l’excursion du 29 septembre 2019 –
LA VIEILLE VILLE DU MANS, sous la conduite de Jacques Naveau
Par une journée franchement automnale et humide, le groupe de la SAHM a bravement débuté la visite du Mans en longeant la muraille romaine côté Sarthe. Née à l’époque d’Auguste, la ville de Vindinum s’est développée de part et d’autre du ruisseau d’Isaac, parallèle à la rivière et séparé d’elle par un éperon allongé, haut de 30 m. À la fin du 3e s., l’agglomération s’est concentrée sur cet éperon, devenu un castrum entouré par le mieux conservé des remparts du Bas Empire.
Cette muraille est célèbre par son décor, organisé en bandes horizontales séparées par des cordons de briques. Les motifs variés (chevrons, losanges, triangles, lignes obliques, cercles ponctués…) sont dessinés à l’aide de moellons de calcaire blanc sur un fond de grès ferrugineux rouge. Si le cas n’est pas unique (Nantes, Rennes, Sens, Cologne…), Le Mans constitue l’exemple le plus remarquable d’un décor montrant que les murailles du Bas Empire ne sont pas seulement des ouvrages militaires, mais peut-être avant tout des ouvrages de prestige qui remettent en questionl’idée traditionnelle de la « décadence » de l’empire romain.
En franchissant une poterne romaine, on pénètre au cœur de la ville médiévale, particulièrement riche en patrimoine des 15e au 17e s. Les maisons à pans de bois comportant un pilier d’angle orné constituent une spécificité locale au 16e s. Les symboles sculptés sur le pilier jouent le rôle d’enseigne et font référence à la profession de l’occupant ou au nom de la maison.
Les restes du palais des comtes du Maine, grandement modifié aux 18e et 19e s., rappellent l’importance stratégique de la seigneurie. Né à la fin de l’Antiquité de la fusion des cités des Cénomans et des Diablintes, le Maine a joué un rôle crucial face à l’expansion bretonne à l’époque carolingienne. De la dynastie comtale apparue à l’issue de ce conflit, est issue la branche des Plantagenêts qui s’est constitué, dans la seconde moitié du 12e s., un vaste domaine allant du royaume d’Angleterre à l’Aquitaine en passant par la Normandie et le Maine.
Rue de la Reine Bérengère, une série de maisons à pans de bois plus anciennes que celles à pilier est remarquable par la qualité et l’abondance du décor sculpté. De là on parvient à la cathédrale, encadrée par un ensemble de maisons canoniales, essentiellement du 16e s., où s’illustre le triomphe de la Renaissance italienne.
Après la pause du midi, la visite s’est poursuivie à la cathédrale, en s’adaptant aux conditions inattendues liées à la répétition d’une grande chorale. L’édifice actuel résulte de quatre phases de travaux. Les murs des bas-côtés, la façade et la base du transept appartiennent à la cathédrale romane, édifiée de 1080 à 1120. Après des incendies, la nef a été dotée de voûtes bombées de type angevin, au prix d’une reprise des piliers et des arcs et de la reconstruction de la partie haute des murs. Cette phase de transition entre le roman et le gothique (1140-1158) comprend aussi la construction d’un porche latéral dont la sculpture s’inspire du porche royal chartrain.La troisième phase voit l’élévation, de 1220 à 1254, d’un splendide chœur gothique de type français, mais conservant des caractères régionaux, en particulier un décor sculpté normand comparable à ceux de Coutances ou du cloître du Mont Saint-Michel. Enfin, le transept est reconstruit entre 1385 et 1430, d’abord la branche sud, puis la branche nord, partiellement financée par Charles VII qui est représenté sur le grand vitrail du pignon.
À cette richesse architecturale, s’ajoute celle des vitraux, où se distinguent les verrières romanes de l’Ascension et du Jugement dernier réalisées vers 1120 et conservées dans le bas-côté sud. Le chœur est entièrement orné de vitraux du 13e s. parmi lesquels les Mayennais ont pu découvrir la lancette offerte par un abbé d’Évron vers 1255 et racontant la légende du Pèlerin.
Enfin la sculpture est représentée notamment par le tombeau de Guillaume Langey du Bellay (1543), homme de guerre et diplomate dont l’enterrement a occasionné la rencontre entre Pierre Ronsard, Joachim du Bellay et Jacques Peletier, initiateurs de la Pléiade. Parmi les terres cuites polychromes de Charles Hoyau, les excursionnistes ont pu admirer la célèbre Sainte Cécile (1633).
La visite s’est terminée dans l’église abbatiale de la Couture, dont l’histoire architecturale rejoint partiellement celle de la cathédrale puisque l’on y retrouve les deux premières phases : une phase romane à la fin du 11e s. et l’ajout de voûtes angevines au milieu du 12e s., entraînant la construction de supports plus solides. Mais la comparaison s’arrête là car la Couture a une nef unique. D’autre part, elle a conservé son chœur roman, construit sur une crypte qui réutilise des matériaux (colonnes, chapiteaux) des églises antérieures. Parmi les œuvres mobilières, la Renaissance est à nouveau bien représentée par deux tableaux et une Vierge de Germain Pilon (1570).
Commentaires : J. Naveau – Photos : M. Fleury