Le chartrier du château de Fresnay
Trois familles à Saint-Domingue au 18e siècle à partir d’archives en Mayenne
par Laurine Quetin.
Le chartrier du château de Fresnay possède un ensemble de documents concernant toute son histoire. Il est constitué de nombreux papiers de famille, un ensemble d’une grande richesse entre le 14e siècle et la fin du 19e siècle. En tout, 323 cotes. Ici il n’est question que de 9 cartons qui constituent ce qu’un historien, Gabriel Debien, a appelé à la fin des années 1950, « le petit fonds Saint-Domingue ». Depuis cette date, il dormait paisiblement dans les archives de la Mayenne loin du regard des chercheurs. Ces cartons sont la mémoire de trois familles, Chabanon, de Vezien et de Pardaillan, entre 1725 et 1830, recueillie ensuite par une quatrième famille, de Bailly, installée au château de Fresnay.
La généalogie explique parfaitement le voyage de Saint-Domingue au château de Fresnay. Grâce au mariage de Marie Laurence de Chabanon en 1751 avec Dominique de Vezien à Saint-Domingue, 5 enfants voient le jour et parmi eux, Madeleine-Laurence qui va épouser à Paris en 1774 le comte Pierre de Pardaillan, d’origine gasconne. Sa carrière de militaire l’oblige à s’installer entre 1776 et 1779 dans la partie sud de Saint-Domingue. Le couple eut une fille, Jeanne-Victoire, toujours nommée Victorine. La Révolution française arrive et bouleverse le cours de l’existence de ces familles.
C’est ainsi que Victoire, installée provisoirement à Altona avec d’autres émigrés, épouse le 8 mai 1800 le marquis Charles-Gaspard de Bailly, originaire de la Mayenne. Ils y reviendront seulement en 1808, après avoir passé plusieurs années à Lisbonne. Le voyage s’achève au château de Fresnay.
Cette histoire de famille est celle de la transmission de ses biens. Deux successions sont relatées, celle de Dominique de Vezien en 1760, époux de Marie-Laurence de Chabanon, puis celle de Madeleine de Chabanon, sa mère, en 1780. C’est en même temps l’histoire de la colonie française de Saint-Domingue, « la perle des Antilles » où les colons planteurs s’enrichissent principalement grâce au sucre que leurs esclaves noirs extraient de la canne à sucre. Les inventaires après successions permettent de décrire précisément la plantation ou habitation et son fonctionnement exact avant la Révolution française.
Ce « petit fonds Saint-Domingue » est aussi l’histoire d’une femme, Marie-Laurence de Chabanon, mariée deux fois (D. de Vezien puis J.J. Bacon de la Chevalerie) qui doit assumer entre 1760 et 1792, date de son retour définitif à Paris la gestion de successions et de tous les problèmes liés au partage des biens au sein de sa famille et de ses enfants. Malgré l’éloignement, tous les documents signés par les notaires et les avocats entre le Cap français et Paris sont acheminés et les affaires, traitées correctement. Toute l’activité de Saint-Domingue passe par le négociant installé au Cap français. Cela explique la présence d’une correspondance importante dans ce fonds et des liens qui se nouent avec les négociants.
Mais cette histoire de famille souligne la vulnérabilité des richesses acquises par les colons planteurs puisqu’elles dépendent de l’activité du négoce et du contexte politique. Tout s’effondre rapidement au moment de la Révolution et entraîne la chute de nombreux membres des familles Chabanon et de Vezien. Les documents du fonds permettent aussi de montrer comment au 19° siècle l’avenir des descendants s’engage entre les héritages du passé et les contraintes du présent dans une société qui a totalement changé.
Enfin, le fonds possède un ensemble de documents sur la séparation de biens entre Marie-Laurence de Chabanon et son second mari, Jean-Jacques Bacon de la Chevalerie qui s’achève à la fin du 18° siècle. La femme mariée étant sous la tutelle de son époux, la reprise en main de ses biens est une opération très délicate. Ici, la lutte engagée par l’intermédiaire de notaires entre la France et Saint-Domingue, en est un témoignage précis.
La conférence s’est conclue par un ensemble de portraits dans la famille de Bailly du château de Fresnay, précédé par celui de M.P.G.de Chabanon, l’aîné de la fratrie Chabanon et terminé par celui de Pauline Claudine Bacon de la Chevalerie dont le testament de 1815 réunit tous les membres des quatre familles déjà citées et prouve les liens qui les unissent.
Laurine Quetin