Virée de galerne

Conférence : « La virée de Galerne » : le samedi 23 février 2013

Tableau de Jules Girardet (1883)
Par Pierre Gréau

La sépulture de Bonchamps

La marche sanglante des Vendéens
(18 octobre – 23 décembre 1793)
Le vendredi 18 octobre 1793, les combattants des armées catholiques et royales accompagnés par des milliers de civils, femmes, enfants et vieillards, franchissaient la Loire de part et d’autre de Saint-Florent-le-Vieil. Durant 67 jours, en 42 étapes, ils allaient parcourir plus de mille kilomètres dans des conditions effroyables, prendre quinze villes, gagner sept batailles en monopolisant l’armée de l’ouest toute entière. Epuisés, en loques, perdus de maladies, harcelés par les hussards de Westermann, les survivants périrent dans les marais de Savenay le lundi 23 décembre 1793.

Jusqu’en septembre, le pays conquis, était resté au pouvoir des royalistes. Le 2 septembre, un conseil de guerre républicain, tenu à Saumur, décide une offensive générale. Les armées des côtes de la Rochelle et celle des côtes de Brest renforcées par l’armée de Mayence convergent vers Châtillon-sur-Sèvre, siège du conseil supérieur en appliquant le decret du 1er août ordonnant l’incendie des repaires des rebelles. Les civils terrorisés quittent leurs foyers, s’entassent sur les routes en direction des secteurs encore libres. Les victoires royalistes de la fin du mois de septembre à Coron, Torfou, le Pont-Barré, Montaigu et Saint-Fulgent ne marquent qu’un coup d’arrêt provisoire.

Le 1er octobre, un nouveau décret ordonne l’extermination des brigands de la Vendée. Repoussés au Bois du Moulin aux Chèvres, à Châtillon, à Saint-Christophe-du-Bois, à la Tremblaye, et à Cholet le jeudi 17 octobre, les officiers royalistes sont impuissants à juguler l’exode de leurs soldats accompagnés de leurs familles massées sur les bords de la Loire. Tous veulent mettre entre eux et les républicains le fleuve salvateur qui est franchi le 18 par les combattants rescapés de Cholet.

Sitôt nommé généralissime en remplacement de d’Elbée blessé grièvement à Cholet, Henri de la Rochejaquelein réorganise son armée qui prend la direction de Laval. Là, le 24 octobre, les royalistes sont rejoints par les bandes de Jean Cottereau, d’Aimé Casimir Picquet du Boisguy, Louis Hubert, Jacques Bruneau de la Mérousière et les compagnies de Besnier de Chambray. Ce renfort va permettre de vaincre l’armée de l’ouest dans les Landes de la Croix-Bataille, à Entrammes, et à Craon. Ayant épuisé les provisions des Mainiaux, la route du retour étant coupée par l’arrivée de l’armée de l’ouest, l’armée chrétienne prend la route de Paris et arrive à Mayenne le 1er novembre.

Au lieu de poursuivre sa progression vers Alençon, l’armée oblique vers l’ouest et entre à Ernée le 2 novembre. Le 3, Fougères est prise. Le 6, c’est Antrain et le 7 Dol de Bretagne. Le 9, l’état major royaliste reçoit deux envoyés du gouvernement anglais: une flotte est prête à intervenir. Renonçant à prendre Saint-Malo, dès le 11 novembre, la progression reprend par Pontorson et Avranches. Laissant les non-combattants sous la protection d’une garde conséquente, quelque 15000 hommes partent à l’attaque de Granville. Démunis de matériels de siège et de canon de gros calibre, ils essuient un échec les 14 et 15 novembre, et retournent à Avranches.

 

Rue du Hameau à Laval
Le prince de Talmont

 

Les officiers y trouvent l’armée en pleine sédition. Les combattants en ont assez de marcher et de combattre. Ils veulent revenir chez eux. Les chefs sont obligés de suivre et de renoncer à l’attaque de Granville et de Cherbourg. Le 18 novembre, le général Tribout est vaincu à Pontorson. Les 21et 22, Rossignol commandant l’armée de l’ouest est battu à Dol. La route du retour vers la Vendée est libre. Jusqu’à Laval, les royalistes vont prendre le même itinéraire qu’à l’aller, pillé par les deux camps.

Par Meslay, Sablé, et Durtal, l’armée des puants vient mettre le siège devant Angers les 3 et 4 décembre, et doit battre en retraite. Bousculés à Seiches par la cavalerie de Bouin de Marigny, la horde entre dans Baugé le 5, dans la Flèche le 7. Attaqués par Chabot au nord et par Westermann au sud, les royalistes partent le 10 décembre pour le Mans, ville susceptible de leur fournir les approvisionnements dont ils manquent cruellement. Le 12, ils en sont délogés par la division de l’armée des côtes de Cherbourg commandée par Delaistre de Tilly. Le vendredi 13, l’assaut dure un quart d’heure, et les massacres toute la journée.

C’est fini, il n’y a plus d’armée. Chacun s’arrête où il peut pour trouver de quoi manger, et repart sur le champ. Par Craon, Pouancé, la Chapelle-Glain et Saint-Mars-la-Jaille, les royaux atteignent Ancenis le 16 décembre. La Loire est grosse, et des chaloupes canonnières interdisent le passage. Néanmoins, sur des moyens de fortune, beaucoup tentent le franchissement, vite interrompu par les hussards de Westermann. Il faut repartir vers Nort, Blain et Savenay, tombeau des rescapés du périple infernal.

Leur sacrifice ne fut pas inutile. Au cours de leur progression dans les départements de la rive droite de la Loire, les Vendéens avaient relevé le flambeau de la contre-révolution, provoqué la levée et l’organisation des insurgés et fourni des armes récupérées sur les champs de bataille. La chouannerie allait reprendre le flambeau et tenir la dragée haute aux armées républicaines jusqu’en janvier 1800. Le ralliement de Jean Cottereau fit connaître son sobriquet Chouan, qui, repris par les généraux, les représentants en mission et les officiers municipaux allait se répandre et supplanter l’appellation de Vendéen, y compris dans la Vendée militaire.

 

Le château d’Entrammes

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