conférence du 28/11 – Habitats aristocratiques fossoyés et pouvoirs

Dans la baronnie de Laval du 11e au 15e siècle par Sébastien Mazurier.

 

En 2006, Sébastien Mazurier a soutenu la thèse dont le titre a été repris pour cette conférence.
Se basant sur l’étude des plans anciens, des sources écrites et des données archéologiques, l’auteur de la thèse de référence et conférencier du jour s’attache à inventorier toutes les formes de l’habitat aristocratique d’une partie du Maine occidental, la seigneurie de Laval, afin de cerner leurs fonctions et leur évolution entre le 11e et le 16e siècle.
Un premier réseau, constitué par des mottes castrales de grandes dimensions, se dégage de l’observation. Il occupe des secteurs stratégiques, à la périphérie de la seigneurie, face à de puissants voisins que sont les comtes d’Anjou au sud et les seigneurs de Mayenne au nord. Ces ouvrages, Laval, La Gravelle, Montsûrs, Le Bignon-du-Maine, Vaiges et Bazougers, sont dotés de droits prééminents et parviennent à opérer le regroupement des hommes dès le 11e siècle.
Un second réseau, formé d’ouvrages s’apparentant à des mottes de petites dimensions et des ouvrages fossoyés planes, quadrillent l’espace rural. Détenus par la petite aristocratie, parfois des cadets non adoubés, ces modestes châteaux possèdent généralement des droits politico-féodaux restreints et peinent à rassembler les hommes. Les modifications de la morphologie castrale et la multiplication des ouvrages fossoyés sont des thèmes bien mis en lumière.
Pour les expliquer, on peut invoquer un regain de vigueur de la puissance royale et princière, un intérêt pour les activités typiquement agraires, les effets de la Réforme grégorienne qui oblige des hobereaux à quitter les abords du village ainsi que de véritables stratégies familiales visant à chasser des cadets ou à optimiser des possessions foncières éparpillées.
A l’aide de plans et de photos, M. Mazurier est parvenu à démontrer la complexité de ce que beaucoup englobent sous les appellations de mottes féodales ou castrales.
Une parenthèse a été brièvement ouverte sur la question du peuplement et de l’étendue des forêts de notre département au travers des siècles. Depuis quelques années, les affirmations anciennes ont été mises à mal ; l’étendue des massifs forestiers, le défrichement et le peuplement qui en découle seront autant de sujets qui seront abordés en 2016 lors des conférences.
Le travail d’inventaire n’a pas été simple car de nombreux sites ont disparu, d’autres ne sont pas dans leur état initial et le cadastre ancien montre des limites dans la représentation des habitats fossoyés. De plus, la toponymie doit être abordée avec vigilance en raison des déformations subies par les noms. La microtoponymie également montre des limites en raison de l’ancienneté douteuse de l’appellation des parcelles.
La motte castrale est une réalisation du 10e siècle dont la construction est bien règlementée.
Le terme de castrum ou de castellum, eux-mêmes peu employés, ne révèle pas la présence d’une motte. La plus ancienne mention d’un château, sans doute avec motte, concerne le castrum quod mota nuncupatur de Bouère dès 1062.
Certains sites considérés comme des mottes sont en fait des maisons fortes dites « mottes basses ».
Le mot « motte » est fréquemment utilisé entre 1450 et 1550 puis entre 1650 et 1800, probablement du fait du recopiage des aveux. Il n’est pas rattaché au fait que le site soit ou non fossoyé : seuls 45% des cas citent la présence de douves, fait peut-être lié au comblement de ces dernières.
Bien souvent, la motte citée dans un aveu n’est pas une authentique motte castrale mais un plateforme quadrangulaire.
Dès le 15e siècle, les mottes sont également associées aux garennes dites « à connils » comme au Pin (Préaux) ou à Rouessé (Laval).
La prospection est indispensable car il peut y avoir confusion avec un site d’extraction de minerais (le Breil à Bazougers) ou une ancienne ferrière (le Bas-Feuchaux à La Bazouge-de-Chémeré).

 

         Les ChassebouvièresSaint Denis du Maine

La motte peut être accompagnée d’une ou de deux basses-cours souvent disparues, partiellement détruites (Les Chassebouvières au Bignon-du-Maine – voir photo ci-dessus) ou aplanies (la Motte-Henri à Arquenay).
Enfin, la densité des mottes est très irrégulière dans le département : elles sont en effet très abondantes dans des secteurs comme celui de Meslay-du-Maine.
Sièges de seigneuries, habitats aristocratiques, ouvrages destinés aux cadets des grandes familles, contrôle du territoire par les grands possédants, les recherches sur les mottes sont loin d’avoir livré tous leurs secrets.

La thèse peut être consultée sur Internet http://cyberdoc.univ-lemans.fr/theses/2006/2006LEMA3009.pdf

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