L’église Notre-Dame de l’Assomption.
Le territoire de Livré-la-Touche conserve les témoignages archéologiques d’une occupation ancienne et dense, particulièrement bien documentée pour l’âge du Fer et l’époque romaine grâce à des prospections aériennes. À l’emplacement même du bourg, on ne connaît pas de nécropole mérovingienne alors qu’il en existe une 3 km plus au nord. Une famille noble portant le nom de Livré est attestée dès le 11e siècle. Au début du siècle suivant, la paroisse existe déjà ; elle fait partie des biens octroyés à l’abbaye de La Roë qui vient d’être fondée.
En 2019, ayant le projet de restaurer l’édifice, la commune a fait appel à la SAHM ainsi qu’au bureau Ylex Architecture, architecte du patrimoine, qui a fourni une excellente étude documentaire. Partant de ce travail et de l’examen du bâtiment, nous pouvons distinguer six phases dans son évolution.
La phase 1 correspond à l’édifice primitif dont il subsiste l’essentiel de la façade et le volume de la nef, bien que les murs gouttereaux aient été remplacés plus tard par des colonnades. Cette étape peut être datée du 11e siècle par les maçonneries de la façade (appareil de petits moellons assisés, parfois disposés en épis). On note que le plan de la nef correspond pratiquement à un double carré, proportions que l’on retrouve dans des édifices du premier roman en Anjou.
La phase 2, également romane, voit la construction de la tour clocher. Elle se situe dans le courant du 12e siècle et est caractérisée par l’emploi majoritaire du grès roussard dans les doubles contreforts d’angle et les fenêtres, étroites et hautes.La phase 3, à l’extrême fin de l’époque romane, voit l’abandon du roussard pour un grès beige plus fin. Elle doit commencer par la reconstruction du chœur vers la fin du 12e siècle, fait courant dans les églises appartenant à des abbayes pour répondre aux besoins de la liturgie. Elle se poursuit par la création d’une nouvelle charpente sur la nef, mise en œuvre pendant l’automne-hiver 1225-1226 (datation dendrochronologique), ce qui entraîne la reprise du pignon de la façade. Enfin, les travaux sont couronnés par la construction d’un nouveau portail occidental, encore d’esprit roman mais certainement très tardif, sans doute dans la première moitié du 13e siècle. Notons que la première travée de charpente côté oriental a été refaite en 1716 suite à l’effondrement du clocher.La phase 4 est celle de l’ajout d’un bas-côté au sud, qui se présente à l’extérieur comme une file de chapelles à hauts pignons. Ce déambulatoire englobe le rez-de-chaussée de la tour, largement ouvert par des arcades. La chapelle sud-ouest, réalisée après les autres, est datée par dendrochronologie entre 1541 et 1550. Mais les autres chapelles ne doivent pas être beaucoup plus anciennes comme l’indiquent la ressemblance des charpentes, le style des arcs et celui d’une colonne à décor de feuillages et de grotesques. L’ensemble doit se situer dans la première moitié du 16e siècle.
La phase 5 voit la mise en place d’un décor homogène dans la partie orientale de l’église à la fin du 17e siècle et sans doute la construction de la sacristie sud-est. Le retable majeur, datant de 1687-1690, est dû à Jean-Baptiste Simon d’Angers.
Enfin, nous regroupons dans une phase 6 un peu artificielle tous les travaux du 19e siècle : la construction d’un bas-côté nord en 1815, fidèlement copié sur celui du sud, le percement d’une fenêtre identique à celles des bas-côtés sur la façade en 1857, l’ajout d’une sacristie plus grande au nord-est en 1858, enfin le percement de deux fenêtres à travers le grand retable, sans doute vers 1875.
La charpente en chêne de la nef est du type à chevrons formant ferme. Elle est constituée de fermes principales dont les entraits et poinçons sont apparents et de fermes secondaires. Cet ensemble supporte la voûte en plâtre, autrefois en lambris. Sur les quatre travées formées par cette succession de fermes, trois sont anciennes ; elles sont assemblées d’une façon peu courante par de simples embrèvements sans tenons ni mortaises. Ces assemblages bloqués par des chevilles disposées verticalement, ont été datées de 1225-1226 par dendrochronologie. La quatrième travée a été reconstruite suite à la chute du clocher en 1711. Seules les charpentes des chapelles du sud ont été vues : elles sont aussi du type à « chevrons formant ferme » mais avec des assemblages tenons et mortaises chevillés horizontalement. La dendrochronologie a donné une date de construction entre 1541et 1550 pour la chapelle sud-ouest. Celle contiguë ne présente que de légères différences de conception et elle est certainement contemporaine de sa voisine.
Un article plus détaillé est contenu dans le volume 2021 de La Mayenne, Archéologie, Histoire en ligne, librement accessible sur le site des Archives départementales.
Le maître-autel commandé par l’abbé Bernier fut enrichi en 1690 par Jean-Baptiste Simon, d’Angers, d’une scène en haut-relief représentant l’Assomption. Ce haut relief était éclairé par un puits de lumière aujourd’hui bouché. En cette année [1691] a été achevé le grand autel de cette eglize, lequel avoit eté commencé du vivant de Mr Jacques Bernier [mort en 1689] prieur de ceans, qui l’a donné ; et a cousté trois mille trois cent livres. Basti par maitre Jean Baptiste Simon sculpteur architecte de la ville d’Angers. Un même décor de palmes est présent sous les fenêtres latérales du chœur et sur la porte de l’ancienne sacristie, ce qui permet de la dater de 1690. En 1851 le maître-autel est agrémenté du tabernacle actuel. C’est une réalisation du peintre-sculpteur Antoine-Jean-Albert Dymkovski : il a nécessité le travail de deux ouvriers durant 18 mois.
Les décors des autels de Sainte-Anne et de la Vierge sont peints façon marbre sur des colonnes plates. Le tabernacle est réalisé en 1852 par Antoine Dymkowski qui fait également un décor en stuc doré. Les niches de part et d’autre du retable sont peintes en trompe-l’œil. L’Autel du Sacré-Cœur de Jésus a remplacé au 19e siècle le retable de 1696 dédié à la décollation de St Jean-Baptiste. Décor en stuc doré en 1852 par Dymkowski. Celui de St Sébastien a remplacé au 19e s. un autel de même dédicace.Confessionnaux, chaire à pêcher, stalles et boiseries du chœur sont réalisés entre 1837 et 1875 par Julien Bastard, artisan local.Le tableau du Rosaire représente la Vierge et l’Enfant Jésus donnant le chapelet à St Dominique et à Ste Catherine de Sienne. A la base de la toile, une inscription : TABLEAU DE L’INSTITUTION DU S. ROSAIRE FAICTE PAR S. DOMINIQUE 1619 et une lettre « A »
Le chœur est éclairé par deux vitraux qui habillent les fenêtres percées vers 1875 : ils représentent St Julien et le miracle de la source ainsi que St René. Ce sont des vitraux du Carmel du Mans. Dans la nef, les vitraux représentant les archanges et les saints jésuites sont signés d’Alleaume. Le baptême du Christ et le Martyr de St Victor sont des ateliers Clamens et Bordereau d’Angers. Le triptyque des apparitions de la Vierge et l’éducation de la Vierge sont des ateliers Truffier d’Angers. La verrière de la façade réalisée au Mans représente la scène du Rosaire entourée de médaillons sur la vie de la Vierge et du Christ.
Les Miaules.
En fin de matinée, nous sommes accueillis par Mme Cullin au logis des Miaules.
Le territoire de Livré-la-Touche est traversé par une ligne géologique est-ouest de quartz aurifères sur environ 30 kilomètres allant de Simplé à la Selle-Guerchaise.Sur la commune, les sites des Miaules, Petites Miaules et Vieuville en sont des témoignages. Ils attestent la recherche de l’or filonien ou alluvial dès l’époque gauloise. Les miaules sont des terrassements anciens composés d’une large tranchée entre deux talus qui ont pu être pris pour une suite de remparts à l’invasion bretonne.
Le logis des Miaules présente une belle restauration d’un ensemble de bâtiments coiffés de toitures qui témoignent de la succession des siècles. Ces travaux ont nécessité la démolition de certains appentis : la partie haute d’un mur ayant été dégagée par l’enlèvement d’une de ces verrues, il s’est avéré judicieux de le remplacer par une poutre soutenant un colombage trouve plusieurs exemples dans la région.
Le château de l’Épronnière.
Depuis le 14e siècle, le site du château de l’Épronnière a souvent changé de propriétaires. Les Scépeaux, Chauvigné, La Chevalerie, Lentivy, La Barre, Pierres de Narsay, La Sayette, Quatrebarbes et Roquefeuil s’y sont succédé. Transformé en exploitation agricole à l’époque moderne, cet ensemble en conserve encore des stigmates malgré une très belle restauration réalisée par M. et Mme Benoit du Rey de 2001 à 2018, mais qu’ils n’ont malheureusement pas pu mener à bien leur projet.
Il ne reste rien de la maison-forte initiale et l’actuelle construction est très marquée par le style en vogue au 16e siècle avec sa chapelle qui aurait été utilisée comme salle de prêche après que la famille soit convertie au protestantisme. Une construction destinée à abriter un cellier et une chambre a été accolée au 18e siècle. A la fin du 16e siècle, Michel de la Chevalerie et ses troupes affrontent les Ligueurs, en hayne de quoi sa maison de l’Épronnière a esté brûlée trois fois dira sa veuve.
Aujourd’hui, les armes des Flandres flottent sur l’Épronnière et le projet de poursuivre sa restauration est toujours d’actualité.
La chapelle de Blochet.
Le 9 octobre 1180, jour de la fête de saint Denis, Pierre de Craon, deuxième fils de Maurice II, poursuivait un cerf. Son cheval s’étant emballé, il est précipité dans la rivière. En tombant il invoque St Denis, promettant la construction d’une chapelle. Son cheval le dépose, sain et sauf sur la rive et tombe mort, la colonne vertébrale brisée. Le père et le fils demandent alors à messire Tison, seigneur de Livré, une portion de terrain au lieu-dit Blochet afin d’y construire une chapelle en l’honneur de St Denis. Pierre de Craon qui entra dans les ordres y est enterré.
En 1570, la chapelle est pillée par les huguenots. Réparée aux 16e et 17e siècles, elle a été reconstruite en 1714 par Jean Trouillet, prieur de Livré. A la veille de la Révolution, elle est dans un état de délabrement complet et en 1830, elle est en ruine. Une demoiselle Félicie Cadot, de Craon, décide de faire reconstruire la chapelle sur les ruines de l’ancienne. La nouvelle et actuelle chapelle est bénite le 9 octobre 1880.
Elle se caractérise par ses vitraux figuratifs réalisés par l’atelier Megnen Clamens et Bordereau d’Angers en 1879. Dans le chœur, représentations du Sacré-Cœur de Jésus, de la Vierge et de St Joseph. Dans la nef, se font face la présentation de Jésus au temple et le Christ en croix apparaissant à St François d’Assise qui reçoit les stigmates. Le monument aux morts est un exemple rare de commémoration dans un lieu privé. Il a été peint vers 1920 à l’initiative de la famille Goussé qui avait perdu trois de ses membres lors de la Grande Guerre. Les peintures ornementales des murs et des voûtes du chœur ne peuvent être formellement attribuées à Ladislas Dymkowski faute de documents en attestant la commande.
Le logis de Fouché.
Nous sommes accueillis par son propriétaire qui a acquis le site en piteux état et le restaure patiemment en essayant de retrouver les volumes mis à mal par sa transformation en exploitation agricole aux 19e et 20e siècles. Fouché (Foucher ou Fouchet) est mentionné par un aveu en 1588.En 1686, l’abbé Bernier, curé-prieur de Livré donne cette métairie à l’hôpital de Craon à charge d’entretenir un lit supplémentaire pour les pauvres de Livré. L’administration de l’hôpital fit des difficultés pour accepter ce don, jugeant le revenu de la métairie insuffisant.
Le second jour du mois Germinal an troisième de la République française une et indivisible, un procès-verbal d’estimation des domaines nationaux dépendant de l’hôpital de Craon en fait le descriptif ainsi que des avantages et des desavantages qui pourront résulter de la division ou non division de ladite métairie.
Même si la partie la plus ancienne du logis peut être datée de la fin du 15e siècle ou du début du 16e, la présence de nombreuses pierres de roussard en chaînages d’angles et en encadrement d’ouvertures, plaide pour une plus grande ancienneté du lieu.
Près du logis, une grange à colombages présente un réel intérêt devant la disparition de nombre de ces constructions.