L’église

L’église de Saint-Martin-du-Limet

Compte-rendu par Joël Poujade

L’ancienne église également dédié à Saint Martin avait une nef renforcée de contreforts irréguliers et le chœur, en léger rétrécissement, était terminé par une abside semi-circulaire. La chapelle seigneuriale de la famille de la Rivière, fondée en 1338, était accotée au Nord. Il y avait aussi une chapelle de St Martin. Le presbytère avait été construit par M. Cadoreau, curé en 1703.

L’église actuelle a été construite à la fin du 19ème siècle sur des plans de M. Lemesle, architecte au Mans. Les inscriptions peintes sur les murs du transept en résument l’histoire : « Sous le pontificat de sa Sainteté Pie IX, Mgr Wicart étant évêque de Laval, M. Landais desservant de St Martin du Limet, M. Doueteau maire de la commune, MM. F. Lamy, J. Morillon, J. Guilon, A. Lepace et R. Hunault fabriciens »

« Cette église a été bâtie en MDCCCLIX par M. Lemesle architecte et décorée de peintures murales par la Société St Grégoire de Tours en MDCCCXIX »

« Cette église est l’œuvre de Dieu. La fabrique et la commune étant sans ressources et en dix-huit mois, l’église a été bâtie. Il n’y a pas eu d’imposition, ni quête, ni augmentation du prix des places. Qui vient à mon œuvre et le pays a dit Seigneur me voici. »

Quasiment tout l’intérêt de cet édifice réside dans les peintures murales dues au comte de Galembert. Après avoir été l’élève de Steuben, peintre d’histoires religieuses et avoir connu le succès en exposant une crucifixion, Louis-Marie-Charles de Bodin, comte de Galembert fait un pèlerinage de trois ans en Orient où il peint, dessine et amasse des documents à travers l’Italie, la Sicile, l’Egypte, la Syrie et la Grèce.

Conscient de sa vocation de peintre religieux, il mène un travail intense à Tours, loin de Paris « où l’homme reste plus indépendant des opinions toutes faites et plus maître des convictions qui lui sont propres ».

D’un côté, il devient archéologue, spécialiste de la peinture murale médiévale, de l’autre, il participe aux séances de réflexion menées sur la mythique Confrérie de St Jean, issue des idées de Lacordaire en 1839.

Il pose alors les bases de la Société de St Grégoire, et élabore les principes de la décoration murale des églises de campagne. C’était une confrérie fonctionnant avec une stricte hiérarchie ; l’apprenti et l’aspirant sociétaire devaient faire leurs preuves artistiques et religieuses avant d’accéder à l’échelon d’ouvrier.

Les prix étaient définis à l’avance (une figure isolée de grandeur naturelle valait 100 francs, un mètre carré de style roman entre deux francs cinquante et quatre francs suivant la richesse de la décoration). Connaissant les finances des paroisses, de Galembert propose de fractionner l’opération, non par partie d’édifice, mais en couvrant la totalité des murs et voûtes d’une ornementation végétale ou géométrique tout en réservant des espaces destinés aux peintures historiées. Ces dernières pouvaient être exécutées ultérieurement en fonction de l’état des finances mais la paroisse disposait d’un édifice orné.

Après avoir pratiqué la fresque et la peinture à l’huile, Louis de Galembert recourt à la chimie afin d’obtenir la technique alliant peinture murale et résistance au temps. Par ajout de silicate de potasse aux pigments et par chauffage, il pense avoir obtenu une peinture aux coloris denses et solidaire d’un support devenu soi-disant inattaquable.

Les peintures de Saint-Martin-du-Limet sont visibles dans leur presque intégralité (parmi les apôtres peints sur les murs latéraux de la nef, St Thomas a disparu.) et permettent de mesurer l’ambition religieuse du peintre. L’organisation générale et le choix iconographique montrent une réflexion centrée autour de la profession de la foi chrétienne. Le programme didactique et pédagogique de Galembert, véritable catéchisme en image, s’inscrit dans le mouvement de restauration doctrinale qui, sous le pontificat de Pie IX, réaffirme les croyances essentielles de l’église catholique.

Représentant de l’optimisme chrétien, mouvement à contre-courant en ces années 1860, Galembert exprime en particulier la foi en un Christ source de vie. Par la simplicité de l’ordonnance, la sobriété, la retenue des gestes des personnages au nombre réduit, l’égalité de la lumière, l’atténuation du modelé, l’accusé des contours, la gamme de teintes claires et douces, traitées en aplat, par l’application d’un nouveau procédé et le choix d’un décor qui respecte l’architecture, les peintures nazaréennes du comte de Galembert participent au renouveau de la peinture monumentale.

Murs latéraux de la nef :

les apôtres récitent le credo écrit sous leurs pieds, en français, à portée de lecture des fidèles.

Monumental chemin de croix, sur fond noir, où un commentaire, en français, se détachait en lettres d’or. Vraisemblablement posé à sec, il a disparu en presque totalité.

Revers de la façade : deux tableaux

St Martin, saint militaire, professe son appartenance à la religion chrétienne devant son empereur peu avant le martyre. Apparition du Christ, vêtu du manteau donné par St Martin, insiste plus sur la récompense de la bonne action que sur l’acte lui-même.

Bras droit du transept : St Sébastien, autre saint militaire, a la même attitude devant Dioclétien.

Bras gauche du transept : la Visitation rappelle le témoignage de la première reconnaissance humaine de la nature divine du Christ bientôt enfanté par la Vierge.

Abside du chœur : suite de personnages liés par l’idée de paternité ; Joseph père du Christ, Zacharie celui de Jean-Baptiste, Abraham père d’une multitude plus nombreuse que les étoiles. David qui occupe une place importante dans la généalogie du Christ, Joachim père de la Vierge. Ils soutiennent l’image de Dieu, assis sur son trône de gloire, théophanie peinte à la voûte entre les pampres inspirés de la décoration de la chambre papale du palais d’Avignon. Cette iconographie évoque le pater noster.

Première travée du chœur : deux grands tableaux peints (sans silicate vu l’état médiocre de conservation)

Mur de gauche : le Christ bénissant la Vierge assis sur un char tiré par les 4 évangélistes aidés par des dignitaires de l’église. Allégorie de l’Eglise et de son rôle de propagation de la foi. Inspiré d’une épître de St Jérôme sur le quadrige du Seigneur.

Mur de droite : rencontre d’Abraham et de Melchisédech symbolise le mystère eucharistique qui se déroule sur l’autel, entre les deux tableaux.

Ces peintures murales caractéristiques de son œuvre, sont l’un des derniers grands chantiers de Louis, comte de Galembert.

Documentation : Dictionnaire de la Mayenne, abbé A. Angot.

Saint-Martin-du-Limet et le comte de Galembert, C. Davy, 303 – Arts, Recherches et Créations, Numéro 37 – 2ème trim. 1993

Base Mérimée.

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