Exposition histoires et perspectives de l’hôpital à Mayenne, par Bruno Lizée.
Installée dans la chapelle de la Visitation, l’exposition Histoires et perspectives de l’hôpital à Mayenne évoque les mille ans d’histoire des hôpitaux à Mayenne de 1063 à nos jours avec ses trois sites historiques. Le premier est celui de l’hôpital du Saint-Esprit, de sa fondation en 1063 par Guillaume le Bâtard, face au château, appuyé au vieux pont médiéval Notre Dame, à sa démolition en 1860 au moment de la transformation de la Mayenne en voie navigable. Ce dernier est remplacé trente mètres en amont en 1867 par le pont de l’Impératrice (nouveau pont Notre-Dame). Le couvent hospice de la Madeleine (1660 – 1760) devient l’hôpital général de la Madeleine (1780-1860), lui-même détruit pour la construction de la ligne de chemin de fer Laval-Caen. Le site de la Roche Gandon est acheté par les hospices civils pour reconstruire au bord de la nouvelle voie, la Nouvelle Traverse, un hôpital général et ses deux ailes d’hospice. Il est détruit par le bombardement du 9 juin 1944. S’y rajoute un hôpital d’aliénés en 1828 qui devient l’asile départemental en 1838 et dont la construction s’achève en 1854. Un plan superposant Mayenne en 1812 avec Mayenne en 1905 illustre ces emplacements. Du mobilier Renaissance venant de l’Hôtel-Dieu est prêté par le musée du château. De même la cloche Vincente du couvent de la Madeleine, fondue en 1721, a été restaurée pour cette exposition. Cette cloche, initialement au couvent hospice puis à l’hôpital de la Madeleine, rejoint une cloche de 1850, dans la chapelle du nouvel hôpital de la Roche Gandon ; la chapelle est bombardée le 9 juin 1944. Remisée depuis dans les réserves du musée, elle réapparait à cette occasion.
Deux structures distinguent les hôpitaux de Mayenne : l’asile d’aliénés local puis départemental et la construction originale de 1961 à 1976 d’un hôpital-village, témoin de l’expérience de la psychiatrie institutionnelle pour laquelle Mayenne a joué un rôle de leader et dont l’histoire reste à écrire. L’exposition d’objets médicaux essentiellement du 20e s. permet de mesurer le chemin et l’évolution des soins jusqu’aux prises en charge d’aujourd’hui dans l’hôpital moderne et fonctionnel de la Baudrairie.
Avant de quitter la chapelle de la Visitation, un circuit rapide dans le couvent devenu maison des associations (1999) a donné l’occasion à certains de découvrir le circuit imposé par l’organisation de la clôture monastique : chapelle des sœur, parloir, cellules, tour, réfectoire avec sa chaire de lecture, crypte d’inhumation. La rencontre avec l’association du Patrimoine du Pays de Mayenne, de ses locaux et de son musée sur l’ancien couvent nous ont conduits à la pierre de fondation du couvent des Capucins de 1606 reprise dans la construction du couvent de 1840.
Une incursion sur le site hospitalier a permis de voir cinq vitrages de Bernard Chardon dans la chapelle du bâtiment Leclerc, de suivre le tracé d’une partie du chemin montais (chemin de Ferrichard) jusqu’au mur vestige du logis de la Roche Gandon avec vue sur le moulin de 1876 au bord de la Mayenne et sur les bâtiments de l’asile.
Le temps maussade a fait préférer pour le pique-nique l’accueil de l’hôpital dans la salle de l’amicale derrière la façade des fourneaux économiques de 1891.
Déambulation dans la ville du 19e siècle, par Bruno Lizée.
L’après-midi, une mise en perspective de l’urbanisme du XIXe s. nous a fait emprunter la rue de Verdun, percée en 1853 à travers les jardins de l’hôtel Clinchamp pour rejoindre la Nouvelle traverse (rue Ambroise de Loré). Un constat : nous ne voyons pas de belles réalisations du XIXe s. comme à Laval ou Ernée mais beaucoup de grandes maisons bourgeoises avec vaste jardin et gloriette témoins de l’opulence de la ville à l’époque. Après être remontés jusqu’à la sous-préfecture (1844), nous voyons à l’ouest le bâtiment central de la caserne Mayran (1875) fermer la perspective ; vers l’est de chaque côté de la descente vers le pont neuf (1835) (pont Ambroise de Loré, pont d’Orléans, pont de la caisse d’épargne aujourd’hui Mac Raken) sont disposés une école similaire à celle de la rue Dupont Grandjardin (école puis musée puis bibliothèque), le magasin des pompes à incendie (1864), le Grand Hôtel (1840) et son annexe (1900) dite le Cercle républicain face à la Caisse d’épargne (1884), la plus ancienne du département.
Au-delà du pont (rue Roullois) l’hôpital de 1850 (détruit) est flanqué des fourneaux économiques (1891) et de l’hôpital militaire (1885) démoli depuis. Plus haut se sont construits dans la prolongation de la Nouvelle Traverse, l’école Jules Ferry (1900) et le vélodrome (1892). L’ouverture de la Nouvelle Traverse permet le passage de la RN 12 (route royale, nationale ou impériale selon les régimes) et le développement de la ville au nord ; l’hôpital se retrouve alors au cœur de la nouvelle ville.
La ville médiévale, par Jacques Naveau
Origine et développement de Mayenne
Depuis la cale face au château, les sociétaires ont pu mesurer l’importance de la rivière dans l’histoire urbaine de Mayenne. À 1,5 km au N., le gué de Saint-Léonard était emprunté par la voie antique Jublains-Avranches. Au Bas Empire, les premières traces d’occupation apparaissent à Mayenne même, à l’emplacement du futur château, en relation sans doute avec une voie menant à Jublains et avec le développement d’un nouveau gué. L’essor du site est illustré par la présence probable d’un atelier monétaire à l’époque mérovingienne et surtout par la mention d’une villa ecclésiastique, réquisitionnée par Charlemagne pour y installer un vassal puis restituée en 778 aux évêques du Mans. Peut-être est-ce à cette villa qu’appartiennent de gros trous de poteaux découverts lors des fouilles du château, témoignant de l’existence d’un premier bâtiment en bois.
Pour résister à la poussée bretonne, une Marche de Bretagne allant du Rennais au Vannetais est constituée en 753 mais elle ne suffit pas à contenir les raids de pillage qui culminent entre 840 et 870. Vers 860, une seconde marche doit être créée en retrait, du Maine à la Touraine. À la fin du 9e s., les Carolingiens peuvent s’appuyer sur le comte Roger qui est à l’origine de la dynastie seigneuriale mancelle. C’est à son fils Hugues Ier que l’on attribue la construction d’un palais en pierres à Mayenne, vers 900-920. Cette fondation, succédant au reflux breton, scelle la reprise en main de la frontière par les Carolingiens.
Le gardien de ce palais est un fonctionnaire révocable. Puis l’affaiblissement des pouvoirs royal et comtal permet, vers l’an 1000, la formation d’une seigneurie héréditaire. Des bourgs commencent à apparaître. Ils sont à l’origine de la ville qui s’organise le long d’un chemin E-O, désigné comme menant au Mont Saint-Michel dans un arrêt municipal de 1668. Le gué du Bas Empire fait place à un pont de pierre dans la deuxième moitié du 12e ou au 13e s.
Les travaux du 19e s. ont de profondes conséquences sur la structure urbaine. Un second pont est construit pour le passage de la nouvelle traverse (1835). Puis l’ancien pont est reconstruit une trentaine de mètres en amont (1868). Enfin, un viaduc métallique permet le passage de la voie ferrée départementale de Landivy (1902). Détruit en 1944, il est remplacé par le viaduc routier actuel en béton (1969).
En contournant le chevet de Notre-Dame, les sociétaires se rendent rue des Pescheries. Cette rue creuse, dominée par de hautes façades et par les murs de soutènement de jardins, occupe l’emplacement de la douve protégeant la ville du côté nord. Mayenne, curieusement, n’a jamais eu de rempart maçonné. Elle était néanmoins défendue par un fossé et, au sud, par des étangs aménagés sur un petit affluent de la Mayenne, le Danube. De plus, il existait quatre portes, deux empruntées par le chemin montais, une vers le nord-est et une vers le château.
L’église Notre-Dame
Une église est mentionnée avant la fin du 11e s. mais rien ne semble en subsister. La partie la plus ancienne du bâtiment actuel est la nef centrale, que le type de piliers à colonnes engagées, les chapiteaux et le portail occidental à arc brisé, segmentaire et chanfreiné permettent de situer à la fin du 12e ou au début du 13e s. Si les arcades latérales impliquent l’intention initiale d’ajouter des bas-côtés, ceux-ci n’ont été réalisés que beaucoup plus tard.
L’examen des piliers pose un curieux problème : la partie haute semble plus ancienne que la partie basse. La structure des piliers et la mouluration des soubassements sont très comparables à ce que l’on trouve vers 1200 dans la travée orientale de la nef d’Avesnières à Laval. Le type des chapiteaux, à feuillages schématiques, est compatible avec cette datation. En revanche, sur les bases, des amortissements pyramidaux, destinés à passer du plan circulaire de la base au plan rectangulaire du soubassement, appartiennent à un vocabulaire architectural bien connu au 16e s. S’il ne s’agit pas d’une exception locale précoce (mais dont nous connaissons l’équivalent à Bernières-sur-Mer, dans le Calvados), il faut supposer que ces bases ont été retaillées. La seconde hypothèse paraît la solution la plus probable à cette contradiction apparente.
Le transept a été ajouté au 16e s. Puis les bas-côtés, formant à l’extérieur deux files de pignons, ont été bâtis progressivement entre 1638 et 1688. Ils posent un nouveau problème : leurs fenêtres à remplages sont d’un type bien connu au 16e s. mais abandonné depuis longtemps en 1638. Heureusement, un mémoire de 1774 vient nous expliquer ce paradoxe : on a replacé dans ces bas-côtés des vitraux précieux qui ornaient la nef, et donc les fenestrages allant avec.
La dernière grande phase dans l’histoire complexe de ce monument très intéressant est la reconstruction totale du chœur, de 1868 à 1890.
De Notre-Dame à la Barre ducale
Il subsiste quelques témoins de l’habitat de la fin du Moyen Âge et du début du 16e s., notamment un bel ensemble en pierre au n° 54 de la rue du 130e RI. Il faut se méfier d’attribuer au Moyen Âge tous les pans de bois. Quand ils ne sont pas en encorbellement, ils correspondent à une reconstruction tardive de la façade (17e-19e s.), avec les mêmes matériaux ou seulement la même technique. En revanche, les murs pignons des maisons, perpendiculaires à la rue, peuvent garder la trace des encorbellements disparus et donc attester l’origine médiévale des maisons concernées.
La place de Hercé, d’origine médiévale, conserve un hôtel du 16e s. (Le Nicolais de Clinchamp). Après l’achat du duché de Mayenne par Mazarin (1654), son intendant Colbert a entrepris la construction de la Barre ducale (1656-1662), destinée à accueillir l’administration municipale et judiciaire et ayant abrité à diverses périodes d’autres offices (maître des Eaux et Forêts, contrôleur du grenier à sel, délégué de la généralité de Tours, prévôt de la maréchaussée).
Un cadran solaire et une méridienne ornent la façade (1783-1785).
La présence de cette administration a attiré un certain nombre de familles aristocratiques qui ont édifié leurs demeures, caractéristiques de l’architecture classique des 17e et 18e s., autour de la place dont le centre est orné d’une fontaine de 1683.