conférence du 28/2 sur la production des lames de haches

Produire des lames de haches en dolérite en Mayenne :
Le site de Beulin à Saint-Germain-le-Guillaume (Mayenne) dans son contexte régional.
par Gwenolé Kerdivel.

La communication du 28 février 2015 a porté sur la découverte récente de la carrière et de l’atelier de fabrication de lames de hache en dolérite de Beulin à Saint-Germain-le-Guillaume, datés du Néolithique (Kerdivel Torrado Alonso et al., 2011 ; Kerdivel Querré et al., 2011).
Cette découverte est d’abord à remettre dans le contexte plus large des matières premières qui composent les lames de haches de l’ouest de la France : les roches vertes communes y dominent, suivis des fibrolites et des pyroxénites. Parmi les premières, il faut observer la proportion notable d’une dolérite métamorphisée : la type A, mais aussi l’abondance de diverses autres dolérites, diorites, épidiorites, amphibolites, etc. (Cogné et Giot, 1952). L’éminent archéologue C.-T. Le Roux avait d’ailleurs noté depuis longtemps la très probable utilisation de roches locales par les Néolithiques (Le Roux, 1999 ; Fig. 55).

Front de taille 2Le site de Beulin est comparable à celui de Sélédin à Plussulien (22) découvert et fouillé dans les années 60 et 70 par C.T. Le Roux. Le site de Beulin est le deuxième de ce type et pour ce matériau reconnu sur le Massif armoricain. Il semble pour l’instant avoir été fréquenté du Néolithique moyen au Néolithique récent (4300-3500 BC), tranche chronologique d’ailleurs comparable à Plussulien. Toutefois, le début de l’exploitation a pu être plus ancien.
Les modalités d’extraction de la roche montrent l’utilisation de l’extraction pleine roche comme du choc thermique (feu sur la paroi puis jet d’eau pour faire éclater la roche) sans qu’il soit possible pour l’instant de distinguer une évolution chronologique de ces méthodes.

L’objectif était d’obtenir notamment des blocs dépassant la centaine de kilogrammes qui, une fois dégagés des fronts de taille, étaient taillés pour obtenir les supports nécessaires à la fabrication des lames de hache, probablement des éclats courts et très épais. L’extraction de roche s’accompagnait d’une exploitation de la forêt avec la recherche d’essences spécifiques et le stockage du bois au préalable (traces d’insectes xylophages). L’emploi de différents calibres de bois permet de supposer la recherche de montée rapide en température, ce qui va dans le sens d’une utilisation du choc thermique. De même, l’ouverture de la forêt entre les unités stratigraphiques (US) les plus profondes et les US les plus hautes du site permet de montrer que les Néolithiques ont largement prélevé dans leur environnement. Le filon n’a pas non plus été exploité au hasard, certains affleurements ont été abandonnés car impropres à l’extraction par exemple. Les fronts de tailles montrent les signes d’un élargissement des diaclases (fissures naturelles des roches) afin de dégager les blocs. Plusieurs indices attestent que la carrière à ciel ouvert est restée longuement en activité. Les outils de l’extraction en pierre sont peu variés : pics et percuteurs. On note toutefois des percuteurs en galets de grès provenant de la Mayenne (3,5 kg) et des percuteurs en dolérite pouvant peser plus de 15 kg ! Les objets façonnés (de la préforme à l’ébauche bien avancée) ont été retrouvés, mais ils sont encore à l’étude dans le cadre d’un Master 1 (Lucie Bénéteaud, Univ. Rennes 2).

Ebauche      Percuteurs d'extraction Pics d'extraction

Les résultats pétroarchéologiques montrent que les différences de métamorphisation restent caractéristiques entre les deux sites de Plussulien et de Beulin. La dolérite de Beulin se distingue aussi très bien du reste de l’ensemble mayennais. Plusieurs rapports entre éléments traces (géochimies) permettent par ailleurs de distinguer très bien Beulin de Plussulien, ouvrant ainsi des perspectives neuves quant à la diffusion de la dolérite. D’ailleurs, plusieurs haches de Touraine, correspondant aux groupes L1, L2 et L3 de C.-T. Le Roux, pourraient provenir de Mayenne, mais cela restera à vérifier (Le Roux et Cordier, 1974 et communication personnelle de Le Roux).

Circulation des matériaux 1                  Circulation des matériaux 2

L’existence de longues ébauches sur la commune de Saint-Germain-d’Anxure doit être rappelée sans que leur relation avec l’atelier de Beulin ne soit possible. De même, d’autres productions de lames de hache sont à soupçonner notamment en rhyolite et peut-être en dolérite de Quelaines-Saint-Gault.
La communication a aussi été l’occasion d’exposer quelques idées sur la place du Néolithique de Mayenne dans son contexte régional au travers de plusieurs paramètres (Kerdivel, 2012).

Pour aller plus loin :

COGNÉ J., GIOT P.-R. (1952) ‒ Étude pétrographique des haches polies de Bretagne. I, Bulletin de la Société préhistorique française, 49, 8, p. 388‑395.
KERDIVEL G. (2012) ‒ Entre Armorique et Normandie : lecture spatiale du Néolithique ancien et moyen dans l’Ouest de la France à partir de nouvelles données en Mayenne, Revue Archéologique de l’Ouest, 29, p. 89‑106.
KERDIVEL G., QUERRÉ G., et al. (2011) ‒ Exploitation de la dolérite dans le nord-ouest de la Mayenne au Néolithique : données préliminaires, Bulletin de la Société Géologique et Minéralogique de Bretagne, Série D, 9, p. 35‑51.
KERDIVEL G., TORRADO ALONSO A., LE GRAM (2011) ‒ Un site d’acquisition et de transformation de la dolérite du Néolithique dans le nord-ouest de la Mayenne, Bulletin de la Société Préhistorique Française, 108, 3, p. 565‑567.
LE ROUX C.-T. (1999) ‒L’outillage de pierre polie en métadolérite du type A. Les ateliers de Plussulien (Côtes-d’Armor) : production et diffusion au Néolithique dans la France de l’ouest et au-delà, Rennes, Association des Travaux du Laboratoire d’Anthropologie, (Travaux du Laboratoire, 43), 1999, 244 p.
LE ROUX C.-T., CORDIER G. (1974) ‒ Étude pétrographique des haches polies de Touraine, Bulletin de la Société préhistorique française. Études et travaux, 71, 1, p.p. 335‑354.

Gwenolé KERDIVEL, Les Ecoubrillons, 35210, Châtillon-en-Vendelais.
Courriel : gwenole.kerdivel0722@orange.fr
Site Internet : https://independent.academia.edu/GwenoléKERDIVEL

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