| L’origine d’ErnéeLa position excentrique de Charné par rapport à Ernée (même cas que Pritz à Laval et Saint-Martin à Montsûrs : site primitif/site castral du 11 è siècle) s’explique mieux en considérant le tracé d’une voie antique et la présence d’une occupation romaine.
Des voies antiques
Une voie antique Nord-Sud passe devant l’église de Charné. Son itinéraire : région de Mortain, région de Buais, Charné, près de Chailland, forêt de Concise à l’ouest de Saint Berthevin, puis plus au sud vers Astillé et la Ferrière-de-Flée. selon Albert Grenier, tradition d’un « chemin de Cocaigne » reliant le Cotentin à Saintes (Cocaigne = Gascogne). On constate plusieurs variantes d’un même itinéraire Nord-Sud dont on peut au moins dire qu’il relie le Cotentin à Angers. Il existe un autre tracé Nord-Sud à l’ouest d’Ernée qui rejoint la voie Avranches-Angers. Au sud de Charné, ces voies coupent la voie Jublains-Corseul.
Des sites romains
Des tuiles romaines ont été trouvées à Charné, mais ce site n’est pas isolé.
A la Boissière, une « villa » romaine a été partiellement fouillée en 1847, 1854, 1885-1887 et 1920. On y a trouvé des enduits peints incrustés de petits coquillages et en 1932, un dépôt de plus de 1200 monnaies : 6 bronzes du Haut-Empire, des antoniniani de Gordien III à Tétricus, un exemplaire de Probus (276-282) et des imitations.
Au Petit-Fay, dans un atelier de tuilier gallo-romain, on a retrouvé des tuiles à rebords collées et déformées par une surcuisson. Elles sont conservées au musée d’Ernée.
Sept autres sites sont répertoriés : les Rondellières, le Pont-de-Carelles (mur en petit appareil), le Grand Livray, la gare (peson en terre cuite et une dizaine de monnaies dont un Victorin), Vahais, la Contrie, Riparfond (grand nombre de monnaies romaines à l’emplacement d’un gué sur l’Ernée).
Hypothèse d’une agglomération secondaire gallo-romaine, malgré l’absence pour le moment de bâtiments publics ? Peut-être un vicus gouvernant un pagus diablinte à l’ouest de la Mayenne ? L’inscription de la borne de Châtillon montre que le territoire diablinte se continuait à l’Ouest de la Mayenne. Le nom ancien, Erneia, ne nous apprend rien puisque c’est celui de la rivière.
L’église de Charné
Il est fait pour la première fois en 1145 mention d’une église retirée de mains laïques et donnée au chapitre de la cathédrale du Mans par l’évêque Guillaume de Passavant. on a à faire à un édifice à transept (?) avec des reprises du 13 è (chapiteaux de la croisée, consoles) avec une influence normande (chevet plat, type des culots). Les fenêtres sont flamboyantes. La chapelle sud du 16 è donne sur le transept et sur le chœur. La chapelle nord a été construite ensuite.
La nef a été démolie en 1697 après la construction de l’église centrale d’Ernée pour éviter des revendications ou des concurrences. Désaffectée et menacée de destruction pendant la Révolution, elle est rachetée en 1808 par des fidèles (Anne Vauloup).
Des peintures murales Renaissance sont encore visibles dans le transept nord : une résurrection sur le mur est près de l’autel, ainsi que des tentures.
Le retable de la Vierge est daté 1606. C’est l’ancien retable du maître-autel, offert par le curé Jehan de Mégaudais (fils du seigneur de Pannard), et transféré dans le transept nord en 1860 à l’occasion d’une campagne de réfection du chœur. L’autel de marbre a été ajouté à ce moment. Ce retable se situe entre les œuvres de la Renaissance conservées à Hambers, à Vimarcé et au Horps et l’éclosion du retable lavallois vers 1630. Il est exactement contemporain du retable de Sainte-Anne (initialement Saint-Jérôme) à Saint-Vénérand. De 1580 à 1620, les retables se multiplient dans l’esprit de la Contre-Réforme : 2 à Avénières en 1580, 6 à Saint-Vénérand de 1600 à 1620, 1 au Horps en 1600, 1 à Saint-Denis-du-Maine en 1612, …
Le retable de Charné reste modeste dans son exécution : tuffeau, pas de marbre d’Argentré ou de Saint-Berthevin, alors que ce matériau est déjà largement employé à Laval. Le massif central est peu décoré. L’ensemble, selon Jacques Salbert, demeure encore renaissant. Néanmoins, les frontons rompus à enroulement encadrant le fronton central, les rinceaux de l’entablement, l’ébauche de guirlandes préfigurent déjà le retable lavallois.
Jacques Naveau |