Splendeur de l’enluminure, le roi René et les livres
Excursion du 05 décembre 2009
Présentation de l’exposition par madame Dominique Richou de la Bibliothèque Municipale d’Angers
Compte-rendu par Bertrand Béranger
Nous n’étions que 18 à avoir affronté le mauvais temps ce qui fait que nous avons profité pleinement des commentaires très avisés de madame Dominique Richou. Il faut dire qu’elle a eu la grande chance de participer activement à la préparation de cette exposition. Ce n’est pas si souvent que l’on a l’occasion de voir des ouvrages d’une aussi grande qualité de la fin du Moyen-Age venant de toutes les parties du monde. Rappelons que ceux qui nous ont été présentés datent du milieu du XV ème siècle, époque à laquelle Gutenberg met au point la technique de l’imprimerie. Dommage pour ceux qui n’ont pas pu (ou voulu) venir, il leur reste encore une chance puisque cette exposition est visible jusqu’au 03 janvier 2010. Dommage aussi pour ceux qui étaient présents car ils n’ont pas pu profiter plus longtemps de cette dernière, le château d’Angers fermant à 17 h 15.
A suivre des extraits du journal de l’exposition, là, pas de commentaires à faire.
« La légende s’est vite emparée de la figure du « bon roi René » brodant notamment sur la passion du roi pour les livres enluminés. Dès les années qui suivent sa mort (1480), le bruit se répand qu’à son statut d’écrivain, il alliait un don certain pour la peinture. D’auteur et de peintre, René fut bientôt présenté comme enlumineur et collectionneur de livres. Ses écrits et quelques-uns de ses manuscrits seulement ont suffi pour donner crédit à la légende. Depuis le Moyen-Age, son célèbre Livre des tournois, copié de siècle en siècle, est l’œuvre emblématique de cette collection.
En rassemblant les manuscrits créés pour le roi René, l’exposition souhaite montrer la richesse d’une bibliothèque princière du Moyen-Age et faire comprendre toute l’originalité des liens entre le roi et ses enlumineurs. Les livres du souverain ne sont pas restés sans écho sur ceux de ses proches parents. Aussi, les plus beaux d’entre eux sont-ils exposés à la suite de ceux du roi.
Le roi René et les livres
Le goût pour les lettres et les livres naît rarement de façon spontanée. Le roi René s’inscrit dans la tradition familiale de ses grands-oncles, Charles V, roi de France, et Jean de Berry, mais aussi de sa mère Yolande d’Aragon, acquéreur des Belles heures du duc de Berry à la mort de ce prince. Le roi René avait sans doute hérité des livres de ses prédécesseurs les ducs d’Anjou, de Bar et de Lorraine. Les premiers livres créés pour lui datent de son avènement au duché d’Anjou et au royaume de Sicile dans la deuxième moitié des années 1430. Dès ces premières commandes, se dessinent certains traits essentiels des pratiques bibliophiles du roi : son recours à des artistes locaux mais aussi une personnalisation très forte de l’illustration de ses livres. Cependant, le mécénat bibliophile du roi semble n’avoir pris toute son ampleur et son originalité qu’aux environs des années 1450, principalement à partir de 1455. L’absence totale d’ex-libris (vignette que les bibliophiles collent aux revers des reliures et qui porte leur nom ou leur devise) et le très petit nombre d’exemplaire portant ses armoiries ou ses emblèmes rendent cependant difficiles la reconstitution de sa bibliothèque. On peut considérer que le roi posséda un minimum de deux cents livres (manuscrits et incunables), dont un tiers peut-être étaient enluminés.
Les livres du roi dans la vie de la cour
La bibliothèque de René avait un caractère encyclopédique. Le roi fait de sa cour un véritable foyer de création littéraire et artistique, favorisant la traduction précoce d’œuvres italiennes ou humanistes, et encourageant l’éclosion d’un art qui préfère la nuance et la finesse allusive au trait appuyé, non sans parfois un discret humour. Objet rare et précieux, le livre est également un cadeau apprécié. A côté des manuscrits de grand luxe en provenance d’Italie, véritables présents diplomatiques ou symboles politiques, le Regimen de l’âme ou le Psautier de Mayence illustrent les échangent de livres existant entre le prince et ses proches. Dans ces ouvrages plus modestes, qualité de la calligraphie ou nouveauté technique de l’imprimerie compensent la faiblesse de l’illustration. L’esthétique des livres est si goûtée que l’enluminure envahit même les chartes liées à la permanence de la vie féodale (aveu, anoblissement, …).
Le roi René et Barthélémy d’Eyck
La passion du roi rené pour le livre à peintures se révèle dans un cadre plus intime, particulièrement dans les œuvres du Maître du cœur d’amour épris ou Maître du roi René, communément identifié avec Barthélémy d’Eyck. Le roi René s’est attaché très tôt les services de cet artiste exceptionnelle, probable parent des frères Van Eyck. il en fait un de ses proches familiers et l’installe à peindre près de ses appartements dans ses châteaux d’Angers et de Tarascon. Barthélémy d’Eyck est un artiste polyvalent. Ses œuvre les plus nombreuses, peintes sur papier ou parchemin, parfois à l’aquarelle, ornent des manuscrits. Les deux livres d’heure qu’il enrichit ou qu’il exécute entièrement pour le roi sont bien révélateurs de son génie et de son aptitude à créer des images nouvelles et de nouveaux emblèmes. Il copie et réintègre également des œuvres chères au souverain. A travers ces créations s’expriment son talent de portraitiste et sa technique picturale spécifique, qui allie le procédé du pointillisme et celui des petites hachures juxtaposées.
Le roi René écrivain
Comme son cousin Charles d’Orléans, le roi René fut un écrivain de valeur. Abordant des genres variés, il est l’auteur de quelques poèmes et trois œuvres importantes : Le mortifiement de vaine plaisance (1455), Le livre du cœur d’amour épris (1457) puis Le livre des tournois (1462-1465). La complainte sur les malheurs du cœur, que tourmente la quête de l’amour ou des plaisirs, ouvre les deux premiers récits qui s’achèvent par le renoncement au monde. Dans Le livre des tournois, le roi cherche à fixer le rituel des tournois accordant une attention très grande à leurs préparatifs. Ceux-ci sont l’occasion de vérifier l’honneur des nobles et de codifier les valeurs chevaleresques et courtoises. Foisonnantes de détails, d’allégories et de personnifications, ces œuvres se prêtent bien à la création de nouvelles images dont le roi confie l’exécution à Barthélémy d’Eyck.
Les livres de Charles d’Anjou, comte du Maine
Les proches parents du roi René ont partagé son amour des livres. Charles manifeste un goût réel pour les textes rares. Comme son frère, il sollicite aussi de ses peintres la création de nouveaux cycles d’images. Il recourt à un peintre angevin apprécié de son frère, le Maître du Boccace de Genève.
Jeanne de Laval, une reine et ses livres
La seconde épouse du roi René, Jeanne de Laval, se distingue comme une princesse lettrée au rôle culturel réel. Dès son mariage en 1454, elle multiplie les commandes de livres auprès des ateliers de copistes, de peintres et de relieurs d’Anjou ou de Provence à qui elle confie notamment la réalisation de son psautier. Très attachée à ses livres, elle y fait peindre systématiquement ses armoiries ou les emblèmes de son amour conjugal comme le couple de tourterelle sur une branche de groseillier. Sa collection montre un partage assez équilibré entre œuvres religieuses et profanes. »
Extraits du journal de l’exposition « Splendeur de l’enluminure, le roi René et les livres »
Il existe un catalogue de l’exposition : « Splendeur de l’enluminure. Le roi René et les livres » sous la direction de Marc-Edouard Gautier, conservateur à la Bibliothèque municipale d’Angers avec les conseils scientifiques de François Avril, conservateur général à la Bibliothèque nationale de France. |