Le samedi 14 Novembre 2009 |
« La chouannerie de 1832 dans le Maine et sa répression. »
Par M. Charles Antoine CARDOT, maître de conférence honoraire des facultés de Droit. Compte-rendu : Stéphane Hiland |
La prise de pouvoir de Louis-Philippe Ier, à l’issue de la révolution de 1830 qui voit l’établissement d’un régime monarchique constitutionnel, va raviver les cendres de la résistance légitimiste dans l’ouest de la France et notamment en Mayenne. Les partisans du jeune duc de Chambord (que les légitimistes nomment Henri V) s’organisent en prévision du déclenchement d’un mouvement insurrectionnel. Dans les campagnes, capitaines de paroisses et chefs de division s’échinent à recréer l’organisation de troupes armées sur le modèle des chouanneries de 1799 et 1815. On trouve d’ailleurs parmi eux d’anciennes figures chouannes comme Pierre Gaullier, fils du célèbre « Grand-Pierre », ou des aristocrates partisans des Bourbons comme Arsène de Pignerolle, maire de Laval sous la Restauration. Le débarquement clandestin en Vendée de la duchesse de Berry, mère du comte de Chambord et icône de la résistance légitimiste, va précipiter les événements. Ordre est donné aux chouans de prendre les armes dans la nuit du 23 au 24 mai 1832. Mais le comité royaliste de Paris, qui rechigne à provoquer une nouvelle guerre civile, parvient à convaincre le maréchal de Bourmont de faire diffuser un contrordre qui stoppe toutes les opérations militaires. Néanmoins, le sud-Mayenne sera agitée par des combats. Le 26 mai, dans les allées du château de Chasnay à Grez-en-Bouëre, un détachement du 31ème régiment de ligne, venu de Château-Gontier, se heurte à la garde du général Clouet qui commande les chouans de la rive droite de la Loire. Ce dernier parvient à s’enfuir à l’issue d’une fusillade qui fait 3 morts chez les soldats gouvernementaux et 2 chez les chouans. S’en suit dans le courant du mois de juin, une vague d’arrestations qui va jeter en prison les individus suspectés d’avoir participé à cette insurrection avortée. En vertu de l’état de siège, décrété également en raison des émeutes républicaines qui agitent la capitale, des conseils de guerre sont mis sur pied, mais leur installation ne se fait pas sans heurts. Le 11 juin, les magistrats du tribunal de Laval refusent de se dessaisir des dossiers d’inculpation des chouans. Néanmoins, malgré cet acte de protestation, des condamnations à mort, notamment celle du journaliste pamphlétaire Tharin, sont proclamées. Mais ces sentences ne seront pas exécutées car la cour de cassation prendra un arrêt invalidant la création des conseils de guerre comme anticonstitutionnelle. Dès lors, à l’automne 1832, les juridictions civiles peuvent commencer à instruire les procès des insurgés. Afin de soustraire ces derniers à la vindicte de l’opinion publique, les assises se déroulent généralement loin des lieux d’exaction des chouans. Ainsi, en décembre 1832, ce sont 104 chouans sarthois qui passent en jugement à Orléans. Le jury se montrera particulièrement clément en ne condamnant que 7 individus à des peines d’emprisonnement ou à la déportation et en acquittant un grand nombre de roturiers issus pour la plupart du monde agricole ou artisanal. L’amnistie générale proclamée en 1837 viendra mettre un terme aux suites judiciaires données à cette dernière chouannerie. Aujourd’hui, il reste encore beaucoup à apprendre sur ce soulèvement de 1832 et la consultation des archives judiciaires ou de la presse de l’époque permet d’aller bien au delà du mythe romantique née autour des récits de l’épopée de la duchesse de Berry.
Légende image: La duchesse de Berry, égérie de l’insurrection de 1832, Le château de Chasnay à Grez-en-Bouëre et le maréchal de Bourmont, chef militaire de l’insurrection de 1832. |