Pour cette activité de reprise, respectant les règles sanitaires en vigueur, 53 sociétaires ont répondu à l’invitation de se retrouver à La Chapelle-Rainsouin pour une journée bien remplie.
Pour cette première visite au château de Bailly, nous avons été accueillis et guidés par madame de Villette.
Sans aucune trace d’antiquité, le territoire de la Chapelle-Rainsouin est une conquête purement médiévale par défrichements circulaires successifs du bois des Vallons, portion de la forêt de Charnie. Il est sur un axe de Saint-Suzanne à Laval, lointainement relié à celui de Montsûrs à Vaiges qui passait au prieuré de la Ramée.
Le premier bourg médiéval de la Chapelle-Rainsouin n’était qu’un noyau central du bourg ceint de portions de douves en partie conservées qu’on peut encore observer et datant du 14e ou 15e s. La motte castrale était sise au bord de l’actuelle douve nord du château jusqu’à son portail, surmontée plus tard d’une fuie. Les fossés de la basse-cour se prolongeaient à l’est pour entourer l’église à nef unique, laissant une modeste place au bourg avec entrée sur un grand chemin de Laval à Saint-Suzanne. L’axe Montsûrs à Vaiges ignorait le bourg au profit du prieuré de la Ramée.
Après la Guerre de Cent ans, le château est relevé en 1472. Il ne comprend plus aujourd’hui que la base d’une tour en bord des douves quadrangulaires. Le manoir élevé par René de la Chapelle conserve quelques éléments, notamment une fenêtre à meneaux. Il est reconstruit une première fois au 17e s. par Nicolas Le Prestre, puis une seconde par la famille de Vaujuas-Langan en 1884, complétant le domaine par d’autres constructions après que les deux grandes routes d’Alençon à Sablé et de Mayenne à Sablé aient coupé les douves et recentré le bourg en périphérie de l’enceinte fortifiée.
La visite du prieuré de la Ramée a été commentée par Jean-René Ladurée.
Dans le cartulaire (factice) de l’abbaye d’Évron se trouve la charte de fondation du prieuré de la Ramée.
Il y est écrit qu’en 1211, Payen de Vaiges a donné le prieuré de la Ramée à l’abbaye d’Évron. Cette donation est faite afin que deux moines y prient « pour le salut des vivants et le repos des défunts » de la famille du donateur. Il s’agit donc d’une fondation seigneuriale qui semble indiquer que des bâtiments, et au moins la chapelle, existaient déjà. De plus, un document du cartulaire de La Couture mentionne que ce même Payen de Vaiges devait le cens à l’abbaye pour avoir fait construire sa chapelle vers 1200. Le nombre de moines mentionné dans la charte est conforme au décret du concile de Latran III en 1179 qui impose ce nombre minimal par prieuré. Si cette fondation parait tardive au regard des autres fondations de prieurés, il faut retenir qu’elle est liée à un don d’un seigneur local. Il faut noter que ce don est généreux puisque Payen deVaiges ne se limite pas à une chapelle, au moulin et au four mais donne également des revenus sur des cultures qui suffisent amplement à l’entretien des religieux. Il donne également aux moines d’Évron certains droits de justice donnant au prieur un rôle de juge ; le droit de haute justice étant réservé au seigneur.
Si La Ramée actuelle n’est plus qu’une ancienne ferme, le site répondait initialement, de par la composition du don, à tous les critères d’un prieuré « domum, hortos, viridarium, et plateas quae circa domum et circa capella sunt, vineam, et campum juxta ipsam vineam ».
Le schéma ci-contre [extrait de l’article de J-R Ladurée] a été réalisé à partir du cadastre. L’organisation se fait autour d’une cour carrée qui était peut-être protégée par une douve, en eau sur le cadastre du 19e siècle. La chapelle, transformée dès le 18e siècle en dépendance agricole était décorée de peintures du milieu du 13e siècle dont il ne reste que des vestiges. Ces derniers représentent, sur le mur sud, une représentation de tissus oriental et au pignon ouest, deux chevaliers en tournois, représentant l’affrontement du Bien et du Mal. Ces décors sont très altérés et continuent de souffrir du contact avec les fourrages. Un champ au chevet porte le nom de « cimetière ». Le chœur abrite un lavabo et un vaste autel en pierre calcaire que surmontent les quelques statues de bois qui n’ont pas été vendues dans le passé. Elles représentent un probable Thomas de Canterbury, patron de la chapelle, un Christ tenant le globe terrestre, un St François, un St Julien, seul bois polychrome qui pourrait dater du 17e siècle et un personnage non identifié mais rendu grotesque par le repeint.
L’actuelle maison d’habitation date du 15e siècle et a succédé au logis prieural. Des parcelles portent des noms évocateurs comme celle du « Grand jardin ». Ce dernier est accolé à une mare, probable vestige du vivier. Le verger et la vigne sont portés dans la carte de fondation. Le four à pain était près de l’angle nord-ouest de la maison et le moulin est situé à 1 km sur l’étang de la Ramée, réputé, avant son assèchement en 1850, pour avoir été le plus grand étang de la Mayenne.
A la motivation première et religieuse on peut ajouter à cette fondation des raisons politiques et économiques ; installation de métairies, de bordages, issus de défrichements et dont le nom actuel a conservé le patronyme de la famille qui l’exploitait. Le nom même de la Ramée, venant du nom latin signifiant « branche », est un indice indiquant un défrichement.
Pour nos lecteurs désireux d’en savoir plus, consulter Le prieuré de la Ramée dépendant de l’abbaye d’Évron : un prieuré rural exemplaire par Jean-René Ladurée dans les Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 2006, mais aussi sur https://journals.openedition.org/abpo/777?file=1
Visite de l’église paroissiale Saint-Sixte par Monique Guéguen.
L’église reste le témoignage essentiel de l’ancienne « ville » médiévale que fut La Chapelle-Rainsouin, enfermée dans son enceinte. Elle est très riche et conserve de nombreuses œuvres de qualité certaine. Mentionnée dans le cartulaire d’Evron en 1125, elle conserve sur le flanc méridional une petite baie romane en grès roussard. Elle se compose alors d’une nef avec voûte de bois en carène renversée et d’un petit chœur qui fut allongé aux 13e ou au 14e (contrefort à glacis). A partir de la fin du 15e et jusqu’à la séparation de l’Église et de l’État, chaque famille seigneuriale s’ingénie à y laisser une forte empreinte. Les seigneurs René, son fils Olivier de la Chapelle et la femme de ce dernier Arthuse de Melun sont les porteurs de la transition du gothique à la Renaissance en Mayenne, entreprenant une longue campagne d’agrandissement et de restauration (1480-1526). Au côté nord, est accolée une grande chapelle, dite de Monfronchet destinée à être la chapelle funéraire de la famille. Elle communique par deux arcades avec le chœur et une seule avec la nef. Les colonnes sont très ornées, décorées de tresse, rosettes, petites arcades, coquilles, fleurons, trilobes… finement sculptés. A noter la colonne engagée, torsadée, enrichie d’arcatures flamboyantes. Les retombées d’arcs sont animées de personnages et feuillages. Le troisième offre un rieur homme sauvage armé d’un bâton. Au nord, une fenêtre gothique dans laquelle sont conservés des fragments de vitraux du 16e : Nativité, bergers, anges avec phylactère. Sur le mur Est sont présentées les plates-tombes des tombeaux qu’Arthuse de Melun a fait graver pour elle et son mari en 1522. Elles reposaient auparavant au sol, portées par quatre lions. La technique est celle d’une gravure incrustée de poix noire et rouge donnant un aspect inhabituel. Olivier est en armure à la mode du temps de Louis XI et sa femme en veuve entourée de six pleureuses aux attitudes variées. Sur le mur en face, un autel-retable en calcaire sculpté dédié à Notre-Dame de Pitié repose sur un plan triangulaire. La partie supérieure s’incurve en dais. Réalisé par Germain Duval qu’Arthuse de Melun a beaucoup fait travailler, il est daté du premier quart de 16es. Aux murs nombreuses petites statues de fin 15e, début 16e commandées par Arthuse : Saint-Sixte, Saint- Denis (en souvenir de son père décapité par Louis XI), Sainte- Marguerite, Saint- Julien de Brioude (en mémoire de son fils Julien mort à 17 ans), Sainte Barbe. Dans une petite chapelle annexe à la voûte en ogives et liernes prismatiques qui se terminent par des angelots portant les instruments de la Passion s’abrite une Mise au tombeau en pierre polychrome. Autour de Jésus mort étendu sur son linceul se recueillent sept personnages aux habits bordés d’orfrois. La date de 1522 est visible sur le manteau de Marie Jacobé.
En face de cette chapelle nord se trouve la chapelle du château destinée à recevoir les membres de la famille seigneuriale pour les offices et dont Arthuse est la commanditaire pendant son veuvage. Elle est dédiée à saint Julien de Brioude. Elle ouvre sur le chœur par un arc en anse à panier. Il se trouve une belle clé de voûte en étoile aux armes des deux familles et une croisée d’ogives à liernes transversales s’élève légèrement. En 1506, la voûte de la nef est entièrement refaite avec entraits et poinçons moulurés.
Le 18e est marqué par l’œuvre de la famille Leprestres devenue propriétaire. Désireuse de moderniser le chœur elle fait murer la baie gothique du chevet pour placer un retable. En 1701, l’architecte et sculpteur François Trouillard de Château-Gontier en est l’auteur et réalise le maître-autel en un an. C’est un retable de style angevin ; les lavallois sont en décadence mais il en a conservé la nature des matériaux et la répartition horizontale en trois parties. Par contre la décoration est moins foisonnante et il n’y a pas de second étage latéral à niches, mais simplement des médaillons. Les armes des seigneurs y sont représentées de manière très visible. Les statues en terre cuite représentent Saint-Sixte, Saint Mammès et Saint Pierre. A l’entrée du chœur un retable est dédié à Saint-Sébastien avec une statue de Saint-Etienne et l’autre à Sainte-Anne apprenant à lire à Marie. En 1779, les autels sont repeints en blanc de céruse et colle fine, les murs sont entièrement blanchis à la chaux.
Les châtelains des 19e et 20e, la famille Treton de Vaujuas Langan, remanient l’église et mettent leurs armoiries à l’extérieur. Les lambris des voûtes sont refaits et décorés. Les murs de la nef et des chapelles sont repeints, profitant ainsi de faire réapparaître une partie la frise noire de la litre funéraire. L’arc triomphal est surélevé et rénové à la fin du 19e, sans doute au moment de réfection des lambris en 1898. Elle présente un Christ en croix accompagné de sa mère et de Saint Jean. L’entrait est décoré d’un dragon vomissant par deux gueules. Le peintre verrier Auguste Alleaume a réalisé quelques verrières dans le premier quart du 20e dans la chapelle Sud, le long de la nef, le mur d’entrée… Une tour-clocher est élevée et la façade principale est refaite dans un style néo-gothique.
Nous adressons nos plus vifs remerciements aux propriétaires du château de Bailly ainsi qu’à ceux du Prieuré pour nous avoir aimablement autorisés ces visites de lieux privés.