Excursion du 24 juin – Rouez-en-Champagne

Situé sur la commune de Rouez-en-Champagne, la découverte du donjon de Courmenant par la petite route étroite est surprenante et écrasante. La construction domine un fort escarpement au-dessus de la Vègre qui s’étalait autrefois dans une large zone marécageuse. Les trois autres côtés du château sont entourés de profonds fossés secs. La base du mur nord attesterait une occupation dès le 9ème siècle. Le manque de textes, de travaux de recherche, de fouilles, ne nous permettent pas de présenter avec preuves l’histoire du château. Néanmoins, l’architecture du haut donjon de plan rectangulaire aux murailles épaisses sur trois étages, avec escalier interne, fait preuve d’une construction du 11ème siècle. La grande salle que nous avons visitée a toutes les caractéristiques d’une salle seigneuriale. Une grande partie du château fut détruite et reconstruite pendant la guerre de Cent Ans puis reconstruit par la suite.

Courmenant (2)

François Liger, architecte autodidacte devenu membre de la Société française pour la conservation des monuments historiques et collaborateur d’Hausmann, se retire à partir de 1885 à Courmenant dont il a hérité en 1859, Il s’est alors passionné pour l’archéologie régionale mais fut souvent raillé par ses collègues.

Il rasa le bâtiment du 15ème pour ne laisser que les murs extérieurs du donjon.

Courmenant (3)

Il restaura la façade sur la cour entre 1860 et 1875 dans un style roman du 12ème siècle : portes géminées avec animaux fantastiques, croisées avec colonnettes, chapiteaux historiés, blasons. Sur les murs, des hauts-reliefs représentent les seigneurs et possesseurs du donjon. Au pied des murs se dressent hauts-reliefs et sculptures en ronde-bosse monumentaux : chevaliers, princesses, diables, damnés, Héloïse, Abélard… Tout cet ensemble fut commandé au sculpteur C. Marie. Il fit également dresser sa statue dans la cour, assis et méditatif, les outils d’archéologue à ses pieds. Près de lui est gravée sur une pierre volumineuse toute la liste de ses écrits. C’est un ensemble déconcertant, inattendu, d’une exaltation romanesque.Courmenant (1)

La quarantaine de participants à cette journée a ensuite fait route pour Rouez et les locaux de l’entreprise de charpente d’André Leroyer (*). Vastes hangars, stocks de bois et machines ; tout est propre et rangé …. et la table est dressée. Accueil par le maître des lieux qui nous souhaite la bienvenue accompagnée d’un pommeau « maison » fruité à souhait.

Courmenant (5)

Après le pique-nique convivial pris à la grande table, l’après-midi commence par une projection de photos de chantiers commentées par A. Leroyer. Il s’agit de la réfection de quatre bâtiments appartenant au château du Bois Orcan près de Châteaugiron (35). Le pavillon carré, le logis porche, la partie centrale du logis et pour finir le pigeonnier sont tour à tour décortiqués depuis la dépose des bois jusqu’à la repose après restauration dans l’atelier où nous nous trouvons.

Certains ont pu être désarçonnés par le vocabulaire propre à la profession de charpentier mais l’abondance de photos commentées par A. Leroyer semble avoir eu raison des plus exigeants ; traits de Jupiter, entures, blochets et autres jambettes ne feront probablement pas partie des conversations courantes. Toutefois, il est certain que dans l’avenir, beaucoup auront un autre regard sur les charpentes.

A quelques kilomètres à l’est de Rouez, le manoir de Coulettre et son propriétaire nous attendaient pour une visite des extérieurs et plus précisément de la chapelle. Celle-ci est une construction récente qui a été imaginée pour combler le vide laissé par la chapelle primitive dont on ne connait rien, même pas l’emplacement.

Coulettre (1)

Cette chapelle dont la charpente et le couvrement ont été réalisés par A. Leroyer, a des allures de chapelle du 16ème siècle et s’harmonise parfaitement avec les autres bâtiments. Plan, matériaux, savoir faire des corps de métier, tout a été fait dans ce but en laissant la part belle aux artisans ; n’est ce pas André qu’ils sont beaux vos engoulants !!

 

Coulettre (2) Coulettre (3)

 

 

 

 


 

Plus au sud et toujours en compagnie d’A. Leroyer, nous nous rendons au moulin et au logis de Cohardy ou du Coq Hardi.

Cohardy 02

Le moulin implanté sur un bief creusé dans le schiste et alimenté par la Vègre est connu depuis le milieu du 13ème siècle. Les deux roues alimentées par le dessus sont à l’état de ruine mais le moulin, en très mauvais état a conservé la plupart de ses mécanismes. Il a été successivement moulin à foulon et à blé. Bien d’autres moulins tout aussi endommagés ont pu être restaurés !!

 

Cohardy 01

Le logis, proche du moulin, a été fortement modifié au fil des siècles et surtout dans la période contemporaine. Il est bien difficile de clarifier ces modifications ; si la fenêtre du rez-de-chaussée près du contrefort a probablement fait disparaitre une fenêtre à meneau horizontal, la question reste posée en ce qui concerne l’ouverture ogivale murée de l’étage (présence d’une galerie / porte haute / porte de liaison avec un autre bâtiment ??).


 

La journée s’est achevée au colombier de Vassé. La seigneurie de Vassé, une des plus importantes du comté du Maine dont elle relevait, regroupe encore dans le hameau du même nom, sur la commune de Rouessé-Vassé, un château avec un grand parc et une chapelle, un moulin sur la Vègre, un étang et un grand colombier de pied.

Pigeonnier Rouessé Vassé (1)

Il se présente sous la forme d’une grosse tour ronde proche de l’entrée du château. Ce type de colombier était l’apanage d’un seigneur haut justicier, en l’occurrence le marquis de Vassé, symbole de puissance seigneuriale. Bâti fin 16ème, début 17ème, il menaçait de s’effondrer. Devenu propriété communale il a été l’objet d’une belle restauration en 2001 et notamment grâce à une souscription. »2000 nids d’amour pour la saint Valentin 2000« . La charpente à l’impériale ou dite prussienne est remarquablement réussie et met en valeur l’agencement de ses poutres. Le dôme de la toiture en ardoises, disposées selon leurs formes, est surmonté d’un épi de faîtage en terre cuite. Elle comporte une lucarne d’envol orientée vers la rivière qui permet aux pigeons d’aller et venir. Une seule porte permet d’accéder à l’intérieur. Tout le mur intérieur est percé de 2000 trous de boulins, chacun constituant un nid pour un couple, composé d’un petit couloir qui permet d’accéder à une chambre adjacente servant à l’abri des oisillons. Des échelles verticales permettaient d’atteindre ces cavités.

Pigeonnier Rouessé Vassé (3)

 

Outre la démonstration de richesse et d’autorité, le colombier avait une double nécessité. Il représentait une source d’alimentation carnée fraîche alors que la viande était essentiellement fumée, séchée ou salée. C’est un vrai garde-manger. D’autre part, ces oiseaux fournissent une fiente très recherchée comme engrais pour les cultures exigeantes. Pour recueillir cette colombine le sol était pavé et une trappe ménagée à ce niveau permettait de la récupérer à l’extérieur.

Pigeonnier Rouessé Vassé (2)

 

(*) : En Mayenne, la réfection récente des voûtes des chapelles de la Croix Couverte en Sainte-Suzanne et de Mariette en Beaumont-Pied-de-Bœuf sont aussi des réalisations de cette entreprise.

 

CR/ M. Guéguen et J. Poujade – Photos / M. Fleury

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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