Dominique ÉRAUD (1954-2012)
par Nicolas FOISNEAU et Jacques NAVEAU Tous ceux qui, depuis les années 1980, ont travaillé sur le patrimoine historique mayennais ou qui en ont assuré la préservation et la mise en valeur savent ce que la Mayenne doit à Dominique Éraud. Conservateur du patrimoine chargé par le Conseil général de la mission Inventaire, conservateur des Antiquités et Objets d’art, il a sillonné le département, rencontré et informé les agents de l’État, les élus et les propriétaires privés et, à travers la vie associative et les publications, mis ses connaissances au service de tous les Mayennais. Un chercheur professionnel Son activité n’a pas débuté en Mayenne. Né à Nantes en 1954, il a fait ses études d’histoire de l’art à l’Université de Rennes 2. Là, sous la direction de Jacques Mallet, spécialiste de l’art roman en Anjou, il a consacré son Diplôme d’Études Approfondies à la cathédrale de Nantes, plus précisément aux périodes précédant la phase gothique. Son intérêt pour ce monument est demeuré entier durant toute sa carrière, au point que la dernière publication qu’il a pu achever, et qu’il a envoyée à l’éditeur quelques semaines avant sa mort, lui est précisément consacrée. À l’issue de ses études, il a engagé une carrière de chercheur à l’Inventaire général, brièvement en Anjou, puis à partir de 1979 en Mayenne. Il s’est dès lors, et pendant plus de trente ans, dévoué à la cause du patrimoine mayennais. Pendant les premières années, employé à la fois par la ville de Laval et par le Conseil général, il a partagé son temps entre l’inventaire du patrimoine de Laval et celui de cantons ruraux, Évron, Montsûrs puis Argentré. Puis, devenu conservateur du patrimoine, il a recentré son activité sur le seul département. Son activité s’est d’abord inscrite au sein du service de l’inventaire, avec Diane de Maynard, puis avec Nicolas Foisneau. En 2000, le Conseil général a regroupé l’inventaire, l’archéologie, les musées et l’animation du patrimoine dans un service du patrimoine, où Dominique Éraud a pu poursuivre ses missions en coordination avec d’autres spécialistes concourant aux mêmes objectifs généraux. Des domaines de spécialité Concernant le patrimoine mayennais, sa curiosité était sans limite. Il laisse un nombre important de publications dans les collections de l’Inventaire, Images et Cahiers du Patrimoine, mais aussi dans des revues, principalement La Mayenne, Archéologie, Histoire, la revue de la Société d’archéologie et d’histoire de la Mayenne, et la revue culturelle régionale 303. Plusieurs concernent divers aspects du patrimoine lavallois : l’Image du Patrimoine sur Laval, mais aussi diverses contributions sur le château, l’enceinte médiévale, les maisons à pan de bois, les blanchisseries, la collégiale Saint-Tugal, ainsi qu’un grand article qui lui tenait particulièrement à cœur sur la cathédrale de Laval. Un autre aspect important de ses travaux concerne le patrimoine industriel : les fours à chaux et la métallurgie. Il a ainsi contribué au gros Cahier du Patrimoine portant sur la métallurgie du Maine. Parallèlement aux études de monuments ou d’activités économiques, il a multiplié, à partir de la fin des années 1980, les recherches consacrées aux objets mobiliers religieux. Cela correspondait à ses goûts, aux compétences qu’il avait particulièrement acquises dans ce domaine et à sa capacité à mener des enquêtes opiniâtres et minutieuses en croisant l’exploration des archives et l’utilisation de critères stylistiques rigoureux. Ce travail a abouti notamment à une Image du Patrimoine sur les retables lavallois, pour lesquels il a souvent collaboré avec Jacques Salbert, à une étude plus spécialement consacrée au retable de l’église des Calvairiennes de Mayenne et à sa participation au Cahier du Patrimoine portant sur l’orfèvrerie du Bas-Maine et de l’Anjou. C’est précisément cette compétence dans le domaine des objets mobiliers qui l’a amené à exercer, pendant plus de vingt ans la mission de conservateur des Antiquités et Objets d’Art de la Mayenne, en remplacement de l’abbé Chandavoine, enrichissant ainsi les missions propres à l’Inventaire. Cette activité a pris de plus en plus de place dans les dernières années de son travail. Il a ainsi contribué à la protection au titre des Monuments Historiques de centaines d’objets principalement conservés dans les églises. Il a aussi suivi de nombreuses restaurations, apportant son indispensable expertise aux communes propriétaires de ces objets et collaborant avec de nombreux restaurateurs. Une grande passion l’animait quand, au détour d’un placard ou d’une sacristie, ou grâce au signalement que lui faisait un curé ou un habitant, il participait à une découverte intéressante venant prolonger la longue série des œuvres d’importance conservées dans les édifices mayennais : par exemple, à la fin de sa carrière, un calice du 17e siècle à Gesvres ou le bras reliquaire de saint Blaise, du 15e siècle, à Andouillé, qu’il n’aura pas eu le temps de faire protéger au titre des Monuments Historiques. Un engagement effectif dans la vie associative Dominique Éraud ne traçait aucune frontière entre son activité professionnelle et celle qu’il menait, bénévolement, dans le cadre associatif. D’une disponibilité exceptionnelle, il assumait l’une et l’autre avec la même énergie, il faisait circuler l’information de l’une à l’autre du moment qu’elle était scientifiquement validée, avec le souci constant de mettre ses découvertes à la disposition de tous, chercheurs ou publics s’intéressant au patrimoine. Une structure existait pour développer cette action associative, la Société d’archéologie et d’histoire de la Mayenne (SAHM), dont on peut dire sans excès qu’il a été l’un des piliers. Il est arrivé en Mayenne au moment précis où cette association venait d’émerger de l’ancienne Commission historique et archéologique de la Mayenne, non par rupture, mais en accentuant une évolution déjà ancienne vers une plus grande ouverture. Sa volonté de partager ses connaissances y a donc trouvé le lieu idéal pour se manifester. Dominique Éraud, malgré sa très grande modestie, a été l’un des membres les plus connus de la SAHM, parce qu’il était toujours volontaire pour présenter un monument à l’occasion d’une excursion, pour intervenir lors d’une visite en ajoutant des informations ou en apportant des éclairages nouveaux. En octobre 1982, par exemple, on le voit diriger une excursion dans la région de Saint-Denis-d’Anjou en compagnie d’Henry Chanteux, autre pilier de la SAHM, et de l’architecte des Bâtiments de France Jacques-Henry Bouflet. Deux mois plus tard, il prononce une conférence sur les maisons à pan de bois de Laval. Les comptes-rendus d’activité de la SAHM témoignent de cette constante participation, mais ils n’en donnent qu’un inventaire incomplet, oublieux de multiples prises de parole occasionnelles faites lors d’une visite ou d’une réunion. Dominique Éraud ne s’est pas contenté d’intervenir en expert au sein de la SAHM. Ne ménageant pas son temps, il s’est également dévoué pour que vive l’association et pour que les fonctions de gestion soient assurées. Dès 1980, au lendemain de son installation en Mayenne, il a été remarqué par Henry Chanteux, soucieux d’agréger toutes les compétences scientifiques pouvant enrichir l’étude de l’histoire et du patrimoine mayennais, et est entré au conseil d’administration de la SAHM. Il y est resté jusqu’à la fin de sa vie. De 1993 à 1995, malgré ses obligations professionnelles, il a accepté d’exercer la tâche prenante de secrétaire. En 1999, l’association traversait une période de flottements internes, comme tout organisme humain est appelé à en connaître. Pour rétablir l’harmonie, il a accepté de présenter sa candidature à la présidence, pressentant le fait que sa personnalité modérée et unanimement respectée serait propre à calmer les tensions. Il l’a fait non par gloriole, mais pour rendre service, souci constant chez lui. Comme les statuts le permettent, il a exercé cette présidence trois années consécutives, de 1999 à 2001. C’est le même impératif de se rendre utile en acceptant des charges que les autres rechignent à exercer qui l’a poussé à devenir trésorier de 2004 à 2006. On voit bien, à travers cela, que Dominique Éraud, jugeant indispensable l’existence d’une association consacrée à l’histoire et au patrimoine de la Mayenne, ne se reposait pas sur les autres pour la faire vivre et en tirait toutes les conséquences sur son engagement personnel. Un homme discret, ouvert aux autres et compétent On touche là au cœur des qualités humaines de Dominique Éraud. Homme de concorde, peu sensibles aux honneurs, il était bienveillant et loyal à l’égard des autres, avec le souci de ne jamais les brusquer. Il savait faire confiance à ses collègues et se montrait disponible à toutes les demandes, qu’elles émanent d’un professionnel, d’un maire, d’un membre d’une association ou d’un amateur de patrimoine. Réservé et discret, scrupuleux et prompt à se sous-estimer, il surprenait souvent par la solidité et la rigueur des informations qu’il fournissait ou des conclusions auxquelles il aboutissait. C’était un homme de grand savoir dans le domaine qu’il avait choisi d’étudier, l’histoire de l’art. Chercheur ayant les qualités d’un esprit scientifique authentique, il a accompli un travail considérable au service de l’art et du patrimoine mayennais avec passion, dévouement, jusqu’à l’abnégation parfois. De lui Jacques Mallet, son directeur de recherches à l’université, disait déjà : « Dominique Éraud, c’est du solide » et Charles Schaettel, ancien conservateur des musées de Laval, confirme en parlant de lui comme « d’un chercheur solide et scrupuleux ». Face à la maladie, il a toujours refusé de s’épancher et est resté, jusqu’au bout de ses forces, impliqué dans sa recherche. Le travail, inachevé, auquel il participait pour la rédaction d’un Cahier du Patrimoine sur l’histoire et le patrimoine de Sainte-Suzanne et de ses environs lui a apporté ses dernières grandes satisfactions intellectuelles et professionnelles. Il restera à travers notre mémoire et, au-delà, par ses écrits comme l’un de ceux qui ont contribué de façon importante à la connaissance du département de la Mayenne. Bibliographie de Dominique Éraud Laval : l’enceinte urbaine médiévale. La Mayenne, archéologie, histoire, n° 5, 1983, p. 31-46. Les maisons à pans de bois de Laval. La Mayenne, archéologie, histoire, n° 5, 1983, p. 47-70. L’industrie de la chaux en Mayenne au XIXe siècle. 303, arts, recherches et créations, n° 3, 1984, p. 84-95 (en collaboration avec D. de Maynard). Un blanchisseur éclairé : le lavallois Leclerc de la Jubertière et son établissement de la Mazure (1768-1811). La Mayenne, archéologie, histoire, n° 7, 1984, p. 57-94 (en collaboration avec P. Derrien). La voie romaine de Corseul au Mans et l’origine de Laval. La Mayenne, archéologie, histoire, n° 9, 1986, p. 3-52 (en collaboration avec A. Guéguen, C. Lambert, É. Mare, J. Naveau, J.-P. Pincemin et J. Rioufreyt). Laval, le château (Mayenne). Nantes, ADIG, 1988, coll. Images du Patrimoine. Laval, Mayenne. Nantes, ADIG, 1990, coll. Images du Patrimoine. Retables de la Mayenne. Nantes, ADIG, 1990, coll. Images du Patrimoine (en collaboration avec D. de Maynard, J. Perrin et J. Salbert). Retables de la Mayenne. Nantes, ADIG, 1990, coll. Itinéraires du Patrimoine (en collaboration avec D. de Maynard et J. Salbert). Laval, fragments urbains. 303, arts, recherches et créations, n° 24, 1990, p. 58-65. Retables en Mayenne. 303, arts, recherches et créations, n° 26, 1990, p. 82-91 (en collaboration avec D. de Maynard, J. Perrin et J. Salbert). Nantes, la cathédrale (Loire-Atlantique). Nantes, ADIG, 1991, coll. Images du Patrimoine (en collaboration avec J.-M. Leniaud, G. Bienvenu, P. Curie, V. Daboust, C. Gros, F.-C. James et O. Riffet). Le château de Laval. Forteresse et résidence d’agrément. Monuments historiques, n° 186, 1993, La Mayenne, p. 50-53. Armoiries de Laval et de ses seigneurs. La Mayenne, archéologie, histoire, n° 18, 1995, p. 127-133 (en collaboration avec D. de Maynard). Les fours à chaux de la Mayenne. Évolution technique. In : Les fours à chaux en Europe. Colloque du 3 septembre 1994, Maffle (Belgique). Maffle, Musée de la pierre, 1996, p. 131-143 (coll. Documents du Musée de la pierre, vol. 8). Les Calvairiennes de Mayenne. Laval, SAHM, 1998, supplément 9 à La Mayenne, archéologie, histoire (en collaboration avec G. Chérel, J. Salbert et C. Schmuckle-Mollard). Les orfèvres d’Anjou et du bas Maine. Paris, Éditions du Patrimoine, 1998, coll. Cahiers du Patrimoine n° 50 (en collaboration avec M. Jacob, P. Bardelot, C. Davy, F. Le Bœuf et D. de Maynard). Le couvent des Calvairiennes de Mayenne. 303, arts, recherches et créations, n° 59, 1998, p. 4-11 (en collaboration avec G. Chérel et J. Salbert). La collégiale Saint-Tugal de Laval. La Mayenne, archéologie, histoire, n° 22, 1999, p. 63-86 (en collaboration avec P. Bohuon). La galerie des comtes de Laval : vous avez dit Pierre Lescot ? La Mayenne, archéologie, histoire, n° 23, 2000, p. 139-154. Les cathédrales de Nantes, des origines à la fin de l’époque romane. 303, arts, recherches et créations, n° 70, 2001, p. 8-15. La cathédrale de la Sainte-Trinité de Laval. 303, arts, recherches et créations, n° 70, 2001, p. 126-155 (en collaboration avec J. Salbert). Monuments historiques : objets mobiliers protégés. La Mayenne, archéologie, histoire, n° 25, 2002, p. 216-222. Monuments historiques : objets mobiliers protégés. La Mayenne, archéologie, histoire, n° 26, 2003, p. 288-294. La métallurgie du Maine, de l’âge du fer au milieu du XXe siècle. Paris, Éditions du Patrimoine, 2003, coll. Cahiers du Patrimoine n° 64 (en collaboration avec J.-F. Belhoste, J.-P. Bouvet, D. de Maynard et É. Robineau). Terre et ciel. La sculpture en terre cuite du Maine (XVIe et XVIIe siècles). Paris, Éditions du Patrimoine, coll. Cahiers du Patrimoine n° 66 (contributions, sous la dir. de G. Bresc-Bautier et F. Le Bœuf). Un bourg castral inscrit dans le paysage : La Chapelle-Rainsouin. In : Les châteaux du Moyen Âge en Mayenne. La Mayenne, archéologie, histoire, n° 27, 2004, p. 102-105. L’industrie de la chaux. Vieilles maisons françaises. Patrimoine historique dans le Maine, Mayenne et Sarthe, n° 204, oct.-nov. 2004, p. 52-53. Ravigny. La Sauvegarde de l’art français, aide aux églises rurales, cahier 18, 2005, p. 128-129. Le château résidence. In : La Renaissance en Mayenne. La Mayenne, archéologie, histoire, n° 29, 2006, p. 52-55. Épineux-le-Seguin. Sauvegarde de l’art français, aide aux églises rurales, cahier 19, 2006, p. 61-63. Tombes et enfeus en Mayenne. In : Patrimoine d’éternité : pratiques funéraires en Mayenne. La Mayenne, archéologie, histoire, n° 30, 2007, p. 104-111. Temps modernes : le cimetière déserte l’habitat (en collaboration avec S. Hiland et J. Naveau). In : Patrimoine d’éternité : pratiques funéraires en Mayenne. La Mayenne, archéologie, histoire, n° 30, 2007, p. 112-123. Les tombeaux du château de la Juquaise à Saint-Laurent-des-Mortiers. In : Patrimoine d’éternité : pratiques funéraires en Mayenne. La Mayenne, archéologie, histoire, n° 30, 2007, p. 132-137. Le Moyen Âge en Mayenne. Du patrimoine à l’histoire. DVD. Nantes, Centre régional de documentation pédagogique des Pays de la Loire, 2007 (en collaboration avec C. Davy, J.-C. Meuret, J. Naveau et D. Pichot). Les fours à chaux de la Mayenne : une fabrication industrielle pour l’agriculture. In : 1800-1950 : aspects de l’industrie en Mayenne. La Mayenne, archéologie, histoire, n° 31, 2008, p. 184-193. Les retables de l’église des Cordeliers de Laval. In : L’Europe des retables, actes du colloque du Mans (13-16 octobre 2004), Châtillon-sur-Indre, 2008 (coll. Art sacré). T. 2, p. 64-81 (en collaboration avec J. Salbert). Bannes. Sauvegarde de l’art français, aide aux églises rurales, cahier 21, 2008, p. 30-31. Interview sur les peintures murales de Château-Gontier (vidéo), 2010 : http://www.youtube.com/watch?v=ual7xVjYAPg La cathédrale romane de Nantes. In : Nantes, la grâce d’une cathédrale. Strasbourg, La Nuée bleue (à paraître). Contribution sur les objets mobiliers religieux. In : Entre Erve et Charnie. Patrimoine architectural et mobilier dans les environs de Sainte-Suzanne (titre provisoire). Nantes, 303, coll. Cahiers du Patrimoine (à paraître). |
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