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par Christophe Marchesi |
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la Bambina de Mariette(Mayenne) |
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la Bambina de Milan |
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la Bambina du Carmel de Laval (Mayenne) |
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Conférence du 30 novembre 2013 : « Maria Santissima Bambina »Que doit-on traduire mais surtout comprendre derrière cette appellation ? C’est le rappel tout simplement la Nativité de la Vierge Marie. Bien que le culte de la Bambina date de la seconde moitié du 19e siècle, il s’est constitué sur des éléments dévots datant des premières origines chrétiennes. Durant des siècles, passant de l’Italie vers la France et de la France vers l’Italie, les liens autour de la dévotion à la Nativité de la Vierge entre ces deux pays n’ont cessé de se tisser pour subir au XIXe siècle une accélération inouïe.
A l’époque médiévale, la Nativité de Marie n’apparaît jamais seule dans l’iconographie, mais toujours avec sa mère, sainte Anne. La première forme manifeste envers Marie est sans doute l’apparition de sa fête en Orient le 8 septembre. Elle est apparue en France, en Anjou. Elle porta longtemps le titre de Notre-Dame Angevine, rappelant que la Vierge Marie apparut en 430, près de Saint-Florent (Maine-et-Loire), au saint évêque Maurille d’Angers (né à Milan) pour lui demander l’institution de la fête de sa Nativité. La dévotion se propagea ensuite un peu partout dans l’occident et en l’an 1007 dans la ville de Milan. Progressivement, la Vierge Marie est prise comme une image identitaire de la ville si bien qu’en 1288, Milan est appelée « Cité de la Vierge ». Au-dessus de l’entrée de la cathédrale consacrée par Charles Borromé en 1572 est gravée appellation : Maria Nascenti, symboliquement « Marie Enfant ».
La matérialisation de la Vierge au berceau apparait à partir du Concile de Trente (1518-1563). Elle commence surtout dans un indice intéressant qui se trouve dans le « De pictura sacra » du cardinal et archevêque de Milan, Mgr Borromeo. En France, le Père Olier, qui créa Saint-Sulpice, avait une idée bien précise sur la représentation de la Nativité, si bien qu’en 1653, il recommanda à l’une de ses pénitentes de la reproduire sur papier. La pensée du Père Olier parvint jusqu’en dans la ville de Todi (Italie) où Isabella Chiara Fornari, une religieuse franciscaine, supérieure d’un monastère de cette ville, s’était spécialisée dans l’art de modeler des figures de cire représentant la Vierge et l’Enfant Jésus de Prague. Ces petites statuettes s’appelleront désormais des « Maria Bambina » (Marie Enfant), ou sous différentes variantes : « Santa Bambina » (Sainte Enfant) ou « Santissima Bambina » (Très Sainte Enfant).
En 1842, une statue fut confiée aux Sœurs de la Charité, chargées à Milan du soin des malades dans le nouvel hôpital de Ciceri. Le 9 septembre 1884, une religieuse infirme, sera totalement guérie après avoir porté la statue dans ses bras. Le 16 janvier 1885, la statue, jaunie et décolorée, prit soudainement une teinte légèrement rosée et devint semblable à une statue comme neuve. Ce fait extraordinaire et de nouvelles guérisons et grâces miraculeuses contribuèrent à accroître la dévotion à la Santissima Bambina. Le 8 décembre 1888, la statue fut transférée dans la nouvelle chapelle attenante au Couvent, construite en son honneur. La dévotion fut reconnue le 4 décembre 1903, jour où la statue fut solennellement couronnée par le pape Pie X.
Vers le mois de juin 1890, en France, une petite gravure de la Bambina, vint à tomber t entre les mains des Carmélites-Déchaussées de Laval. La Supérieure voulut propager la dévotion, idée qui sera soutenue par Mgr Jules Cléret, aumônier attitré su Carmel. Le 22 mai 1891, il donnera lui-même une indulgence à l’une des prières imagées italiennes ; se faisant ainsi le premier prélat français à encourager la dévotion en France. Le 17 février 1898, le premier oratoire public élevé en l’honneur de la Santissima Bambina fut inaugurée au Carmel par le Pape Léon XIII.
Dès 1894, les Carmélites-Déchaussées de Laval, « demandèrent, avec autorisation, de copier la Santissima Bambina d’Italie, afin de la faire rayonner dans le monde entier. Ainsi, la Maison Raffl de Paris, fabricant de statuaire religieuse, reproduira par fac-similés ces statues qui seront parfois appelés «trônes-berceaux », car l’ornementation du berceau de la Vierge rappelle le style baroque des sièges impériaux durant le Premier Empire. Cette fois-ci elles ne sont plus fabriquées en cire, mais moulées dans du plâtre-stuc, richement polychromées. La statue de la Vierge enfant est couchée sur un berceau dont les bords sont très ouvragés. Les pieds de celui-ci sont en volutes, un pied central débordant est orné d’un angelot aux ailes déployées. En son socle, nous pouvons lire : MARIA SANTISSIMA BAMBINA, en traduction, Marie Très Sainte Enfant.
La statue sera ainsi adoptée dans les sanctuaires mariaux, les églises, mais aussi dans les pensionnats, les chapelles privées et même dans les maisons particulières. Les congrégation religieuses étroitement liées à l’esprit de charité furent également sollicitées pour répandre le culte . Une centaine de statues fut ainsi « adoptée » dans la plupart des monastères, couvents et abbayes.
Devant cette ferveur pressante, le Pape Léon XIII exhorta de plus en plus les prêtres des paroisses à introduire eux aussi le culte de la Bambina. Dans le diocèse de Laval, point de départ de la dévotion, le Chanoine Normandière, en qualité de directeur de la Confrérie diocésaine de la Santissima Bambina, tout en entretenant d’étroites relations avec le Saint-Siège, fut chargé de la diffusion du culte au sein du clergé mayennais, se faisant ainsi dépositaire des quelques statues, intronisées dans les paroisses de son diocèse. C’est pour cette raison que nous retrouvons des statuettes à Pontmain, Beaumont-Pied-de-Bœuf, Fougerolles-du-Plessis ; au Monastère des Bénédictines de Craon, des Sœurs de la Charité et du Refuge à Evron, des Ursulines de Château-Gontier et enfin des Visitandines de Mayenne. De nos jours, en France, se sont plus d’une soixantaine de reproductions en plâtre et parfois en cire qui sont conservées dans diverses congrégations religieuses, mais aussi dans certaines églises paroissiales et chapelles.
Une confrérie de la Santissima Bambina fut ensuite créée et la statue devint très vite un symbole pour les enfants. Non seulement portée en procession, la Vierge Enfant, dont la symbolique était autant importante que le Crucifix, était aussi, dans une société paysanne où la stérilité était une vraie disgrâce, un objet de piété très utile afin de se protéger contre les maléfices, le « mauvais œil », qui pourraient empêcher la conception. |