Excursion du 30 juin : Quelques églises du Nord-Mayenne décorées par le Père Chardon.

Né en 1927 dans l’Orne, Bernard Chardon qui peint depuis l’âge de 16 ans entre au séminaire de Laval avec ses pinceaux.  Il étudie la peinture avec André Bouler, ami de Le Corbusier. Il prend souvent son inspiration des œuvres de Chagall, Gauguin, Matisse ou Picasso mais il est également influencé par des artistes chinois du 17e siècle. Prêtre, instituteur et peintre-céramiste, le Père Chardon a réalisé des « vitrages » dans plus de 70 églises et chapelles en France et à l’étranger. Il vit actuellement sur la commune de Thubœuf.


L’église Notre-Dame du Ham n’est vraiment pas mise en valeur par l’abbé Angot qui la qualifie d’insignifiante dans toutes ses parties mais en assez bon état en 1802 et cite Pierre-François Davelu qui au 18e siècle la décrit comme assez mal en tout, fort pauvre et mal ornée.

Le Ham (1)

La légende, selon un thème bien connu, veut que la construction primitive ait été prévue sur un autre site, la Rousselière, où il y a de l’eau. Le travail accompli le jour était anéanti la nuit et un matin, un ruisseau apparait dans le bourg : la Vierge en avait tracé le lit pendant la nuit avec sa quenouille, exprimant ainsi sa volonté de voir le sanctuaire au cœur du village….

Mentionnée au 11e siècle comme appartenant à Guillaume de Doucelles qui la tient par dot de son épouse, elle est donnée à l’abbaye bénédictine de Saint-Vincent du Mans.

A l’extérieur, le mur nord de la nef présente encore trois ouvertures romanes et, près de la chapelle formant transept (non datée), une fenêtre en arc brisé ouverte au 15e siècle. La chapelle sud a été construite en 1576 par le curé de Sillé-le-Guillaume, Jean Rabineau ; l’arc de communication avec la croisée de transept présente un décor caractéristique de la seconde Renaissance (Henri II). La tour-clocher est construite en 1868 par un architecte de Javron, Pierre-Jean Dromer.

Le Ham, église - MF (8)Nommé curé du Ham, le Père Chardon entreprend la remise en état de l’église en 1962 avec des bénévoles de la commune. : les vitrages sont posés en 1962, les carreaux de céramique du sol en 1978 et les fresques réalisées en 1974. Bernard Chardon crée ses vitrages avec des pigments de synthèse sur une base de résine polyester armée

Le Ham, église - MF (5)

Peut-être en raison de ses couleurs, le retable du maître autel du 18e accueille facilement le tableau central et les statues sculptées par Alain Legros en 1987. Pour cette Crucifixion ainsi que les tableaux des autels secondaires qui représentent l’Annonciation et la Nativité, Bernard Chardon s’est inspiré de Chagall.

Les vitrages abstraits de la nef contrastent avec ceux des chapelles et du chœur qui abordent le thème de l’eau dans la chapelle de gauche et celui du feu dans le chœur. Une Résurrection éclaire chichement les fonts baptismaux dans le narthex. D’une manière générale, ses vitrages sont un mode d’expression intéressant et un palliatif de choix pour les édifices dont les vitraux ont disparu. Par contre, ils ne laissent pas beaucoup passer la lumière.Le Ham, église - MF (13)

L’église du Ham est un très bon exemple de travail bénévole mais aussi de combinaison heureuses de réalisations anciennes et contemporaines.


L’église Saint-Joseph du Ribay est une réalisation de l’architecte Pierre Hawke commencée en 1881 et terminée en 1883. Les dalles funéraires de l’ancienne église ont servi à consolider les fondations au chevet du nouvel édifice. Il a remplacé une église dédiée à saint Ouen, entourée par le cimetière. Ce dernier a été transféré en 1849.

Le Père Chardon, un entrepreneur de maçonnerie et des habitants, tous bénévoles, ont remis l’édifice en état en 1985. La moitié gauche de l’édifice abrite des vitrages, la droite des vitraux contemporains. Contrairement à ceux de l’église précédente, les vitrages sont figuratifs : St Mathieu, Ste Thérèse d’Avila, le baptême du Christ, apparitions de Lourdes et de Pontmain. Dans la moitié droite, les vitraux réalisés par Maurice Bordereau, peintre-vitrailliste à Angers, datent de 1943 ; ils représentent St Ouen, St Alphonse de Liguori, Ste Anne, St Clément, N-D. des 3 Ave Maria et N-D. de Pitié.

Le Ribay, église - MF (15)

Il ne reste qu’un vitrail de l’église du 19e siècle aux armes de monseigneur le Hardy du Marais.

Devant la table de communion, les céramiques du sol, réalisées par Bernard Chardon, sont ornées de l’Arche de Noë et de l’Échelle de Jacob. Il est également l’auteur du chemin de croix en céramique.

Comme au Ham mais à moindre échelle, la base des murs est décorée de dessins tracés dans la masse de l’enduit. L’autel est orné de bas-reliefs représentant des scènes bibliques et des allégories.


L’église de Saint-Julien-du-Terroux est sous le vocable de St Julien. L’ancienne église probablement consacrée à St Julien de Brioude a laissé la place à un édifice néo-gothique dédié à St Julien du Mans. L’architecte Dromer (voir le Ham) fait l’état des lieux de l’ancien édifice : « Toute réparation partielle est impossible, inutile d’y songer » puis « C’est la plus triste des vieilles églises que j’ai vues ; et si l’on veut éviter un danger imminent, éboulement général ou partiel qui pourrait ensevelir sous les décombres beaucoup de monde, il n’y a pas à hésiter pour en interdire l’usage et faire au plus tôt une baraque en attendant une nouvelle église ».

Commencé en 1878, l’édifice actuel est ouvert au culte en 1881 mais des restaurations ont déjà été entreprises dès 1920. Des sections de dalles funéraires sont réemployées dans les contreforts.Saint Julien du Terroux, église (15)Dans la chapelle du transept sud, une statue de St Julien en bois, inscrite à l’inventaire, occupe la niche du retable. C’est encore St Julien du Mans que l’on retrouve sur le vitrail central du chœur avec la scène du miracle de la source ; c’est une création d’Eugène Hucher, maître verrier associé au Carmel du Mans (milieu 19e s.). Ce thème est repris par Bernard Chardon dans un vitrage du chœur avec celui de la parabole des Dix Vierges.

Dans la chapelle du transept nord, une plaque à la mémoire de René Antoine Ferchault, seigneur de Réaumur a remplacé en 1894 la dalle de marbre qui recouvrait sa sépulture, détruite avec l’ancienne église. Physicien et naturaliste, Réaumur est surtout connu pour ses travaux sur le thermomètre et sur l’acier. Inventeur de la porcelaine de Réaumur, Il est aussi l’auteur d’un Mémoires pour servir à l’histoire des insectes. Le château de la Bermondière est vendu en 1736 à Pierre de Jarosson, avocat au parlement, écuyer et conseiller du roi, qui le fait reconstruire en 1742. Réaumur en devient propriétaire comme légataire universel au décès de Jarosson. C’est en revenant de la messe qu’il fait une chute de cheval et décède le 17 octobre 1757. Avant d’abandonner le dépôt d’aviation qui était installé à proximité, les allemands incendient le château en 1944.


Des églises qui ont été l’objet de nos visites, Saint-Martin de Thubœuf est celle qui abrite le plus de mobilier ancien. Par contraste, c’est également celle où les œuvres du Père Chardon sont les plus discrètes : la Cène du devant d’autel et l’ambon en céramiques.

La nef peut être datée du 11e siècle avec son appareil en épis et la petite fenêtre romane au nord. Le chevet est probablement reconstruit au 13e siècle. Plusieurs dalles funéraires sont encore incorporées au sol ou réemployées comme marches. On pénètre dans l’église en passant sous la niche qui abrite une intéressante Charité de Saint Martin en pierre polychrome. Les chapelles du 16e ou du 17e siècle abritent des retables de 1702 comme l’autel du Rosaire. Le maître-autel met en valeur un tableau de l’Ascension. On remarque les fonts baptismaux abrités sous un dais. Le mobilier « ancien » est inscrit ou classé.Thuboeuf, église - MF (13)

Inscrit sur le monument aux morts, l’aspirant de Malterre, tombé le 22 août 1914 est également représenté sur un vitrail de Charles Champigneulle réalisé en 1927 d’après un carton d’Henri Pinta.

Un Christ en bois signé d’Alain Legros est placé dans le chœur mais nous ne verrons pas le Christ en bois polychrome du 16e siècle qui a été mis en lieu sûr. Le tableau de la Mort de Marie Madeleine est un sujet rarement traité par les artistes : celui-ci est daté de 1846 mais le nom de l’artiste est incomplet. Dans le transept nord, le tableau représentant le « faux » baptême de Constantin par le pape Sylvestre pourrait à lui seul faire l’objet d’un article.

Thueboeuf, Chiot                Nous ne quitterons pas la commune de Thuboeuf sans une visite à la chapelle de Chiot. A 100 mètres au sud du hameau de Montoger, cette petite chapelle a été remaniée en 1924 et est éclairée par des vitrages abstraits du Père Chardon. L’édifice est présent sur le cadastre de 1811 mais on lui prête une plus grande ancienneté principalement en raison de la présence d’une Vierge à l’Enfant. La légende locale la dit ramenée par un pèlerin de Saint-Jacques-de-Compostelle. Il l’aurait sciée en deux pour en faciliter le transport. L’irrégularité de la section médiane permet d’avoir quelques doutes sur les talents du scieur.

 

L’excursion se terminera à Saint-Pierre de Rennes-en-Grenouilles. Cette église du 17e siècle est au milieu du cimetière dont le marchepied du portail d’accès est une pierre tombale de 1560. Dans ce même cimetière une croix hosannière de 1723 porte uniquement le nom du donateur. Sur le mur gouttereau, un cadran solaire en ardoise de 1694 annonce que LA MORT VIENT    L HEVRE PASSE.

Rennes en GrenouilleLa nef est ornée de vitrages représentant une colombe, la Création, la Vierge, une cigogne, le bourg, la Crucifixion, le Christ et le St Esprit.

Le vitrail de l’Eucharistie est un don du curé Le Bossé (1933-1958). Le second vitrail également réalisé par Maurice Bordereau d’Angers, commémore l’exécution à Laval le 21 janvier 1794 du curé Migoret-Lamberdière.

Le retable du maître-autel est orné un Baptême du Christ qui a remplacé une Adoration des bergers. Le fronton du confessionnal porte des sentences moralisatrices aussi effacées que tombées en désuétude.

            Nous adressons nos remerciements aux communes qui nous ont facilités l’accès aux édifices, à la propriétaire de la chapelle de Chiot ainsi qu’au musée Bernard Chardon à Saint-Fraimbault-de-Lassay qui nous a procuré la documentation sur les œuvres de l’artiste.

Commentaires : J. Poujade, Photos : M. Fleury.

 

 


 

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