Visite de la chapelle de Pritz. Samuel Chollet, archéologue de la ville de Laval et Christian Davy, chercheur à l’Inventaire des Pays de la Loire.
Église primitive de Laval, la chapelle N.-D. de Pritz est l’un des principaux monuments du Haut Moyen Age conservés en Mayenne. Située à 2 km au nord de l’intra muros lavallois, aux abords immédiats de la rive droite de La Mayenne, elle occupe le bord d’un plateau de schistes dominant un méandre de la rivière et ses dépôts alluvionnaires.
Si l’occupation humaine du site est avérée dès le Paléolithique et aux périodes suivantes, elle ne semble en l’état de nos connaissances prendre une certaine importance qu’au cours du haut moyen âge lorsque le lieu devient une nécropole. C’est sur ce substrat qu’un premier édifice est construit. Recoupant entre
autres une sépulture datée de la fin VIIe siècle, la construction de ce premier bâtiment connu coïncide avec la première mention de Pritz au début du VIIIe siècle. Le site ne réapparaît ensuite dans les textes qu’au milieu du XIe siècle. À cette date, une église y est le siège à la fois d’un prieuré de l’abbaye de la Couture du Mans et d’une paroisse sur laquelle une seigneurie châtelaine vient d’être créée, Laval. Au cours du 3e ¼ du XIIe siècle, elle perd son statut paroissial au profit de la Trinité, chapelle urbaine construite par les moines vers 1070. Devenue chapelle prieurale, son statut n’évoluera plus jusqu’à la Révolution et sa vente au titre des biens nationaux. Elle est aujourd’hui encore une propriété privée.
D’est en ouest, le monument comprend un chevet partiellement effondré dont subsiste une travée droite couverte d’une voûte en berceau soutenue par des arcs doubleaux, un transept dotée d’une absidiole voûtée en cul de four sur chaque bras et d’une nef formée d’un vaisseau unique surmontée d’une charpente apparente.
L’étude archéologique du bâti des parements extérieurs du mur nord de la nef et du mur ouest du bras nord ainsi que d’une partie de la croisée a permis d’établir cinq phases principales. La première, postérieure à la fin du VIIe siècle, voit l’édification d’un premier bâtiment comprenant une courte nef, un transept et un chevet. Elle se caractérise par l’emploi d’un petit appareil en grès alternant avec des assises de briques. Au sein de ce premier état, seule une ouverture a pu être observée. Il s’agit d’une porte ménagée à travers le mur nord de la nef. Vers le IXe siècle, l’édifice, ruiné, est remonté suivant des modes constructifs très similaires. Vers le Xe siècle, les murs de la nef sont remontés et la croisée rehaussée. Le petit appareil mis alors en œuvre se révèle plus incertain et ne comprend plus d’assises de briques.
Mur nord de la nef et restitution schématisée des principales phases du VIIIe (rouge), IXe (orange), Xe (jaune) et XIIe siècle (vert) Photo et dessin : S. Chollet.
Durant la première moitié du XIe siècle, suite sans doute à l’arrivée des moines de la Couture, le plan de l’église est modifié pour adopter un plan bénédictin : les bras de transept se voient dotés d’absidioles tandis que le chevet est reconstruit sous la forme de deux travées droites et d’une abside semi-circulaire. Enfin, avant le 3e ¼ du XIIe siècle, la nef est agrandie en raison vraisemblablement du développement de la ville voisine et donc de l’accroissement du nombre de fidèles. Cette dernière phase contraste par sa mise en œuvre : à l’exception des éléments remarquables (ouvertures, chaînes d’angles, contreforts) traités en moyen appareil de grès « roussard », les parements présentent un appareil irrégulier de schistes issus du sous-sol immédiat.
S. Chollet.
La visite de Notre-Dame de Pritz s’est poursuivie à l’intérieur où elle s’est concentrée sur les peintures murales, laissant pour une autre occasion le beau mobilier qui y est conservé, tels les tombeaux, la clôture de chœur et la statuaire.
Là-aussi, la multiplicité des peintures murales frappe le visiteur dès l’entrée. En effet, ce n’est pas moins d’une demi-douzaine de décors peints à des époques différentes qui est conservée dans les deux chapelles latérales, l’abside et la longue nef. Il est vraisemblable que d’autres apparaîtront quand des sondages seront faits sur la partie sud-ouest de la nef.
Le conférencier s’est en premier lieu attaché au décor peint dans la seconde moitié du XIVe siècle, trop souvent négligé par les érudits. Une Nativité accompagnée d’une Annonce aux bergers a été peinte au-dessus de l’arcade de passage vers la chapelle nord où d’autres scènes de dévotion contemporaines sont représentées. La famille donatrice est agenouillée et prie dans un cadre indépendant placé en contrebas des deux scènes de l’Enfance du Christ. Le style et quelques détails, comme le dessin des yeux très effilés, permettent de rapprocher cet ensemble des peintures exécutées sur le mur oriental de l’abside. Là, seules deux têtes, accompagnées d’inscriptions en partie illisibles, sont visibles au-dessus du retable réalisé par Michel Lemesle et adossé au mur au XVIIe siècle. Ces peintures de la secondemoitié du XIVe siècle permettent de donner un terminus ante quem à la catastrophe qu’a été pour les moines l’écroulement de la partie orientale du chœur.
Le décor le plus ancien permet, quant à lui, d’envisager la partie disparue du chœur grâce à son programme. La continuité des temps constitue l’un des messages du programme peint au début du XIIe siècle. Le calendrier des mois situé à l’intrados de l’arc triomphal d’une part marque la ponctuation des scènes liées à la vie terrestre du Christ représentées sur l’arc triomphal, d’autre part entame la progression temporelle qui passe au niveau céleste avec la représentation du zodiaque sur le doubleau suivant. Cette suite ne pouvait qu’aboutir à l’image du retour du Christ à la fin des temps – thème récurrent représenté dans le cul-de-four des absides romanes. L’hypothèse de la présence passée de cette dernière image issue de l’Apocalypse est confortée par la conservation de six des Vieillards de l’Apocalypse à la voûte de la première travée droite du chœur.
La visite de Notre-Dame de Pritz s’est achevée par les deux images de saint Christophe peintes l’une sur l’autre au bas de la nef. La première des deux a été peinte au XIVe siècle et est sans doute contemporaine de la scène de la Nativité et des personnages du mur oriental évoqués précédemment. Ce saint Christophe est figuré selon le schéma iconographique le plus ancien avec une position frontale, un bâton dans sa main et l’Enfant apparaissant au-dessus de sa tête. La seconde image a été réalisée à la fin du XVe ou au début du XVIe siècle et a été peinte sur la précédente. Elle témoigne de l’évolution du schéma. Le saint géant tourne sa tête vers l’Enfant assis sur son épaule et Christophe s’appuie sur un tronc d’arbre écoté.
Pour compléter cette visite, il est conseillé de relire les articles consacrés à saint Christophe dans la revue de la SAHM : La Mayenne Archéologie, Histoire, n° 31.
C. Davy.
Visite du manoir des Alignés.
Situé sur l’ancienne paroisse de Grenoux, annexée à Laval en 1863, le Petit-Aligné, tel qu’il s’offre à nos yeux, a été édifié par la famille Hatry à la fin du 15ème ou au début du 16ème siècle. Au fil des siècles il passera entre les mains des familles Vassé (1483), Cazet (1577), la Roussardière (17ème s.). Joseph Rousseau de Montfrand l’achète en 1767.
Vendu nationalement en 1796, le Petit Aligné est acquis par le vérificateur des domaines de Laval, Louis Chollet. Il devient une exploitation agricole. Lors du bombardement des alliés en 1944, les toitures et le mur arrière s’effondrent. En 1962, le fermier démolit la chapelle et l’aile sud pour faire construire une étable et une salle de traite. Cette aile disparue était probablement celle qui est commandée en 1686 par Françoise Cazet, veuve de René d’Héliand, président au présidial de Château-Gontier. Ce corps de bâtiment de 71 pieds sur 22 abritait salle, antichambre, chambre, escalier de pierre et étables. Il était surmonté d’une toiture en pavillon avec croisées et lucarnes de tuffeau.
Aujourd’hui, l’œil est immédiatement attiré par la tour de plan hexagonal sur sa base et de plan carré au dernier étage. Ce dernier repose sur deux pendentifs représentant des têtes humaines de part et d’autre de l’axe de la tour. A l’intérieur, un escalier monumental à vis sénestrogyre assurait la distribution des pièces d’habitation auxquelles on accédait par des portes à linteau en accolade ou en plein cintre. Deux embrasures de tir pour armes à feu couvrent l’accès par le porche de l’enceinte. La clef du cintre du porche porte la date de 1713 sculptée à l’envers sous le blason mutilé
La tourelle à encorbellement abrite un escalier secondaire très étroit. A la base de la tour et donnant sur la partie droite, une porte murée.
Le corps de bâtiment à droite de la tour ou tout au moins sa base, pourrait être plus ancien si on considère la structure des murs et le fait que la tour est venue masquer partiellement une ouverture de la cave. Sa toiture a été rabaissée. Le bâti en retour d’équerre pourrait être un ajout de 1686.
On a toutefois une bonne idée de la splendeur de ce manoir avant qu’il soit saccagé, grâce aux photos, aux tableau et gravures qui en gardent le souvenir.