Le 29 septembre 2024, Antoine Barré, guide conférencier et membre de la SAHM, nous a entraînés successivement sur plusieurs lieux historiques d’Ille-et-Vilaine : Rannée, la Guerche-de-Bretagne et la Selle-Guerchaise.
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Thèse J.-C. Meuret
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Ouvrages de René Cintré
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Inventaire du Patrimoine de 2004 par Véronique Orain
Rannée.
Publiée en 1993, la thèse de Jean-Claude Meuret sur le peuplement de la Marche Anjou-Bretagne, rend compte d´implantations très anciennes dans la forêt de la Guerche remontant à la période gallo-romaine. Plusieurs enceintes quadrangulaires en terre ont été mises au jour. Un complexe gaulois dit « de la Ligne Anne » a été découvert et forme un site archéologique notoire. De forme trapézoïdale, l´ensemble comprend une zone d´habitat et, entre autres, un silo souterrain de stockage de céréales.
Des tronçons d´une voie romaine ont également été dégagés au sud de la Bussonière, dans la partie occidentale de la commune et en limite de la forêt entre Rannée et Drouges, du Chemin Creux à la Petite Grange. Selon Jean-Claude Meuret cette route réemploie des parties de pistes antérieures à l´époque gallo-romaine.
Existence de mottes castrales à la Bussonière, à la Grande Grange et au lieu-dit le Masse en limite de la forêt au sud-est. Ce dernier site est exceptionnel et constitue un trésor archéologique. Plus qu´une motte castrale, il s´agit ici d´un village médiéval entouré d´une enceinte quadrangulaire en terre. Des bronzes émaillés de reliquaire et de croix du 13e siècle y ont été trouvés et témoignent de l´existence d´une chapelle. Des coffres funéraires en plaques de schiste ont également été mis au jour ainsi qu’une fibule ansée du 6e ou du 7e siècle. Résidence d´un des vassaux du seigneur de la Guerche, Robertus de Forgiis, le village semble avoir été déserté après le 13e siècle. Cette implantation stratégique était vraisemblablement due au contrôle de la production du fer comme le rappelle le toponyme voisin du village de Forges-la-Forêt.
La fondation de la paroisse et le fief épiscopal de Rannée.
La paroisse a été fondée aux environs du 10e siècle. Elle renfermait sur son territoire le château et la ville de la Guerche. Cette suprématie paroissiale a subsisté jusqu´à la Révolution, époque à laquelle elle est pour un temps rattachée à celle de la Guerche pour être de nouveau érigée en paroisse avant de retrouver son autonomie par une ordonnance royale du 11 février 1820. Elle est érigée en commune en 1881
La variété des matériaux employés dans les constructions, bois, terre, schiste, grès, quartz détermine le patrimoine rural de la commune. Les colorations différentes de ces matériaux et leur mise en œuvre variée et alternée, surtout pour les chaînages des angles et les encadrements des baies rehaussent l´austérité relative de nombre de façades. Carrière à la Perrière (manoir en sortie de village).
L´église de Rannée dédiée à saint Crépin et saint Crépinien a été reconstruite entre 1168 et 1178 à la suite d’un incendie. De cette période, elle conserve encore de beaux vestiges : la façade occidentale, la base de la tour du clocher et le chœur prolongé par une abside. La façade occidentale très sobre est épaulée par quatre contreforts. Ceux du centre encadrent le portail d´entrée et la fenêtre haute. De proportion modeste, le portail présente une mise en œuvre particulièrement soignée, les claveaux qui forment l´arc brisé sont protégés par une archivolte à billettes. La façade nord remploie également des pierres taillées dont les décors gravés en dents de scie témoignent au moins de cette période.
Le reste de l´édifice a été reconstruit aux 16e et 17e siècles ; c’est une église à pignons multiples.
La façade nord est particulièrement intéressante et présente une succession de pignons de gabarits différents dont les gâbles décorés renvoient à l´art gothique finissant. Le portail nord dans le style de la Renaissance avec pilastres et chapiteaux composites est en pierre de taille de calcaire. Les deux contreforts qui l´encadrent sont munis de bas-reliefs qui représentent à gauche un donateur agenouillé (ou saint Yves) et à droite saint Crépin ou saint Crépinien. Les ducs de Brissac étaient seigneurs de la Guerche de 1562 à 1673 et la reconstruction de l´édifice est vraisemblablement due aux largesses de cette puissante famille. La date de 1658 est portée sur la clef centrale d’une porte extérieure sud. La date de 1807 apparaît sur un contrefort nord.
À l’intérieur, le chœur conserve de la période romane son arc triomphal, soutenu par des colonnes engagées à chapiteaux ouvragés
L’ensemble du maître-autel est composé d’un retable réalisé dans la 1ère moitié du 17e siècle ; son auteur est inconnu, peut-être Langlois ou Augereau. L’autel, le tabernacle et les gradins ont été refaits en 1855.
Le tableau d’origine fut offert au 17e siècle par Hardouin Le Voyer, commandeur de l’Ordre du Temple et vicomte de Paulmy. À partir de 1897, il a été remplacé par un relief représentant la Transfiguration. Il est actuellement déposé dans la chapelle des fonts. Le tableau actuel est une copie d’un tableau de Charles Le Brun, d’après une gravure de Gilles Rousselet. Il est mis en place lors de la restauration du retable après 1970.
Autel de saint Pierre, saint Sébastien et saint Roch (à droite) et l’autel de tous les saints (à gauche) : l’ensemble a été réalisé en 1642 (date portée) ; il est attribué à l’atelier du retablier et architecte Tugal Caris.
De gauche à droite: Autel de Ste Anne, autel du Rosaire, autel de tous les Saints
L’autel de sainte Anne a été réalisé en 1654 dans le style des retables lavallois ; son auteur est inconnu. Peut-être Langlois ou Augereau
La statue de terre cuite représentant l’Éducation de la Vierge est datée de 1654. Elle a été attribuée au sculpteur lavallois Léger Plouvier et possède deux répliques quasi identiques, l’une à Gennes-sur-Seiche (Ille-et-Vilaine), l’autre à l’école de Saint-Aubin d’Angers (Maine-et-Loire).
L’autel du Rosaire est attribué au retablier et sculpteur Jean Martinet. Il peut être daté autour de 1620. Représentation de saint Crépinien / Christ Bénissant / saint Crépin : statue en pierre réalisée dans la 1ère moitié du 17e siècle et attribuée au retablier et sculpteur Jean Martinet.
La chaire à prêcher, peut-être datée de la fin du 16e siècle, est la plus ancienne du département ; l’escalier, le dorsal et l’abat-voix ont été restaurés et entièrement refaits au 19e siècle.
La litre funéraire aux armes de la famille de Brissac réalisée au cours du 17e siècle subsiste à l’état fragmentaire.
L’orgue provient de la chapelle du Bon-Pasteur d’Angers où il fut construit en 1847 par Daublaine et Callinet. En 1955, Cheron en effectue le transfert à Rannée et le place dans le bas-côté nord. Une bouche de chauffage ayant été ouverte en face de l’orgue, il a fallu le déplacer et l’installer dans le bas-côté sud, ce qui a été fait en 1972 par Y. Severe.
Une peinture monumentale de l’autel de saint Sébastien, représentant saint Pierre et saint Sébastien peut être datée du 16e siècle. Elle précède l’installation du retable qui vient la recouvrir en 1642.
La Guerche-de-Bretagne
Le nom de La Guerche viendrait, en effet, d’un terme franc : guerche dérive du terme werki. « ouvrage fortifié », généralement en bois, bâti sur une butte naturelle ou artificielle.
Mainguené est le premier seigneur de La Guerche, au 11e siècle. C’est un proche du duc Alain III de Bretagne. Celui-ci accorde à son vassal l’une de ses places fortes sur la paroisse de Rannée. Construction de la Motte vers 1070-80.
Au 12e s., les deux seigneuries de la Guerche et Pouancé se fondent en une seule. C’est alors à Pouancé, site plus facile à défendre, qu’est construite la forteresse de la seigneurie, entre le 12e et le 15e s. Guillaume III, mort en 1224, est un des derniers seigneurs à avoir résidé à La Guerche.
Elle se développe surtout à partir du 12e s. à la faveur de sa position de carrefour situé sur la limite de la Bretagne, au contact de l’Anjou. Elle comprend alors le château, le bourg castral cerné de fossés et plus tard de modestes murs, avec des halles, un marché et une importante église collégiale.
Après un pique-nique, confortablement installés, dans le centre culturel la Salorge, nous commençons la déambulation place de la Cohue dont le nom désigne l’ensemble immobilier : puits, maisons à porches ainsi que les halles et l’auditoire, aujourd’hui disparus. Les halles en bois détruites en 1830 sont remplacées par le bâtiment actuel comportant, sur la façade sud, des boutiques avec arcades occupées par des commerces tels que poissonnerie, primeurs, café, bureau de tabac… À l’étage se tenait la mairie avec sa grande salle du Conseil et la salle de Justice de Paix.
Un marché du mardi est mentionné dès 1121 auquel s’ajoutent les grandes foires angevines de septembre. C’est encore là qu’étaient vendues et marquées officiellement les toiles de chanvre produites dans la région et que l’on contrôlait les poids et mesures.
La particularité des maisons est d’avoir un porche en bois avec une structure arrière en pierre. Ces maisons n’ont pas de cave en raison de la présence de marécages. À noter que le parcellaire est en lanières jusqu’aux murs.
Rue des Chapelles, le bâtiment qui borde le passage vers le jardin de la mairie est encore appelé salle Saint-Maimboeuf : il se trouve sans doute à l’emplacement d’une chapelle citée en 1185 et qui était dédiée à cet évêque d’Angers. Présence de grotesque en linteau au n° 3.
La collégiale fondée en 1206 par Guillaume III, a vu la fin des travaux du collatéral sud en 1537. Une grande partie du bâti est en pierre jaune de pays. Présence d’une école régionale de sculpture au 16e siècle.
Basilique depuis 1951 (église distinguée par Rome, souvent en raison d’un pèlerinage marial).
Des bas-côtés sont mis en place au début du 16e siècle, réservant juste des sacristies en haut de nef. Le bas-côté nord sera par la suite abattu puis reconstruit alors que le bas-côté sud aura survécu avec une partie de ses fastueux vitraux. Il faut noter la présence d’engoulants dans nef.
Les stalles du chœur sont célèbres pour leur irrévérence. Elles ont été réalisées entre 1502 et 1525 et offertes par le duc Charles IV d´Alençon, seigneur de la Guerche à cette période. Ressemblance avec celles de Tréguier. Au nord, les miséricordes représentent les diverses scènes du Paradis terrestre, la création d’Adam et Ève, la tentation, le renvoi, etc. Au sud, elles figurent les péchés capitaux, sous des scènes extrêmement pittoresques voire irrévérencieuses.
Outre les miséricordes, les panneaux des dossiers méritent attention. Ici un homme nu défèque sur un prédicateur, là un autre montre ses fesses à un gendarme, ailleurs une femme soulève ses jupes. Les représentations des proverbes sont courantes dans les stalles, particulièrement à la fin du Moyen Âge.
L’orgue a été inauguré par Camille Saint-Saëns en 1889.
Un certain nombre de vitraux exceptionnels datent des 15e et 16e siècles :
Baie 10 : Annonciation, 1536, Yves Mayeuc, évêque de Rennes
Baie 12 : Dieu le Père, 15e
Baie 14 : Jugement dernier, 1537
Baie 16 : Arbre de Jessé, 15e siècle.
Nous poursuivons notre périple jusqu’à la motte castrale par l’allée des Tanneurs.
Élevé au bord d’un marécage aménagé en étang et qu’on nommait le Matz, entouré de fossés, ce château fut la résidence des premiers seigneurs de La Guerche à partir des années 1070-1080 jusqu’en 1224 (Guillaume III de Pouancé). En 1380, Bertrand Duguesclin, alors seigneur de La Guerche, y entretenait une garnison de 30 lances, pour le camp du roi Charles V. Plus tard on y installa des prisons mais dès la fin du Moyen Âge le château était en ruines et, en 1740, ses dernières pierres servent à construire l’Auditoire près des halles.
L’enseigne de l’entreprise Perrier-Baron par Odorico
Isidore et Vincent Odorico, première génération
L’entreprise Odorico Frères est créée à Rennes en 1882 par Isidore (1845-1912) et Vincent (1848-1909). Émigrés italiens originaires du Frioul, d’un village où se perpétue une tradition de réalisations en mosaïque et pavage de galets, ils collaborent dans un premier temps avec Gian Domenico Facchina dans la réalisation des mosaïques de l’Opéra Garnier.
Ils s’installent ensuite à Tours, avant de s’établir dans la capitale bretonne où leur entreprise va connaître un développement important et participer aux innovations architecturales en impulsant une nouvelle mode. Les particuliers veulent des « paillassons » d’entrée, des cartouches sur la façade avec leur monogramme. Les couleurs vives mettent en valeur les vitrines.
Les mosaïques sont réalisées avec des tesselles de smalt or, des pâtes de verre, des émaux. Technique artisanale, elle s’organise bientôt de façon industrielle. Division des tâches : préfabrication des panneaux en atelier (préassemblés à l’envers sur du papier kraft), et pose du décor sur place par une autre équipe.
Isidore Odorico fils (1893-1945) et son frère Vincent (1879-1944) sont les dignes héritiers de leur père et de leur oncle. Diplômé de l’École des Beaux-Arts de Rennes, Isidore reprend l’entreprise familiale en 1912, à la mort de son père. Mobilisé puis fait prisonnier lors de la Première Guerre mondiale, il séjourne à Darmstadt en Allemagne où il se familiarise avec l’Art nouveau qui l’inspirera. Au sortir de la guerre, se développe une culture de l’hygiène. Imputrescible, lavable à grande eau, la mosaïque est facile d’entretien dans les piscines, bains-douches, salles de bains. On peut recouvrir toutes les surfaces, sols et murs. De nombreuses postes, gares, sont ornées des mosaïques Odorico.
De retour à Rennes en 1918, Isidore Odorico qui est l’héritier d’une technique traditionnelle et d’une bonne formation artistique, va se servir de ses qualités d’entrepreneur pour développer l’art de la mosaïque dans tout le grand ouest de la France. Sa florissante entreprise emploie une centaine d’artisans répartis entre l’atelier de Rennes et les succursales qu’il ouvre à Nantes, Angers et Dinard. Fort de son succès financier et artistique, il s’adapte aux goûts de sa clientèle et aux nouvelles tendances décoratives, tout en leur insufflant sa propre créativité. Il invente ainsi un vocabulaire décoratif et une grammaire Art Déco, rendant ses créations originales.
Affaibli par sa captivité durant la Deuxième Guerre mondiale, il meurt dans sa maison à Étrelles où il est réfugié avec ses ouvriers. Reconvertie dans le carrelage, l’entreprise ferme en 1978.
https://www.google.fr/books/edition/Odorico/t5E80AEACAAJ?hl=fr
Chapelle Sainte-Anne à La Selle-Guerchaise
Cette chapelle en forme de pagode octogonale a été fondée par le missionnaire François Lizé, rapatrié de Chine et recteur de la paroisse de 1875 à 1878 (dates portées sur l’épitaphe). Le missionnaire meurt à 49 ans en 1887 à Winglong en Chine
Les peintures murales intérieures ont été rénovées et reconstituées en 1990-1991.
La statue dans la niche au-dessus de l’autel est un groupe représentant une Sainte-Anne Trinitaire. Il proviendrait de l’ancienne chapelle du Poncel, aujourd’hui disparue. La statue est fortement sinisée (la tête de la Vierge ainsi que la partie inférieure du groupe sont rapportées) mais la partie ancienne date probablement de la fin du 14e siècle.