Trois dames et un château

Conférence

Samedi 15 mars 2008

« Trois dames et un château

Le tragique destin du château de Hauteville à Charchigné »

Par Marie-Thérèse et Jean PELATAN et Odette TOURNIER

Les intervenants

Depuis sa construction à la veille de la Révolution jusqu’à son incendie accidentel en 1922, le château de Hauteville, en Charchigné, a connu une histoire brillante : trois dames ont successivement marqué, chacune à leur manière, une époque de la vie de ce fief important.

Françoise, Madeleine, Perrine de la Corbière de Juvigné naît en 1751 au château de la Jupillère. Elle devient marquise de Hauteville par son mariage avec Charles du Hardaz en 1769, à qui elle donne trois fils. Charles du Hardaz commence la construction du château de Hauteville en 1785. Les travaux ne sont pas terminés en 1789. Charles émigre en 1792. Pour protéger ses biens contre les réquisitions, sa femme demande le divorce. Après la tourmente révolutionnaire, Françoise de la Corbière se consacre à reconstruire le patrimoine avec l’aide de son mari dont elle se dit toujours « divorcée ». Elle veille, en bonne maîtresse de maison au confort de sa famille (fils, belle-fille, trois petits-enfants) et soigne son mari malade. Tout cet aspect de sa vie nous est connu par le livre de dépense qu’elle tiendra jusqu’à sa mort en 1834.

Mélanie de Hauteville, épouse de son petit-fils, d’abord châtelaine discrète soucieuse d’une bonne gestion de ses domaines, va peu à peu embrasser, à partir de 1827, la cause légitimiste qui défend les descendants issus en ligne directe de Louis XIV contre les Orléanistes partisans de Louis-Philippe.  L’action de Mélanie devient vite suspecte aux yeux de Paul Boudet, député de Laval depuis 1834, qui la fera sans cesse surveiller et dont elle dénoncera la pratique dans une longue et assidue correspondance avec le journal « L’indépendant de l’Ouest »; elle cherchera en vain à le « démolir » et , après 1871, elle favorisera la candidature royale du Comte de Chambord, le futur Henri V. Obstinée dans ses traditions de fidélité à la dynastie, elle refusera jusqu’à sa mort en 1883 de collaborer avec le régime en place.

Dernière châtelaine d’Hauteville, Mathilde de Montesquiou-Fésenzac, née en 1883, passe une jeunesse heureuse au cours de longs séjours en compagnie de ses grand parents maternels et d’une mère protectrice pendant les périples de son père sur de lointains océans. Orpheline à 18 ans, elle est recueillie à Paris par sa tante Hélène, lady Standish, qui reçoit dans son salon bon nombre d’artistes de renom. Musicienne elle-même, passant de longues heures à son piano, la jeune Mathilde y tombe éperdument amoureuse de Charles-Marie Widor, organiste de gloire mondiale de presque quarante ans son aîné. Après une longue période d’attente, le mariage a enfin lieu en la chapelle du château d’Hauteville en 1920. Dernières heures de splendeur pour ce château qu’un incendie détruit en 1922. Veuve depuis 1937, sombrant dans une dépression, Mathilde est par ailleurs spoliée de son héritage par les personnes sensées la protéger. Elle meurt finalement à Combelles dans le Lot-et-Garonne en septembre 1960. Son corps est rapatrié dans la chapelle funéraire de sa famille située dans le cimetière de Charchigné.

Restent aujourd’hui de l’histoire d’Hauteville d’émouvantes ruines, mais les écuries et les bâtiments de service, où vit la famille du fermier qui a acheté le domaine de Mathilde, sont joliment restaurés.

Le château de Hauteville

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