Entrammes

Samedi 29 septembre :
En remontant le temps, d’Entrammes à Interamnes
Par Stéphane Hiland

Dans le cadre du lancement officiel de la dernière publication de la SAHM consacrée à la riche histoire d’Entrammes, une soixantaine d’adhérents, auxquels s’étaient joint quelques locaux, ont suivi Stéphane Hiland lors de l’évocation, sur sites, de quatre événements majeurs s’étant déroulés sur le territoire de la commune.

Interamnes, agglomération secondaire en territoire diablinte

En 1987, la découverte par J-H. Boufflet de thermes gallo-romains sous l’église Saint-Étienne permet de mettre en valeur le rôle joué dans l’Antiquité par l’agglomération secondaire d’Entrammes située à la confluence de trois rivières (la Mayenne, l’Ouette et la Jouanne) sur la voie Le Mans-Rennes. A proximité d’une palestre, terrain de sport où l’on effectuait des exercices physiques, le bâtiment de bains publics mis au jour adopte la forme d’un quadrilatère de 28,50 mètres de long pour 10 m de large. A l’intérieur, l’espace est cloisonné par des pièces disposées en enfilade à la fonction bien précise. L’usager qui arrivait aux thermes déposait ses vêtements au vestiaire et chaussait des sandales à la semelle de bois pour éviter de se brûler les pieds sur le sol chauffé par un hypocauste. Il traversait rapidement une première salle pour s’installer ensuite au tepidarium ou salle tiède dans laquelle il s’adonnait aux massages et se préparait au bain. Il passait ensuite dans l’étuve (sudatorium) pour y suer abondamment. Enfin, à l’extrémité du bâtiment près du foyer (praefurnium), il gagnait la salle des bains chauds (caldarium) où il pouvait s’immerger dans un bassin à dalles de schiste ou s’asperger au labrum, vasque comprise dans l’épaisseur du mur. Son parcours s’achèvait par un retour à la salle froide (frigidarium) pour une dernière immersion destinée à resserrer les pores de la peau. Monument dédié à l’hygiène, les thermes d’Entrammes, de par la richesse de leur décor fait d’enduits peints et de chapiteaux sculptés en marbre, témoignent également de l’adoption du mode de vie à la romaine des élites gauloises à la fin du 1er et au début du 2ème siècle de notre ère.

Les thermes d’Entrammes
Façade sud du château médièval d’Entrammes

Au moyen-âge, un château centre de la seigneurie d’Entrammes

Cité pour la première fois dans les sources écrites en 1046, Robert d’Entrammes passe pour avoir été l’un des principaux vassaux de Guy de Laval. Comme son puissant suzerain, il serait originaire du Haut-Maine et l’aurait accompagné lors de sa prise de possession des territoires bordant la Mayenne. Aussi, apparaît-il tout à fait logique que Guy ait confié à l’un de ses hommes de confiance le contrôle d’un point de passage important sur cette rivière, en l’occurrence l’ancien chemin rennais la franchissant à gué à hauteur de Port-Ringeard. Par la suite, Hamon, son successeur, demeure dans l’entourage de Guy et on le voit notamment témoigner lors des fondations des prieurés d’Arquenay et surtout de Saint-Martin de Laval, en 1055, où son nom occupe la première position dans la liste des personnes présentes. L’existence d’un lieu de résidence pour un lignage noble s’impose à l’époque comme une évidence et se matérialise généralement sous les traits d’une motte féodale. L’analyse du cadastre napoléonien, daté de 1810, laisse entrevoir la forme d’une parcelle circulaire le long de la rue principale du bourg à quelques centaines de mètres du château actuel. Peut-être faut-il y voir les traces de la motte primitive ? Toujours est-il qu’il convient de remarquer que l’existence de celle-ci a dû s’avérer éphémère dans le temps. Du moins, peut-on constater aujourd’hui que les vestiges subsistants du château d’Entrammes relèvent d’un bâtiment maçonné en pierre adoptant la forme générale d’un T. Le curieux qui s’en approche par la prairie située au sud peut aisément en distinguer le caractère médiéval, notamment de par la tour circulaire percée d’une archère qui en marque l’angle oriental. Aucune preuve n’est en mesure de venir étayer l’hypothèse selon laquelle c’est Thibault III de Mathefelon qui, au début du 13ème siècle, vint moderniser le château des premiers seigneurs d’Entrammes. Tout juste sait-on que ce monument, symbole du pouvoir séculaire des seigneurs d’Entrammes, disparût en partie dans l’incendie allumé par les chouans en 1794…

Sur les lieux de la bataille d’Entrammes en 1793

1793 : Vendéens et Républicains s’affrontent dans une bataille fratricide

Depuis les premiers jours du mois de mars 1793, la France est en proie à l’une des plus importantes guerres civiles de son histoire. Les hostilités ont été déclenchées par un décret impopulaire en date du 25 février ordonnant la conscription par tirage au sort de 300.000 hommes appelés à servir dans les armées de la République. Déjà privés de liberté religieuse et subissant un contexte économique défavorable, les paysans se sont lancés dans la révolte en ralliant à eux la petite noblesse des campagnes. Ainsi est née au sud de la Loire, à la suite du soulèvement spontané de 600 paroisses, l’armée catholique et royale qui combat au nom de Louis XVII. L’enthousiasme des insurgés, ajouté à la désorganisation des forces républicaines, permet aux Vendéens de conquérir des villes importantes telles Fontenay-le-Comte, Saumur ou Angers. Mais la République finit par réagir en mobilisant une armée de métier qui vient de se couvrir de gloire sur le front de l’est au siège de Mayence. A Cholet, le 17 octobre, les soldats républicains, après un combat opiniâtre, prennent l’avantage et poussent les insurgés à traverser la Loire. Parvenus à Château-Gontier le 21 octobre, les Vendéens poursuivent leur route vers le nord et atteignent ainsi Entrammes, avant de rejoindre Laval. Au matin du 26 octobre, le temps est froid et humide. Le sol est détrempé par plusieurs jours de pluie et les soldats de la République, qui traversent le bourg d’Entrammes, doivent franchir sans broncher les flaques de boue qui parsèment leur chemin. Ils viennent de recevoir l’ordre du général Léchelle de marcher en bon ordre à la rencontre de l’ennemi qui est sorti de Laval. Vers dix heures, la rencontre a lieu près de la ferme de la Coudre. Les Vendéens, à la tête desquels se trouve leur jeune général âgé de 21 ans Henri de La Rochejaquelein, soutiennent le choc et prennent l’avantage. Franchissant la Jouanne au gué des Châteliers, ils reprennent possession du bourg d’Entrammes après une vive fusillade sur le coup de midi. Arrivés en renfort, Kleber et Marceau, de la ferme de la Bétonnière située au sud sur les hauteurs du village, tentent d’organiser la retraite républicaine en bon ordre. En vain. Jean Chouan, qui sert de guide aux Vendéens, les conduit vers le pont d’Ouette pour prendre à revers les derniers îlots de résistance républicains. Pour ces derniers, la déroute tourne au carnage. Le combat ne cesse véritablement le soir qu’avec la prise du pont de Château-Gontier par les Vendéens. Les Républicains s’enfuient vers Angers. L’armée catholique et royale a remporté la bataille d’Entrammes qui sonne comme une revanche de la défaite de Cholet.

1894, l’affaire du puits d’Entrammes fait la une des gazettes nationales

Au matin du 3 janvier 1894, le corps sans vie du curé Fricot est retrouvé au fond du puits situé dans le jardin du presbytère d’Entrammes. Rapidement, les soupçons des enquêteurs se portent sur la personnalité de l’abbé Bruneau, vicaire de la paroisse. Il réside habituellement au presbytère en compagnie de la victime et de leur gouvernante, la veuve Charloux. Ses passages à Laval sont néanmoins fréquents : une enquête de mœurs va notamment prouver que notre jeune abbé est un habitué des maisons de tolérance. On lui reconnaît un penchant pour la gente féminine et pour les bonnes bouteilles. Sans compter qu’en fouillant dans son passé, on s’aperçoit qu’il a été convaincu de vol et d’une escroquerie à l’assurance lors de son premier ministère à Astillé. Dès lors, une fois ces informations divulguées dans la presse, toutes les haines se cristallisent sur l’abbé Bruneau : l’opinion politique de gauche, qui milite alors pour la séparation de l’Église et de l’État qui finira par être effective en 1905, y voit l’occasion de railler les abus du clergé. Quant à la droite conservatrice, elle voue à la damnation cette âme perdue dont les actes bafouent la morale chrétienne. Le sort de l’abbé Bruneau est scellé : à la suite d’une instruction qui se déroule dans un climat passionné, il est convaincu d’être l’assassin de l’abbé Fricot et est condamné à la peine capitale. Le 30 août 1894, au pied de l’échafaud qui se dresse place de la Trémoille à Laval, l’abbé Bruneau continue à clamer son innocence. Sa tête tombe pourtant sous le couperet. Cent ans après son exécution, Jacques Leconte, ancien avocat au barreau de Laval, prend connaissance du dossier. En soulignant les incohérences de l’enquête, et s’appuyant sur des témoignages faits sous couvert de la confession et conservés aux archives diocésaines, il parvient à démontrer l’innocence de celui que l’opinion publique avait, à l’époque, désigné comme le coupable idéal.

 

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