Conférence du 28/3 : Le château de la Helberdière

Histoire et archives

par Thibault Balu et Séverine Bourdais.

Situé à Cossé en Champagne, le château de la Helberdière est cité pour la première fois en 1469. Il conserve néanmoins des témoins archéologiques datant de la fin du XIIe siècle qui indiquent une implantation avérée dès la fin des années 1150.
Le site fonctionne actuellement selon l’archétype philippien du château fort, à savoir un plan carré flanqué de tours et de douves autour desquelles s’articulent tous les éléments constitutifs d’un château : chapelle, salle basse et cuisine, corps de logis, étable, grange, écurie, four banal, pigeonnier, pont levis. Cette organisation est issue d’une grande phase de reconstruction du château, postérieure à la guerre de Cent Ans (fin du XVe – début du XVIe).

La Helberdière - Etat en 1500

Etat supposé du château vers 1500

La Helberdière - Etat actuel

Etat actuel

 

 

 

 

 

 

 

La découverte fortuite du fonds d’archives de la Helberdière, conservé sous la dénomination « Fonds Leclerc » aux Archives départementales de la Mayenne, a permis l’ouverture de possibilités de recherche jusqu’alors inenvisageables.

Le classement des archives, réalisé par Séverine Bourdais, a permis le démarrage de deux projets d’étude : l’un portant sur les paysans du domaine, l’autre sur le château et ses seigneurs.
L’objectif de l’étude des paysans était d’approcher l’histoire « au ras le sol », à savoir comprendre les relations qu’entretenaient les paysans et leur seigneur, connaître les différentes solidarités familiales ou économiques qui les unissaient. Une trentaine de baux passés sur le domaine entre 1689 et 1775 a constitué le corpus de base de la réflexion. Les baux, à ferme ou à moitié, sont en effet riches d’informations qui éclairent sur les considérations économiques liées à l’exploitation de la terre. L’étude des profils des différents protagonistes, recoupée avec les informations factuelles contenues dans les baux, permet de constater qu’il existe bien des rapports sociaux-économiques entre les paysans et leur propriétaire, rapports qui évoluent au fil du temps, au gré du contexte économique ou de l’origine sociale du seigneur. À l’issue à cette première approche du fonds d’archives, le décor de l’environnement géographique et social du château de la Helberdière aux XVIIe et XVIIIe siècles était planté.
Le second travail d’étude, réalisé par Thibault Balu consistait à analyser le rapport social-esthétique entretenu par les différents seigneurs avec leur château. Pour que ce projet d’étude aboutisse, des cadres méthodologiques permettant le croisement des sources archéologiques, architecturales et documentaires ont été mis en place.

Si les sources écrites sont peu nombreuses avant le XVIe siècle, plusieurs hypothèses établies grâce au croisement d’informations archéologiques et étymologiques permettent de déterminer une implantation supposée vers les années 1150. Ces conclusions sont établies au travers de l’étude des sites médiévaux proches de la Helberdière et des toponymes du site (Helberdière : lieu d’Herbert ; le champ de la Plesse : lieu des palissades ; la Motte : présence d’une ancienne motte féodale ; Châtillon : castel), et également grâce à l’observation des aménités du site défensif, placé sur un point abrupt de 35 mètres d’altitude au dessus de la vallée du Treulon. L’étude archéologique du bâti complète ces observations. Quant à l’absence de sources écrites avant 1469, elle peut être expliquée par la présence marquée des anglais dans ce secteur géographique durant la guerre de Cent Ans.

Les hypothèses relatives à la genèse de l’implantation du site étant établies, l’analyse a pu se concentrer sur le château et ses seigneurs. Depuis Philippe de Boiscornu, commanditaire de la reconstruction du site entre 1490 et 1510, plusieurs familles se sont succédé à la Helberdière, chacune entretenant une relation différente avec le château. Les familles de Favières, de Percault, de Montesson et de Barat, issues de la vieille noblesse féodale, se contentent du projet architectural de leur prédécesseur. Aucuns travaux d’envergure ne semblent avoir eu lieu.
En 1640, le château passe entre dans la famille de Jean d’Albert de Bois d’Amour, qui, malgré un début d’investissement architectural avéré, décède prématurément. Ses héritiers, mineurs, se désintéressent de la demeure. L’effondrement de la voûte en pierre de la chapelle en 1680 en constitue le symbole.

C’est donc dans un état de dégradation avancée que la famille Crosnier de la Marsollière acquiert le château de la Helberdière en 1700 et entreprend des travaux d’urgence, à moindre coût, tout en considérant son acquisition comme un investissement économique plutôt que comme un véritable investissement honorifique. Il faut attendre l’année 1756, marquée par l’achat du château de la Helberdière par la famille Leclerc de Monternault, pour que se dessine un véritable projet autour de cette propriété. Archétype de la noblesse des campagnes à la fin de l’Ancien Régime, la famille Leclerc de Monternault réside périodiquement dans son château de la Helberdière.

La Helberdière - tour

Vue de la tour du Fournil en 2013

Jean-René Leclerc de la Roussière en hérite en 1774. Il apporte une touche néo-classique à l’intérieur du château et s’essaie à la mise en œuvre des thèses physiocratiques en vogue à la fin du XVIIIe siècle, notamment en agrandissant régulièrement le domaine qui relève directement de la seigneurie : lors de sa vente en bien national en 1793, d’après l’abbé Gaugain, le domaine de la Helberdière est l’un des plus importants domaines agricoles de la Mayenne.

Tout en croisant les informations recueillies dans les archives et l’archéologie, l’étude ainsi menée a permis de découvrir la conception castrale des différents seigneurs et de comprendre le château de la Helberdière tel que nous le connaissons aujourd’hui. Mais le travail de recherche et les découvertes fortuites peuvent toujours confirmer, ou au contraire démentir les conclusions établies : c’est un véritable lieu de mémoire vivante !

À la lumière de ces découvertes, il semble donc plus qu’opportun de valoriser cette histoire. La connaissance des lieux permet maintenant de mieux appréhender les choix à réaliser lors des nouveaux projets architecturaux.

Th Ballu et S Bourdais

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