Trésor monétaire

Conférence du mercredi 27 mai 2009

Le trésor de Brains-sur-les-marches

Quand la monnaie raconte la crise de l’empire romain

Par Sophie Lechat-Gatel et Stéphane Hiland

Fruit d’une découverte fortuite réalisée en juin 1991 par un particulier qui réalisait des travaux de terrassement dans son jardin, le trésor monétaire de Brains-sur-les-marches constitue l’un des témoignages archéologiques les plus intéressants de la Mayenne gallo-romaine. La preuve en est que celui-ci occupe aujourd’hui une place d’honneur dans une vitrine du musée départemental de Jublains où il atteste, de par sa matérialité, du contexte de troubles politique et économique que connaît l’empire romain, et plus particulièrement la Gaule, dans le courant du 3ème siècle.

Composé de 4370 monnaies mises à l’abri dans une céramique, le dépôt ainsi découvert apporte la preuve la plus tardive à ce jour de la fréquentation de la voie Rennes-Angers qui passe sur le territoire de la commune de Brains-sur-les-marches après avoir traversé la forêt de La Guerche. S’il paraît difficile de connaître l’identité de son propriétaire (dont on peut aisément deviner le funeste destin puisque n’étant pas revenu rechercher son bien), plusieurs hypothèses peuvent être cependant formulées quant aux conditions de l’enfouissement de ce trésor : sans doute dispose-t-on, par cet intermédiaire, des traces du passage dans la région d’un marchand ou d’un haut fonctionnaire romain s’étant senti menacé au point de vouloir dissimuler ses économies. En tout état de cause, il s’impose aux yeux des archéologues et historiens comme un témoignage à charge des raids barbares ou des bagaudes (nom donné aux bandes de brigands constituées essentiellement de petits paysans ruinés par la crise économique) qui ont ravagé le nord-ouest de la Gaule sous le règne de l’empereur Probus (276-282).

L’étude du corpus numismatique montre en effet que les monnaies ainsi thésaurisées présentent une amplitude chronologique allant de 240 à 282. Majoritairement constitués d’antoniniens (nom donné à l’époque contemporaine à une monnaie de 5g saucée d’argent créé sous l’empereur Caracalla), le trésor de Brains-sur-les-marches apporte également la preuve de la dévaluation progressive de la monnaie romaine : à mesure que l’on avance dans le siècle, les espèces deviennent moins lourdes et plus pauvres en argent.

Par ailleurs, on constate une écrasante majorité d’exemplaires frappés à l’effigie des empereurs gaulois (260-274), ce qui tend à prouver que la constitution de ce trésor s’est échelonnée sur un laps de temps assez court ; le propriétaire prenant grand soin de conserver sous cette forme d’épargne les monnaies présentant les plus beaux caractères.

Enfin, un trésor monétaire comme celui de Brains-sur-les-marches, outre son intérêt archéologique, offre toujours son lot de surprises, notamment au chercheur spécialisé qu’est le numismate. Aussi, Sophie Lechat qui en a fait l’étude dans le cadre d’un mémoire de maîtrise en histoire ancienne a-t-elle pu reconnaître dans ce corpus des exemplaires rarissimes de monnaies de Gallien issues de l’émission inaugurale de l’atelier de Siscia ou de Postume dont le buste se superpose à celui d’Hercule.

La découverte récente d’un trésor de 104 kg de monnaies du 3ème siècle à Pannecé dans le département de la Loire-Atlantique laisse présager, dans un futur proche, de l’intérêt de nouvelles trouvailles et de leur apport à l’archéologie et à la numismatique.

 

 

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