Conférence du 29 avril 2017 : L’oppidum gaulois de Moulay

– Compte-rendu de la conférence du 29 avril –
L’oppidum gaulois de Moulay par Elven Le Goff, archéologue Inrap.

     Samedi 29 avril à la salle municipale de Moulay, des adhérents de notre Société et de nombreux habitants de la commune et des environs se sont déplacés pour écouter Elven Le Goff, archéologue à l’INRAP qui a dirigé les fouilles de l’oppidum de 2009 à 2011. Il a livré les résultats obtenus scientifiquement de manière accessible à tout public.Conférence

     Un oppidum (oppida au pluriel) est un lieu d’habitat celte, permanent, fortifié que l’on trouve en Europe occidentale et centrale. Sa délimitation par des remparts est à la fois défensive, symbolique et ostentatoire. Pour s’implanter, il profite de défenses naturelles (colline, plateau, abrupt) mais peut aussi se développer dans une île, un méandre, un cap, un marais… Il regroupe des fonctions économiques, politiques religieuses. Nous connaissons leur existence par la description qu’en fait César dans la Guerre des Gaules (57-53 avant notre ère.)

Opidum gaulois de Moulay - 1     L’oppidum de Moulay est un vaste promontoire granitique situé à la confluence de l’Aron et de la Mayenne. Sa forme est celle d’un trapèze. Les vallées y sont bien encaissées. Il est connu déjà au 19e siècle sous l’appellation de « Camp de César ». Les premières investigations archéologiques menées par Jacques Naveau, entre 1972 et 1975, lors de la création d’un lotissement ont révélé une occupation du premier siècle avant notre ère par la découverte de poteries, meules pour la farine, amphores, parures, moules d’activités métallurgiques. Elles ont aussi mis en évidence un premier rempart, long de 380m, large de 20m et haut de 6 à 8 m. Il clôture un espace de 12ha qui correspond sans doute au centre de cité et sur lequel s’est développé l’actuel bourg de Moulay. On voit cette levée de terre maintenant encore dans la rue du Camp gaulois.

Opidum gaulois de Moulay - 2     En 2004, lors du projet du contournement routier Moulay-Mayenne qui passe à 300 mètres à l’est de la fortification connue, l’Inrap a mené un diagnostic archéologique sur près de 9 kilomètres. Il révéla de nombreuses traces de la Tène finale (2e et 1er siècle avant notre ère) et surtout un nouveau rempart de 1200m de long à 1000m en amont du premier. Cette nouvelle défense délimite alors une surface d’oppidum de 135 ha, le plus grand site connu ainsi dans le massif armoricain. Il fait partie des dix plus vastes oppida gaulois ; le plus grand connu actuellement étant celui de Manching en Bavière avec une superficie de 350 ha. Cet oppidum est donc la capitale du peuple des Aulerques Diablintes qui occupait les deux tiers nord du département de la Mayenne au 2e et 1er siècle.

     L’espace était habité par une population difficile à évaluer mais qui était certainement beaucoup plus importante que la celle de la commune actuelle. La fouille qui a commencé en octobre 2009 s’est déroulée sur un espace beaucoup plus étendu qu’à l’habitude pour ce genre de site. Elle s’est étalée sur une surface de 11ha, sur un tronçon de 1400m. Une telle superficie a permis de préciser les espaces intérieurs aménagés et l’organisation interne du site. La ville était organisée de manière orthogonale, en quartiers d’habitation bien définis selon les usages.

 Opidum gaulois de Moulay - 3    Une quarantaine d’habitations a été découverte et fouillée. Les traces qui permettent de reconstituer la maison standard gauloise sont les trous de poteaux au sol. Quatre poteaux porteurs maintiennent l’ossature qui permet de soutenir la charpente. Deux petits poteaux à l’extérieur déterminent le module porte avec le chambranle. Ils donnent la possibilité d’identifier le tracé extérieur des murs. Cela donne une maison de 35 m2, d’une hauteur de 5 à 6m. C’est une architecture traditionnelle de bois et de terre. Les murs en clayonnage sont constitués d’un tressage de branches, souvent du noisetier, sur lesquels on applique un torchis. On pouvait y mettre un enduit. Elle abrite une unité familiale classique de 7 à 8 personnes. Chaque maison standard s’intègre dans des îlots délimités par de petits fossés, sans doute avec palissade, qui déterminent la propriété. Autour de ces îlots s’étendent des potagers, des vergers et des bâtiments annexes comme les greniers à plancher surélevé qui permettent de stocker les vivres pour les préserver du mauvais temps et des rongeurs. Le quartier résidentiel est occupé par de plus grandes maisons. Les maisons s’alignent sur un axe d’orientation bien défini, des mesures établies et des normes répétées.  Cela affirme ainsi une organisation rationnelle qui indique une œuvre d’arpenteurs veillant à une distribution spatiale ordonnancée. Séparé des zones d’habitat par un fossé, un grand bâtiment bien plus haut s’élève seul. Il s’agit d’un bâtiment de type communautaire, peut-être cultuel. Sa position permet d’être vu de l’axe de circulation. Sa fouille a mis au jour des objets précieux en lignite et en verre.

     C’est donc réellement une ville avec des quartiers aux éléments privés ou collectifs. La gestion de l’eau et des déchets devait y être bien organisée. Une ville à l’administration puissante.Opidum gaulois de Moulay - 4

     Les remparts s’élèvent là où la protection naturelle est insuffisante. Ils sont aussi la limite entre l’espace urbain et l’espace rural. Des accès sont aménagés pour entrer : une porte principale relevée pour la petite enceinte située rue de l’Église et deux ont été repérées sur le côté sud et au nord près du hameau du Petit Mesnil. Ces murs de terre et de pierre sont renforcés de traverses de bois épaisses assemblées perpendiculairement par des longues fiches de fer.

     Le site est abandonné à l’époque romaine au profit de Noviodunum (Jublains) pour des raisons que nous ne connaissons pas. Il reste que cet oppidum a été organisé de manière programmée qui nécessitait une élite locale certaine.

                                                                                                Illustrations provenant de la conférence. Auteur E. Le Goff.

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