église saint Martin a été détruite lors des combats de 1944.
Elle a été reconstruite en 1955 sur les plans de l’architecte Jean Guy Pierre. Le clocher est indépendant du vaisseau et à son sommet, la croix domine le coq. Les vitraux ont été réalisés par Maurice Rocher.
En 1961, est arrivée une tapisserie d’Aubusson dont les cartons sont de Frank Pilloton. Cette œuvre de grandes dimensions (11,65 x 1,30 m) retrace 8 épisodes de la vie de St Martin dont le soldat romain, le miracle de l’ours, le partage du manteau, la messe, le saint et les bûcherons, les oiseaux pêcheurs, l’enlèvement du corps de St Martin par les Tourangeaux.
La Chapelle Ste Anne
La chapelle Ste Anne de la Chicaudière pourrait avoir été érigée avant le 17e siècle. Le domaine de Sainte-Anne relevait de l’abbaye d’Évron et il fut vendu, avec la terre de Bourgon en 1768. On y invoquait Ste Anne contre les ravages de la grêle.
Elle a été restaurée en 1804, 1933 et 1979. La remise en état de l’autel et les peintures murales ont été l’objet d’un vœu de la paroisse au début de la guerre de 1914.
La restauration de 1933 a été inaugurée par monseigneur Grellier le 11 juin de cette même année.
Propriété de la famille Lair de la Motte, l’édifice a été donné à la commune.
En 1979, l’association pour la restauration du lieu organisa une foire à la criée en se référant aux usages anciens qui concernaient la croix de la Grésillière : grâce à l’argent procuré par cette vente, à divers dons et à la collaboration de bon nombre d’habitants, la chapelle a pu être entièrement restaurée. Il est toutefois regrettable que ces travaux aient fait disparaître les décors des murs peints en 1914.
Parmi les statues, on remarque une petite représentation de St Ortaire. Invoqué pour les rhumatismes et les « tortures » des membres inférieurs, saint Ortaire de Landelle est surtout présent dans le Cotentin. Également connu sous le nom de saint Ortaire de Dézert (près de Coutances), cet ermite y est né vers la fin du 5e siècle.
Fondateur d’un monastère dans la forêt d’Andaine près de Bagnoles-de-l’Orne, il serait mort en 580.
La chapelle de la cour des Oyères
La chapelle de la Cour des Oyères est mentionnée dans un aveu de 1725 mais elle est certainement plus ancienne bien que pratiquement reconstruite sur le même plan vers 1876 par M. Leblanc, juge de paix au Ribay et par son fils avocat à Mayenne.
A l’état d’abandon, elle est entièrement restaurée ainsi que son mobilier par M. Baglione suite aux interventions de la SAHM.
Elle est dédiée à St Grégoire le Grand, tout comme la chapelle de Crun, mais elle en a conservé la statue en bois polychrome du 17e siècle.
La tradition locale voulait que les jeunes filles désireuses de se marier rapidement piquent une aiguille dans le pied de la statue ; nous retrouvons la même pratique sur la statue de St Christophe à la Boissière. St Grégoire était aussi invoqué pour les fièvres paludéennes, fréquentes en ce secteur de marais.
Une autre statue attire les regards : il s’agit d’une Vierge en pierre polychrome du 15e siècle qui était à l’origine dans une boite. Là encore, on retrouve une tradition courante au travers de toutes les Vierges du Chêne ou du Châtaignier qui trouvaient refuge dans un arbre avant que les fidèles ne puissent leur bâtir une chapelle.
La prochaine évolution du site avec la démolition de toutes les dépendances laisse planer un doute quant à l’accès à la chapelle et à la sécurité du mobilier.