Actualités archéo Laval

Conférence du samedi 26 mars 2011

Laval : actualités archéologiques

Conférence et compte-rendu par Samuel CHOLLET, Archéologue municipal de la Ville de Laval

Président de la SAHM

Le Service municipal d’archéologie de la ville de Laval

Depuis 2005 et l’obtention de son agrément auprès des ministères de la recherche et de la culture, le Service municipal d’archéologie de la Ville de Laval est opérateur en archéologie préventive. Il œuvre à ce titre à la sauvegarde du patrimoine lavallois enfouis préalablement à la réalisation d’aménagements.

2010, une actualité archéologique riche

Dans ce cadre, l’année 2010 s’est révélée particulièrement riche. Outre le renouvellement de l’agrément au terme d’un premier cycle d’activité de 5 ans, deux opérations ont été réalisées au cœur de deux des principaux secteurs archéologiques de la ville : Saint-Pierre-le-Potier et l’intra muros.

 

Mortier à « œil de perdrix »
 
 

Le site de la Louisière
 
 

« Céramique » rue Charles Landelle
 

Une fenêtre ouverte sur les potiers de Saint-Pierre : le diagnostic de la Louisière

Connu pour ses productions céramiques diffusées à travers tout l’Ouest français au Moyen Âge et à l’Époque moderne, le village de Saint-Pierre-le-Potier, au sud de l’agglomération lavalloise, fait l’objet d’un périmètre archéologique large, annexé au plan local d’urbanisme. C’est dans ce cadre qu’au lieu-dit La Louisière, préalablement à l’aménagement d’une habitation individuelle, un diagnostic archéologique (opération d’évaluation) a été réalisé en octobre 2010. Occupant un fond de vallée d’orientation est-ouest, le site a livré plusieurs vestiges repartis en deux zones.

La première, sur le versant nord, présente sur plus de 1,80 m de haut une suite de trois niveaux de remblais datés du 13e siècle, de la charnière entre le 14e et le 15e siècle et du milieu du 15e siècle. Durant la seconde moitié du 15e siècle, une canalisation maçonnée souterraine est aménagée à travers le remblai le plus récent. Réalisée à l’aide de schistes liés à l’argile, elle suit la pente du terrain pour se déverser dans un puits à l’aide d’un raccord coudé. Ces caractéristiques autorisent à penser qu’il s’agit d’un système d’adduction. En revanche, l’absence conjuguée de semelle à la base de l’ouvrage et d’enduit sur ses parois intérieures pouvant garantir l’étanchéité du conduit parait indiquer que l’eau acheminée n’était pas destinée à la consommation.

Ces données tendent à démontrer la présence d’un habitat voire de structures artisanales d’époque médiévale à proximité immédiate. Distante de seulement 30 m, La Louisière apparaît pour la première fois dans les textes en 1603. A cette date, Jean Lemercier, potier, y réside.

La seconde zone, sur le versant opposé, a permis de mettre au jour une briqueterie relativement complète bâtie au 17e siècle et arasée durant la 2nde moitié du 18e siècle. D’ouest en est, le complexe se compose d’un four maçonné et semi-enterré, d’un atelier contigu et, devant l’entrée de ce dernier, d’une fosse d’extraction d’argile.

À eux seuls, ces vestiges sont les parfaits témoins de l’évolution de la production de terres cuites à Saint-Pierre-le-Potier et plus largement au sud de Laval. Attestée à partir de la fin du 13e siècle, la production de céramiques lavalloises ne cesse de se développer au cours du Moyen Âge pour atteindre son apogée entre le milieu du 15e siècle et le milieu du 17e siècle. Malheureusement, face à la rivalité toujours plus accrue des céramiques concurrentes et notamment des grès de Normandie, elle commence à péricliter dès le milieu de l’Époque moderne. Dès lors, elle est progressivement remplacée par la fabrication de terres cuites architecturales (briques, carreaux, tuiles).

Une fenêtre sur le sous-sol de l’intra muros : le sondage de la rue C. Landelle

Dans le cadre de la création d’une canalisation d’eau potable rue C. Landelle, au cœur l’intra muros médiéval, le Service municipal d’archéologie a réalisé en novembre 2010 la tranchée requise par l’aménagement sous la forme d’un sondage. D’orientation SO-NE, longue de 230 m et d’une profondeur moyenne de 1,40 m, cette ouverture a offert un regard totalement inédit sur le sous-sol du centre historique lavallois. Du sud-ouest au nord-est, les différentes structures mises progressivement au jour peuvent être répartis en 5 secteurs.

Place Hardy de Lévaré

La traversée de la place Hardy de Lévaré, devant la porte Beucheresse (13e siècle), a été l’occasion d’enrichir notre connaissance des fortifications urbaines. Si le fossé de ville a pu être appréhendé, à l’inverse, aucun vestige n’a été observé à l’emplacement supposé de l’enceinte. Ceci tend à confirmer la faible profondeur des fondations de cette dernière déjà constatée par le passé en différents endroits. Au centre de la place, des niveaux de démolition datés en l’état du 14e ou du début du 15e siècle témoignent de la construction à cette époque d’un ouvrage avancé ceint par un fossé. Probable boulevard d’artillerie, cet édifice est arasé au 18e siècle pour permettre l’aménagement de la première promenade arborée de la ville, l’actuelle place Hardy de Lévaré.

À la même époque ou au début du 19e siècle, une citerne de grande dimension est aménagée dans les douves de l’ouvrage avancé. Surmontée d’une voûte en berceau et intégralement recouverte d’un enduit de tuileau assurant son étanchéité, elle semble destinée à alimenter l’intra muros qu’elle surplombe.

Rue C. Landelle (ancienne rue Trouvée)

À l’intérieur de l’enceinte, le deuxième secteur a permis de mettre au jour tout un front de rue qui faisait originellement face au chevet de l’actuelle cathédrale de la Trinité. À la fin de l’Ancien Régime, seule une ruelle étroite dite Trouvée les séparait. Parmi les différents bâtiments observés, si certains correspondent à ceux relevés en plan en 1840 à l’occasion du premier cadastre, d’autres sont manifestement antérieurs. L’ensemble est détruit durant la 2nde moitié du 19e siècle pour permettre le percement de l’actuelle rue C. Landelle.

Rue C. Landelle (ancien îlot urbain de la Douairie)

À l’emplacement de l’ancien îlot urbain dominé en son centre par l’hôtel dit de la Douairie, plusieurs constructions ont été successivement découvertes. Toutes figurent sur le cadastre précité. À l’inverse, au milieu de ce secteur, le fossé d’environ 12 m de large et d’orientation N-S mis au jour est totalement inédit. Malheureusement, si la chronologie relative de cet ensemble est maîtrisée, l’absence presque totale de mobilier ne permet pas pour le moment de préciser sa chronologie absolue.

Rue C. Landelle (anciennes halles)

Plus à l’est, dans l’emprise des halles, plusieurs bâtiments successifs ont pu être étudiés. Une première phase voit l’élévation de deux édifices dont l’orientation et les modes constructifs divergent nettement de ceux bâtis en lieu et place par la suite. Si aucun élément matériel ne contribue à dater leur construction, leur destruction intervient à la charnière entre le 13e et le 14e siècle. L’ensemble est alors scellé par un sol en mortier de chaux qui pourrait relever de la construction des halles médiévales. Suite à l’arasement de ces dernières au 19e siècle, un bâtiment de grande ampleur est élevé en lieu et place. Adoptant un plan en fer à cheval, celui-ci correspond très vraisemblablement à la halle aux légumes attestée à cette époque.

Place de la Trémoille

Dépourvus de mobilier, les différentes couches de remblais sur lesquelles repose la place de la Trémoille n’ont pas permis d’éclairer les origines de l’unique place de la ville close sous l’Ancien Régime.

Au sein de ce secteur, seule une fontaine parfaitement connue par les sources écrites et iconographiques a été mise en évidence. Érigée en 1741 aux frais du duc de la Trémoille, comte de Laval, elle représente le transfert sur le bord de la place d’un édifice analogue situé jusqu’alors au centre du « grand pavé ». La tour circulaire dans laquelle elle prend alors place n’a toutefois pas pu être datée et pourrait être à ce titre plus ancienne.

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